AYAME : LE POISSON SE FAIT DE PLUS EN PLUS RARE, ET POURTANT...

LE POISSON SE FAIT DE PLUS EN PLUS RARE, ET POURTANT...
LE POISSON SE FAIT DE PLUS EN PLUS RARE, ET POURTANT...
LE POISSON SE FAIT DE PLUS EN PLUS RARE, ET POURTANT...

AYAME : LE POISSON SE FAIT DE PLUS EN PLUS RARE, ET POURTANT...

AYAME : LE POISSON SE FAIT DE PLUS EN PLUS RARE, ET POURTANT...

Pour s’occuper et faciliter l’attente en ce lieux où les moustiques continuent de festoyer avant le lever du soleil, les femmes devisent tranquillement ou partagent des beignets et parfois le reste du repas de la veille qu’elles ont pris soin d’apporter de la maison pour le petit déjeuner.

Non loin de là, un peu plus en retrait, des hommes (en minorité dans cet espace) échangent entre eux. Parmi eux, les premiers pêcheurs qui ont débarqué leur embarcation du lac. Sous le regard attentionné des responsables de la coopérative des pêcheurs d’Ayamé, ils expliquent les difficultés qu’ils ont vécues cette nuit au cours de la partie de pêche.

Les responsables locaux de la pêche, commis pour veiller sur la bonne pratique de cette activité sur les plans d’eaux, attendent sous les hangars la séance de pesée des différentes prises. Avec son sac en bandoulière, l’agent de la mairie, chargé, lui, du prélèvement des taxes municipales a déjà pris ses quartiers à côté des commerçantes.

7 H 00. Le gros lot des pêcheurs commence à regagner la rive. Une pirogue accoste. Les femmes se ruent sur l’embarcation. Chacune d’elles tient à avoir les plus gros poissons. La première arrivée a tendance à s’accaparer la totalité de la production. Cela provoque des disputes, très vite maîtrisées par les responsables de la coopérative des pêcheurs.

Les espèces de poison qui peuplent le lac Bia sont essentiellement le Tilapia, dans une proportion d’environ 50%, au dire des pêcheurs. Cela, ils le savent par expérience, au vu de leur production annuelle. Vient ensuite le Christisis communément appelé le machoiron.

Cette espèce apparaît périodiquement, et en grand nombre dans la période allant du mois d’avril à celui de juin. Le machoiron constitue aujourd’hui environ 80% des prises.

Autres espèces pêchées dans les eaux du lac Bia : l’aleste connu localement sous le nom de “ mabê”, auquel il faut ajouter des poissons plus rares; pour lesquels, les pêcheurs doivent faire montre de dextérité. Il s’agit notamment de l’Hétérotis niloticus que les Agni appellent “fana”, puis du brochet et du silure.

A 9 h, toutes les embarcations sont rentrées au quai avec leur contenu de poisson et autres crustacés.

Le jour de notre passage, la moisson n’était pas du tout bonne. En tout cas, à en croire les commerçantes et les habitués du coin, la situation est comme cela depuis quelques années. “Le poisson se fait de plus en plus rare sur le marché d’Ayamé. Il faut se lever très tôt pour espérer avoir un peu de poisson”, grogne une ménagère qui rentre bredouille du débarcadère.

Selon la population d’Ayamé, la situation était bien meilleure, il y a quelques années. Le marché était ravitaillé en grande quantité de poisson, à moindre coût. Et cela même après le départ des pêcheurs maliens Bozo du lac de la Bia.

Aujourd’hui, tout le monde s’interroge : Qu’est-ce qui a bien pu se passer, pour que l’activité de pêche sur le lac Bia soit frappée ainsi de léthargie?

Avec le départ des pêcheurs Bozos, suite aux conflits nés de la pratique de la pêche sur les plans d’eaux de la région, conflits suivis de la fermeture de la pêche sur le Lac Bia en 1997, les ressources halieutiques se font rares dans la région.

Les jeunes ont beau se réorganiser pour assurer la relève, le ravitaillement du marché local en poisson prend aujourd’hui un coup.

Et dire que les jeunes avaient reçu un soutien des autorités municipales ! “Nous avons profité de la fermeture de la pêche pour organiser les jeunes de la commune d’Ayamé et même de certains villages de la sous-préfecture, notamment Akressy, Ebykro, Sanhoukro et Yaou en coopérative.

Au niveau d’Ayamé, ils étaient 300 membres”, explique le maire d’Ayamé M. Louis Blaise Brou Aka. Une licence de pêche avait même été instaurée, qui déterminait les conditions à remplir pour exercer le métier de pêche sur le lac de la Bia.

Un plan d’eau qui couvre une superficie de 17.000 hectares et s’étend sur trois des quatre sous-préfectures du département d’Aboisso.

A savoir Aboisso sous-préfecture, Ayamé et Bianouan. Désormais, pour pratiquer la pêche dans la cité d’Ayamé, il faut être ivoirien, détenir une licence et surtout faire partie d’une coopérative. Au niveau technique, il avait été prévu que pas plus de 200 pêcheurs ne devraient être présents, en même temps, sur le lac. Il était aussi prévu la fermeture du lac pour une période de trois mois par an. “C’est un arrêt biologique qui permet aux espèces de se régénérer”, relève le maire.

Selon toujours M. Louis Blaise Brou Aka, la mairie, en plus d’un fonds de démarrage de 2 millions mis à la disposition des jeunes, a pu obtenir un fonds de financement pour la pêche. Ce fonds a permis aux jeunes de se former aux nouvelles techniques de pêche, à la réparation des filets, à la gestion des revenus, etc.

La mairie a même pris la décision d’exonérer les pêcheurs des taxes. Une sorte de frais d’installation. Ces mesures ont permis, dans un temps record, de produire leurs effets. Ainsi, un an après le départ des Bozo de la cité, les jeunes pêcheurs d’Ayamé ont pu réaliser une production de plus de 380 tonnes de poisson. Ce qui, selon le maire, correspond presque au même tonnage que celui que réalisaient, en son temps, les Bozo.

“Lorsque la saison est propice, certains des pêcheurs les plus expérimentés peuvent gagner par jour entre 20.000F et 30. 000 Fcfa. Ce qui revient à une recette mensuelle qui oscille entre 600.000 Fcfa et 900.000 Fcfa”, relève M. Yao Yao Junior, un pêcheur du grand débarcadère d’Ayamé.

Les moins expérimentés, eux, s’en tirent tout de même avec une recette journalière de 3000 Fcfa à 15.000 Fcfa. Avec les produits de cette profession très rémunératrice, du reste, nombre de jeunes se sont donc investis dans d’autres activités lucratives. “Plusieurs magasins vont donc sortir de terre dans la ville.

D’autres vont se bâtir des maisons avec toutes les commodités qui n’ont rien à envier aux résidences construites par les cadres de la région”, souligne M. Louis Blaise Brou Aka.

 Seulement voilà. Cette relative situation d’opulence, au lieu d’encourager davantage les pêcheurs dans la pratique de leur métier, va plutôt amener certains à quitter la profession, à créer une désaffection pour cette activité qu’une partie de la jeunesse d’Ayamé trouve contraignante.

C’est que, avec l’argent obtenu, celle-ci va se reconvertir dans d’autres secteurs d’activités. “La pratique de la pêche est très difficile. Aussi, avec l’argent que j’ai obtenu, j’ai préféré ouvrir un magasin de riz et de produits de grande consommation”, explique un pêcheur du débarcadère du secteur “Piste 2”.

D’autres vont tout simplement louer leurs licences d’exploitations à d’autres personnes. Qui, en réalité, n’ont pas ou n’ont plus le droit de pêcher sur le lac de la Bia.

“Des jeunes s’installent dans des campements, de l’autre côté du Lac et donnent leurs pirogues et les équipements de pêche à d’autres personnes pour travailler à leur place. Ils se partagent par la suite le fruit de la production”, dénonce un habitué des coins.

Le Secrétaire général de la coopérative des jeunes pêcheurs d’Ayamé (Coopja ) M. Aka Tanoh Simon ne dit pas autre chose quand il affirme que des pêcheurs clandestins allogènes sont toujours présents sur le lac.

Ainsi donc, peu à peu la Bia va se “dépeupler” de ses nouveaux pêcheurs locaux. De sorte que, de 300 recensés dans les fichiers de la COOPJA, à sa création en 1997, il ne reste plus qu’une centaine de personnes qui sont toujours actives.

 Cette situation met à mal le bon fonctionnement de la coopérative. Et, ne permet surtout pas de bien gérer l’activité de pêche sur la Bia ; en vue de maintenir le niveau de production des premières années.

“Sur les 180 coopérateurs actifs, il n’y a que 40 qui s’acquittent régulièrement de leur droit vis-à-vis de la coopérative ”, se plaint M. Aka Tanoh Simon.

En réalité, il est prévu le prélèvement journalier de 10Fcfa / Kg sur la prise effectuée par chaque membre. Somme qui devrait logiquement permettre de faire fonctionner la coopérative.

“ Nous sommes obligés, chaque matin, de faire la police derrière les pêcheurs afin qu’on procède à la pesée des prises.” relève M. Aka Tanoh Simon. Aujourd’hui, faute d’engouement de la part des pêcheurs pour l’esprit coopératif, la Coopja n’arrive pas à mobiliser assez de ressources pour couvrir ses charges de fonctionnement. Les postes de contrôleurs, créés au début, ont été purement et simplement supprimés.

De sorte que la coopérative dit ne pas être en mesure d’assurer, de façon efficace, le contrôle sur le plan d’eau, comme décidé initialement.

 Conséquence, aujourd’hui la production de poisson est devenue insuffisante pour les besoins internes. Selon les responsables de l’Agence nationale pour le développement rural (Anader), seuls 20% de la production totale sont commercialisé à Ayamé et dans le département.

Le reste étant écoulé sur le marché d’Abidjan où la rentabilité, au dire des pêcheurs, est plus élevée. Ce qui fait dire au maire que, pour avoir le poisson d’Ayamé “ il faut se rendre au grand carrefour d’Abidjan-Koumassi ”.

Face aux différents dysfonctionnements de la coopérative et la pénurie de poisson qui se signale peu à peu dans la localité les autorités municipales ont décidé en 2003 de réorganiser la filière pêche.

Plusieurs mesures sont initiées pour corriger cet état de fait. Toutes les licences de pêche, qui datent de 1998, sont frappées de nullité. “Notre vœu, c’est de remette la coopérative sur les rails et faire remonter la production. Nous œuvrons pour que le poisson soit abondant, comme par le passé, que son coût soit abordable dans notre cité”, souligne le premier magistrat d’Ayamé (...)

 60% de pêcheurs ne savent pas nager

Soixante pour cent de jeunes qui pratiquent l’activité de pêche sur le lac ne savent pas nager ”. Celui qui le dit s’appelle Kouamé Ebé. Il est le secrétaire général de la coopérative des pêcheurs du village d’Ebikro N’dakro, localité située à une vingtaine de kilomètres d’Ayamé.

Selon lui, plusieurs pêcheurs sont morts dans le lac par noyade. Et depuis 1999 cinq cas de noyade ont été constatés au niveau de leur débarcadère. “ Lorsque le filet s’accroche à un obstacle au fond de l’eau nous sommes obligés de descendre en profondeur pour le détacher. C’est en le faisant que beaucoup parmi nous ont perdu la vie ”, explique-t-il. C’est pourquoi, il souhaite que les pêcheurs de sa localité bénéficient d’une initiation en natation et aux techniques de sauvetage dans le domaine des plans d’eaux.

Comme leurs amis du débarcadère d’Ayamé et de Piste 2, ils veulent bénéficier d’une formation aux nouvelles techniques de pêche et avoir pour eux une chambre froide pour la conservation du poisson.

Parlant de la commercialisation du poisson, les pêcheurs d’Ebikro N’dakro souhaiteraient que chaque acteur vende le produit de sa prise sur son débarcadère. Car selon eux les pêcheurs des autres débarcadères qui vendent leur produit chez eux pratiquent des prix à la hausse.

De sorte que les populations s’en plaignent. “ Logiquement lorsqu’il y a beaucoup de poisson sur un marché le prix devrait normalement baisser. Mais ce n’est pas le cas ”, soutiennent-ils.

De fait, certains acheteurs qui viennent d’Abidjan pour se ravitailler imposent le prix des grossistes à tout le monde. Ce qui n’est pas du tout du goût des populations qui ont pour habitude d’avoir un tarif spécial.

 Un projet de couveuse crevettes

 Le conseil régional du Sud-Comoé est très intéressé par le développement des ressources halieutiques dans la sous–préfecture d’Ayamé. Plusieurs projets sont développés dans ce sens. Ainsi dans le village de Biaka, un projet de couveuse de crevettes est en vue.

Il a été constaté que lorsque les pêcheurs réalisent des prises de crevettes ils remettent à l’eau ou jettent les petits qui ne sont pas encore matures. “ Ce sont ces petits que nous allons mettre dans des cuves et les élever jusqu’à ce qu’ils aient la taille normale pour la vente ”, explique le président du Conseil régional du Sud Comoé, le Dr Eugène Aka Aouélé.

Pour lui, ce projet permettra aux jeunes de la région de tirer un meilleur profit de leur activité. Dr Aka Aouélé affirme que le projet est déjà bouclé.  Dans la même veine un projet de fumoir de poisson est aussi prévu pour les femmes d’Ayamé. En principe, il doit être mis sur pied en collaboration avec une Ong israélienne du nom de “ Shalom ”.

Arsène KANGA

Correspondant Régional