Des prisons et des hommes

Des prisons et des hommes

Des prisons et des hommes

Les informations en provenance de République démocratique du Congo sont le plus souvent hors normes, à l’image de ce pays immense, grand comme quatre fois la France, 20 fois la petite Belgique son ex-colonisateur ;  tandis que sur le continent africain, seule l’Algérie est plus vaste.

Cette semaine, le mercredi 17 mai, les très graves événements survenus à la prison centrale de Makala à Kinshasa – l’équivalent de la Maca, la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan - n’ont pas failli à la règle: hors normes. Jugez plutôt: vers 4 heures du matin, une attaque à l’arme lourde a permis à quelque 4'600 prisonniers de prendre la fuite et de disparaître dans la nature.

Depuis lors, la population kinoise, déjà éprouvée par les problèmes sans fin qu’elle doit affronter au quotidien, se retrouve terrorisée à l’idée de croiser criminels et malfrats en cavale.

Les miliciens armés jusqu’aux dents qui ont mené l’attaque voulaient libérer leur leader, Ne Muanda Nsemi, chef du Bundu Dia Kongo (Bdk), qui signifie « Royaume du Kongo », en référence à un royaume qui connut son apogée au 16e siècle, et dont ce mouvement politico-religieux prône la restauration.

Il avait fallu 2 semaines de siège de sa résidence avant de réussir à arrêter le chef de ce mouvement qualifié de « secte », qui appelle au soulèvement contre le président Kabila. Il est désormais en cavale, et avec lui plus de la moitié des 8'000 prisonniers du pénitencier de Makala, construit dans les années 50 par les colons belges pour abriter quelque 1'500 personnes, et qui en compte aujourd’hui plus de 8'000.

Les informations sur l’« enfer » de Makala font frémir, avec ses 11 pavillons où les gens s’entassent à même le sol, ainsi que la menace, pour les récalcitrants, de finir à « l’étouffement », l’équivalent du « blindé » à la Maca d’Abidjan : un pavillon surpeuplé où les détenus sont alignés par terre, assis, sans espace pour s’allonger, le plus souvent privés de « vungule », ce mélange de maïs et de haricots distribué une fois par jour aux prisonniers, pour les empêcher de mourir de faim.

Dans le même établissement pénitentiaire, des « grands types », moyennant finance, parviennent toutefois à négocier leur séjour dans des cellules individuelles, dotées d’un certain confort – à l’image du quartier des « assimilés » de la Maca.

Dans chaque pays, les prisons sont le reflet de la société qui les entoure, avec leurs problèmes bien spécifiques. L’insupportable solitude dont souffrent les prisonniers placés dans les quartiers de haute-sécurité de prisons américaines ou européennes n’est pas un problème dont pâtissent les « pensionnaires » des prisons africaines. Où toutes sortes de petits trafics ramènent la vie à l’intérieur même de la prison ; avec toujours l’espoir de parvenir à s’évader.

Des prisons d’où il est impossible de fuir ne représentent-elles pas la pire des tortures ? A la prison centrale de Makala en revanche, il est même possible de participer à des séances de prière organisées par des pasteurs prisonniers. Reste qu’à Kinshasa comme ailleurs, les prisons du continent africain ont une très mauvaise réputation, accusées d’être devenues de véritables « mouroirs », où les prisonniers meurent de faim, de maladies, de tortures, entassés qu’ils sont dans des cellules surpeuplées et insalubres.

A ceux qui leur font des reproches de bafouer les normes internationales les plus élémentaires en matière de conditions de détention, les pays africains répondent le plus souvent qu’ils manquent de moyens, que les prisons ne sont pas des hôtels, alors que les problèmes à gérer sont si nombreux de l’autre côté des murs.

Reste que si le code pénal n’envoyait pas systématiquement de petits délinquants dans les prisons, celles-ci seraient déjà moins peuplées. Et tous ces jeunes, qui restent parfois des années sans être jugés, auraient peut-être la possibilité de poursuivre le cours de leur existence, sans être marqués à vie.


Catherine Morand
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