Gabon: Retour sur le coup d’Etat vraiment stupide

Gabon: Retour sur le coup d’Etat vraiment stupide

Lorsque le 16 septembre 2015, le général Gilbert Diendéré  renverse au Burkina Faso le gouvernement de transition et remet le pouvoir une semaine plus tard à des civils parce que ne sachant pas quoi en faire, on a parlé  de coup d’Etat le plus stupide. On ignorait que cinq ans plus tard, le Gabon allait offrir une situation encore plus cocasse. Libreville l’a vécu hier.

Il était quatre heures du matin lorsque cinq soldats armés seulement de kalachnikov arrivent au siège de la radio nationale. Ils n’ont aucun mal à y entrer et à prendre possession des locaux. Ils passent un message quelques heures plus tard (vers 6h30, heure locale) dans lequel ils annoncent vouloir mettre en place dans les prochaines heures un « conseil national de la restauration ». Traduction, ils viennent de faire un coup d’Etat. Et comme c’est la coutume, il faut dénigrer le régime déchu.

Dans leur communiqué, les militaires disent avoir été déçus par le message délivré à la nation le 31 décembre par le président de la République Ali Bongo. « Le message du chef de la nation visant à clore le débat sur sa santé a plutôt renforcé les doutes sur sa capacité à assumer la fonction de président de la République. »

Pour eux, l'entourage du président a organisé une mise en scène avec un président « malade et dépourvu de plusieurs de ses facultés physiques et mentales », dénonce le communiqué qui met aussi en cause la haute hiérarchie militaire et le « spectacle désolant » d'un pays « qui a perdu sa dignité ».

Un visage apparaît, celui du lieutenant Ondo Obiang Kelly, un soldat formé à l’école des forces armées ivoiriennes à Zambakro. C’est lui  qui a lu le communiqué. Il s’est proclamé « président du Mouvement patriotique des jeunes des forces de défense et de sécurité du Gabon».

Le manuel de déclaration de coup d’Etat, ils l’ont lu

Apparemment, le seul document que les putschistes ont lu est le manuel de déclaration de coup d’Etat. Qui prévoit certainement quelque part qu’il faut se rendre à la télé et produire un texte. Pour le reste, le lieutenant Ondo Obiang Kelly n’avait aucune idée. A commencer par ‘’comment fait-on un coup d’Etat et comment sécuriser le pays. Ou que faire après la déclaration à la radio. En tout cas, la suite des évènements va le montrer.

Les putschistes lancent un appel aux autres militaires. Ils demandent aux soldats   de prendre le contrôle des moyens de transport, des réserves de munitions et armes, des aéroports. Traduction, nous, on a rien préparé. C’est à vous de trouver armes et munitions, véhicule de liaison et carburant pour faire le coup d’Etat. Naturellement, aucun militaire n’a répondu à un appel aussi stupide.

Les jeunes à qui les insurgés ont demandé de descendre dans les rues n’ont pas non plus répondu présent. Trop facile. Dans le communiqué, en effet, les militaires se sont adressés particulièrement à la jeunesse gabonaise. « Chers jeunes, il est temps de prendre votre destin en main ! ». Sans le moindre écho.

Ils n’avaient même pas prévu d’hommes pour gouverner

Une chose encore cocasse, l’absence de personnes pour gouverner le pays. Ils n’avaient aucun homme à eux. C’est à l’antenne qu’ils ont lancé les convocations de personnes qu’ils auraient bien aimé qu’elles les rejoignent. Notamment dans le « conseil national de la restauration » qu’ils comptaient mettre en place. Ils ont alors demandé  à certaines personnalités de se rendre à l’Assemblée nationale : un ancien commandant de la Garde républicaine, le général Ntumpa Lebani (qui avait fait  la prison en 2009 lors de l'arrivée d'Ali Bongo au pouvoir), le président actuel du Sénat...

Parmi les personnalités invitées, il y a également des syndicalistes, des membres de la société civile, des chefs de mouvements de jeunesse de partis politiques d'opposition, et même du clergé. Plusieurs responsables ont été expressément cités.

Des plaisantins selon le porte-parole  du gouvernement

Quand les autorités gabonaises se réveillent avec une vidéo et un enregistrement audio annonçant un coup d’Etat, leur première réaction est de savoir si les chefs de commandement militaires sont en place. Ils le font et constatent que tout le monde a la main sur ses hommes.

On vérifie au niveau des différentes unités pour évaluer l’importance des soldats qui font partie des insurgés, on constate aussi que tous les militaires sont à leur poste. Sauf les cinq. A savoir trois  sur la vidéo, un à la camera et le dernier guettait aux portes de la radio.

En tout et pour tout. Côté armes, ils ne disposaient que de leurs Kalash de dotation.

A peine chargés

Le porte-parole du gouvernement gabonais, Guy Bertrand Mapangou, va qualifier le «groupe de plaisantins». Et établir le bilan des arrestations à 9h 45 mn. « Quatre des mutins ont été  arrêtés et un est en fuite. Mais ne vous inquiétez pas. Dans les heures qui suivent, il va être pris par les forces de défense et de sécurité ». Il  n’a pas manqué de se moquer du   lieutenant Kelly Ondo Obiang et sa bande.

Pour leur arrestation, quelques gendarmes du Gign gabonais ont suffi. « Aucune caserne n’a suivi l’appel », conclura le  porte-parole du gouvernement.

Bledson Mathieu