Amélékia: La sous-préfecture malade de ses infrastructures

Une route villageoise dégradée
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Amélékia: La sous-préfecture malade de ses infrastructures

AMELEKIA : LA SOUS-PREFECTURE MALADE DE SES INSFRASTRUCTURES

Assis au bord de la route, au carrefour d’Elinso I, village situé à une quarantaine de kilomètre d’Abengourou dans le pays rural de Tahakro, ils sont une vingtaine de personnes avec leurs bagages qui attendent depuis 5 heures de temps, le véhicule de transport en commun qui dessert la ligne Tahakro-Abengourou.

Pour joindre la grande voie ces femmes, bébé au dos et bagages sur la tête accompagnées pour certaines par leurs maris qui tiennent les gamins toujours endormis, ce sont réveillés à 3H30mn.

Ces voyageurs provenant des différents campements de  Konan konankro, N’dri Kouassikro, Sialoukro et Koffikro, situés à une dizaine de kilomètres de la grande voie ont marché la nuit  pendant plusieurs heures dans la forêt.

« Il faut aussi se lever très tôt le matin si vous espérez avoir une place assise dans le véhicule. Auquel cas, vous ne prendrez place que sur le véhicule », explique M. Konan Kouassi du campement Konan Konankro.

C’est ce beau monde dont certains ont encore les yeux lourd de sommeil qui s’est levé le 25 juin dernier comme une seule personne à la vue du mini-car appelé aussi « Badjan ». Il était exactement 7H15mn. 

A peine le « Badjan » immobilisé que chacun voulait grimper le premier dans le véhicule. Les passagers ont donc joué des coudes pour monter dans la voiture pleine au ¾. L’apprenti aidé par les accompagnateurs des voyageurs rangent les bagages au-dessus du véhicule.

20 minutes plus tard le «  Badjan » prend la route pour Elinso II. Bien que les 22 places de l’intérieur du véhicule soient occupées, les occupants vont se serrer pour faire de la place aux nouveaux passagers de ce village. C’est donc une trentaine de personnes qui sont maintenant dans le « Badjan ».

Ceux qui n’ont pas pu avoir de place à l’intérieur du véhicule sont invités par l’apprenti à ….grimper sur le toit du « Badjan ». Ils sont cinq à escalader l’escalier derrière le « Badjan » sans se plaindre.

C’est donc en état de surcharge que le « Badjan » s’ébranle lourdement vers la ville chaque matin et revient aux alentours de 17h le soir.

Face à l’étonnement d’un  visiteur qui assiste pour la première fois à ce « spectacle », un planteur de la région M. Benié Tanoh Emmanuel ex-comptable à FOREXI et notable à Tahakro explique que la situation de surcharge c’est nettement améliorée avec la réfection de la route. « Sans exagérer, il arrive que nous nous  retrouvions à plus de 50 passagers dans le véhicule, en plus des bagages », relève M. Benié Tanoh Emmanuel.

Qu’est ce qui peut bien expliquer cette situation de surcharge érigée par les transporteurs de la ligne Tahakro-Abengourou au risque de provoquer des accidents grave de circulation ?

Située à une quarantaine de kilomètres, le pays rural donne sur le fleuve Comoé. L’on peut y avoir accès en passant par Daoukro qui est situé à une trentaine de kilomètre de là. Mais il faut obligatoirement traverser par pirogue. Ce qui est souvent très dangereux en certaine période de l’année où les eaux montent. « Il ne se passe pas un jour qu’on ne voit flotter des corps de personnes noyées », relève M. Malick Poré.  En plus elle ne permet pas d’évacuer une grande quantité de produits agricoles sur le marché.

Pendant la colonisation et ce jusqu’à l’indépendance de la Côte d’Ivoire,  l’axe Abengourou-Tahakro était la principale voie qui menait à Bouaké. Des vestiges de cette période sont toujours présents dans cette localité.

L’unique alternative sûre aujourd’hui pour arriver dans la localité est de passer par la route en partant d’Abengourou via Amélékia.

Seulement voilà, la voie très sollicitée mais pas très souvent entretenue fait qu’elle est constamment dans un piteux état. Conséquence, la plupart des véhicules de transport en commun ne veulent pas s’aventurer dans cette zone au risque de s’embourber et perdre des jours de travail et d’argent.

Les véhicules personnels qui ne sont pas de type 4 roues motrices  ont stoppé depuis des années de se rendre dans la région. « Il est même arrivé l’année dernière que des voitures 4x4 s’enfoncent sur cette route », explique un mécanicien d’Abengourou, très sollicité sur cette route.

C’est que les nids de poules se sont tellement approfondis que le pont du véhicule touchait la terre ferme. De sorte que pneus du véhicule sont suspendus. « Il a fallu des tracteurs venus d’Abengourou pour les tirer de cette boue », affirme-t-il.

Il ne reste plus que les camions de 10 tonnes des acheteurs de produits, les grumiers pour circuler sur cette voie devenue boueuse et très glissante.  « Pendant longtemps les camions s’arrêtaient à Amélékia.

Les producteurs de café de cacao et autres denrées alimentaires étaient contraints de porter sur des vélos ou sur leur tête leurs différentes marchandises. Alors qu’Amélékia est à plus de 25 kilomètres de Tahakro ».

Ce ne sont que deux minicars de transport de passagers et de marchandises appelé aussi « Badjan », qui acceptent toujours de desservir la localité. Étant en situation de monopole absolu ils imposent leur diktat aux populations.

Ainsi pour capter le plus grand nombre de passagers et marchandises, les propriétaires de ces « Badjan » ont décidé de programmer un seul départ  par jour à partir de Tahakro.

Chaque matin, à partir de 7h du matin, le véhicule commence à prendre les passagers à partir de Tahakro.

Puis,  il fait un détour sur Anougbakro et « ratisse » tous les villages qui sont sur la ligne. Il s’agit d’Elinso, Améakro, Kouadiokro, Koitienkro et Amélékia.

Face à la situation de détresse des populations et les difficultés qu’elles ont à se déplacer et vendre leur production agricole le fond de développement et de promotion des activités des producteurs et de cacao (Fdpcc) a fait refaire cette route l’année dernière .

La réhabilitation de l’axe Abengourou-Anougbakro, n’a pas pour autant résolu le problème du trafic des marchandises et des personnes sur cette voie. Lequel problème continu  de se poser toujours avec acuité.

Malgré le « bon état » de la route, aucun autre véhicule de transport n’est venu s’ajouter aux deux « Badjan » qui desservent le pays rural de Tahakro. De sorte que, les deux  mini-cars continuent de prendre le plus de passagers qu’ils ne devraient et  provoquant de façon constante sur cette voie des accidents de circulation.

En effet, en plus des sièges occupés à l’intérieur du  « Badjan », des passagers prennent place sur les bagages au-dessus du véhicule. D’autres s’accrochent à l’arrière du mini car. « En tout cas, il faut voir le Badjan en question en situation pour y croire », insiste M. Kouamenan Koffi d’Elinso.

Le titre de transport, ne donne aucun droit au passager. « Que vous soyez dans le véhicule, au-dessus ou accrochez, vous êtes tenu de payer le même tarif de 1100 Fcfa », soutient le chef du village d’Améakro , Nanan Kanga Fils Nazaire  .

Ainsi pour parcourir la quarantaine de kilomètres entre Anougbakro et Abengourou, le mini car « met parfois 3 heures », relève le chef du village d’Améakro Nanan Kanga Fils Nazaire.

La situation  devient plus dramatique,  lorsque survient une urgence, après le départ du « Badjan » ou  en pleine nuit, qui nécessite un voyage sur Abengourou. Cela arrive le plus souvent  lors des évacuations sanitaires.  Surtout que le centre de santé de Tahakro ne dispose pas d’ambulance.

Car celui qui a été remis par le conseil général d’Abengourou n’est pas encore disponible. Dans ce cas, selon les villageois, les parents du patient sont obligés de louer les services d’un des « Badjan ». Dont le prix de la location du véhicule se négocie entre 40 et 70.000 Fcfa. « Avant même la consultation et les ordonnances médicales, vous êtes ruiné », se plaint M. Etienne Joseph d’Anougbakro.

Les populations excédées par cette pratique des chauffeurs avaient décidé d’agir. Ainsi enfin  d’année dernière, elles ont barré la route entre Elinso et Améakro et forcé le conducteur du «  Badjan » à réduire le nombre de ses passagers.  

Mais lequel des passagers allaient descendre et ne plus avoir une occasion pour se rendre en ville?

Le chauffeur, lui,  n’était pas prêt à effectuer deux voyages pour le même nombre de personnes. Surtout qu’il avait déjà fait payer les titres de transport.

De longues heures de discussions houleuses ponctuées de menaces n’ont pas fléchie la détermination du chauffeur du « Badjan » à céder sous la pression des populations. Il a forcé  le « barrage » pour passer.

Aujourd’hui, le « badjan » de service ne prend plus 50 passagers par voyage. Mais fait toujours du surcharge. En tout cas, le 25 juin dernier c’est un «Badjan » qui roulait à vive allure qui a été  aperçu après d’ Améakro avec sur son toit une dizaine de passagers dont des femmes. Alors que l’intérieur du véhicule avait fait son plein à craquer.

Avec la saison de pluie  qui vient de commencer dans la région, les populations de la localité craignent de voir leur route se retrouver dans l’état d’avant la réhabilitation. Surtout que des rigoles se signalent à plusieurs endroits de cette route. Qui était devenue presqu’une « Autoroute ». De sorte que tous les véhicules empruntant l’axe Abengourou-Tahakro ont fini par faire la vitesse sur cette route qui ne pouvait pas admettre 20 km/h, il y a un an de cela.

La route réhabilitée à grands frais par l'ex-FDPCC se dégrade très rapidement, sous l’action conjuguée des camions de transports de marchandises, de passagers et des grumiers. Ainsi que la pluie qui bat en ce moment son plein dans la région. 

Les populations n’hésitent pas à attribuer la dégradation rapide de la route en grande partie aux exploitants forestiers. Selon eux, les Bulldozers et les grumiers qui transportent les billes de bois sont nombreux à emprunter chaque jour cette voie en direction des exploitations ou de la ville d’Abengourou.

« Quand ils passent, ils laissent toujours des traces. Alors qu’ils (exploitants) ne nous aident pas à reprofiler nos routes quand elles sont dégradées. », affirme un villageois.

L’autre gros problème du pays rural de Tahakro lié à la route, est l’écoulement de ces cultures vivrières. Avec l’état de la route, il n’y a pas beaucoup de commerçants et de camions qui arrivent dans les villages situés au bord du fleuve Comoé.

De sorte que les cultures vivrières sont difficiles à stocker à l’exemple de la banane qui se détériore dans la brousse. Très souvent pour minimiser les pertes, les planteurs bradent les productions aux commerçants.

En clair, avec moins de 100.000 Fcfa, les commerçantes peuvent charger un camion de 10 tonnes de bananes plantains.

Pour 1000 Fcfa, le commerçant a en moyenne 6 régimes de bananes. « Pendant la saison de grande production de banane de juillet à décembre, 10 à 15 régimes de bananes se vendent à 1000 Fcfa », relève M. Tanoh Benié.

Le souhait des villageois est que la région soit dotée d’un Bac pour traverser le fleuve Comoé afin de proposer les produits sur d’autres marchés. Cela leur permettra de tirer un meilleur revenu de leur travail.

En effet, la ville de Daoukro est située à moins d’une trentaine de kilomètres du pays rural de Tahakro. Les Taxis-brousses de cette ville viennent charger des passagers sur l’autre rive du fleuve Comoé.

Les passagers venus de Tahakro traversent le fleuve en pirogue et  prennent le véhicule dont le transport coûte 500 Fcfa à destination de Daoukro. Le sous-préfet d’Amélékia de passage dans la localité a conseillé aux populations leur regroupement en coopérative afin de mieux vendre leurs produits.

 

Théodore Kouadio

Envoyé spécial à Amélékia

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 Encadré

 Ancienne principale route vers Bouaké

L’axe Abengourou-Tahakro était la principale voie qui menait à Bouaké pendant la période coloniale et ce jusqu’à l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Selon les anciens de la région, les premiers colons Français qui ont débarqué dans la région se sont installés à Zaranou et Tahakro. Ainsi pour joindre le poste de Bouaké, au centre de la colonie de Côte d’Ivoire, ils ont créé la voie allant de Zaranou à Bouaké en passant par Tahakro.

La France a ouvert un poste à Tahakro. Le colon qui a créé le poste se nommait M. Wetterwald. Il était un commis des affaires indigènes du gouverneur Binger. Il est mort dans le village la même année. M. Wetterwald a été enterré à Tahakro. Une  épitaphe sur sa tombe indique qu’il est mort en 1895, la même année qu’il a ouvert le poste de Tahakro.

Sa tombe abandonnée au bord du fleuve Comoé est aujourd’hui envahie par la  brousse.

 

T K