France : Aux Invalides, des casseurs d'extrême droite, entre autres...

Les manifestants dans les rue de Paris
Les manifestants dans les rue de Paris
Les manifestants dans les rue de Paris

France : Aux Invalides, des casseurs d'extrême droite, entre autres...

France : Aux Invalides, des casseurs d'extrême droite, entre autres...

Les affrontements de dimanche soir sur l’esplanade des Invalides n’étaient-ils le fait que de «casseurs» d’extrême droite ? Retour sur cette soirée agitée, qui a dérapé vers 20 heures, à l’issue du troisième rassemblement national de la «Manif pour tous», qui a mobilisé entre 150 000 et un million de personnes.

Combien d’interpellations ?

La police a procédé à environ 200 interpellations dimanche soir. La plupart de ces personnes ont été placées en garde à vue. Ces chiffres s’ajoutent à environ 150 autres interpellations survenues au cours du week-end, visant notamment des membres de groupuscules d’extrême droite comme les Jeunesses nationalistes.

Il aura fallu près de trois heures d’efforts aux forces de l’ordre pour mettre fin aux échauffourées. Tout a commencé peu après 20 heures. Le rassemblement de la Manif pour tous est alors officiellement dispersé depuis une heure, mais de nombreux manifestants demeurent sur place. Les «Veilleurs», ces jeunes qui prient, lisent des textes classiques et chantent, s’installent sur les pelouses. D’autres prolongent la journée sous un bien agréable soleil, entament un pique-nique, boivent un coup. Certains, enfin, semblent avoir des intentions moins pacifiques. Ils serrent les lacets de leurs rangers, ajustent leurs masques et lunettes de plongée, enfilent une paire de gants.

Soudain, aux cris de «Ça va péter, ça va péter !», des centaines de personnes convergent vers l’angle de la rue de Constantine et de la rue de l’Université, qui mène à l’Assemblée nationale. Très vite, les premiers projectiles sont lancés sur le barrage de CRS qui bloque la route : bouteilles de bière, œufs, pierres, barrières... Les pétards explosent dans tous les sens, les fumigènes crament un peu partout. La disposition des lieux — vaste espace doté de multiples échappatoires, présence de «Veilleurs» non-violents — complique d’autant l’action des forces de l’ordre, qui doivent parfois refluer devant la virulence des contre-charges des casseurs. Ce n’est qu’après 22 heures, une fois les plus pacifistes escortés à l’extrémité nord de l’esplanade, que CRS et gardes mobiles peuvent commencer à faire le ménage. A minuit passé, les derniers fauteurs de troubles sont embarqués.
Combien de blessés ?

On en dénombre 36, légèrement. Parmi eux, 34 policiers et gendarmes, un journaliste et un manifestant. Il n’est guère étonnant que les forces de l’ordre aient encaissé la majorité des coups. Tout au long de la soirée, elles ont été harcelées par les casseurs, privilégiant l’usage de gaz lacrymogènes pour contenir la foule. Autres cibles, les médias. Aux cris de «Journalistes collabos !», photographes et cameramen ont été pris à parti toute la soirée. Certains, en première ligne pour témoigner des événements, ont essuyé des jets de projectiles. Quelques uns avaient d’ailleurs prévu le coup, s’équipant de casques de moto, de gants, voire de gilets pare-balles. Cela n’a pas suffi pour un photographe de l’AFP, qui a été violemment agressé.

«Je m’en tire très, très bien malgré les images impressionnantes. J’ai un coquart et quelques bleus après des coups de pieds, dans le visage notamment, mais pas de fracture et pas de dent cassée», a-t-il confié au monde.fr. L’homme devrait porter plainte dans la journée.
Qui est derrière les violences ?

Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur, accuse l’extrême droite. «Ces incidents ont été provoqués par plusieurs centaines d’individus, pour la plupart issus de l’extrême droite et de la mouvance identitaire», a-t-il estimé, se félicitant ensuite du «dispositif de sécurité conséquent» mis en place ce week-end. De fait, les groupuscules extrémistes étaient très visibles en première ligne des échauffourées : les Jeunesses nationalistes du Lyonnais Alexandre Gabriac (pétainistes), par exemple, mais aussi des militants identitaires, qui avaient déjà fait parler d’eux en occupant brièvement le siège du Parti socialiste dans l’après-midi. De sexe masculin, ces casseurs étaient pour la plupart assez jeunes, même si on a aussi pu remarquer quelques crânes rasés d’une quarantaine d’années. Ils sont venus équipés : casques de moto, gants, masques de plongée ou de ski... de quoi résister aux gaz lacrymogènes.

Mais l’extrême droite n’était pas la seule présente dans les rangs des casseurs. On a ainsi pu repérer de nombreux militants de l’UNI (syndicat universitaire de droite), des jeunes bardés d’autocollants du «Printemps français», le rejeton excité de la «Manif pour tous». Dès le coup d’envoi des hostilités, des centaines de personnes ont accouru en première ligne. Juchées sur le mobilier urbain (barrières métalliques, toilettes chimiques, bornes de Vélib), comme au spectacle, elles reprenaient les slogans hostiles aux forces de l’ordre, tels que «Dictature socialiste», «Taubira au goulag», ou «CRS à Barbès». Certains récupéraient des bouteilles ou canettes abandonnées pour les jeter sur les forces de l’ordre.

Des participants aux défilés de la «Manif pour tous», restés sur place pour la soirée, étaient aussi de la partie, et parés à humer des gaz lacrymogènes, à en juger par les stocks de sérum physiologique dont certains disposaient. Parmi eux, des jeunes bon teint, qui semblent vivre avec l’opposition au mariage homosexuel leurs premiers émois politiques. «Finalement, je suis content que Sarko soit parti, on s’amuse quand même plus maintenant», lâchait un jeune homme. Des couples plus âgés, aux looks BCBG, traînaient aussi dans les parages, huant les forces de l’ordre et faisant mine de croire que tout avait commencé par la faute de «provocations policières». Retrouvera-t-on ces personnes dans les gardés à vue ? Ont-elles participé aux troubles ? On devrait bientôt le savoir. Les policiers n’ont eu de cesse, dimanche soir, de filmer et photographier les manifestants les plus véhéments.


Libération