France: L'affaire Bettencourt tourne au pugilat judiciaire

La Cour de cassation a refusé, ce mercredi, de suspendre l'instruction dans l'affaire Bettencourt en attendant que soit examinée la demande de dépaysement du dossier, le 18 juin prochain.
La Cour de cassation a refusé, ce mercredi, de suspendre l'instruction dans l'affaire Bettencourt en attendant que soit examinée la demande de dépaysement du dossier, le 18 juin prochain.
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France: L'affaire Bettencourt tourne au pugilat judiciaire

France: L'affaire Bettencourt tourne au pugilat judiciaire

La cour de cassation a refusé, mercredi 5 juin, de suspendre l'instruction de l'affaire Bettencourt conduite à Bordeaux par trois juges d'instruction. Elle examinera sur le fond, le 18 juin, la requête en suspicion légitime déposée contre Jean-Michel Gentil, Cécile Ramonatxo et Valérie Noël par les avocats de sept mis en examen, dont Nicolas Sarkozy. Par ailleurs, une audience de la cour d'appel de Bordeaux doit étudier le 6 juin des demandes d'annulation de mise en examen, dont celle de l'ancien président de la République.

Cela ressemble à une bataille décisive sur le front de l'affaire Bettencourt. Avocats contre juges d'instruction, défenseurs contre magistrats, le combat est d'autant plus féroce qu'il touche à un point essentiel du dossier, les deux expertises médicales de la milliardaire Liliane Bettencourt réalisées en 2011 et en 2012 à la demande des juges d'instruction.

Ceux-ci se sont appuyés sur les conclusions des experts, estimant qu'à partir de septembre 2006 Liliane Bettencourt était en état de faiblesse, pour mettre en examen plusieurs personnalités dont l'ancien président de la République, Nicolas Sarkozy. En contestant les conditions dans lesquelles ces expertises ont été conduites, notamment la présence parmi les intervenants d'une amie proche du juge Gentil, les avocats de sept mis en examen espèrent ruiner définitivement l'instruction.

Mercredi 5 juin, ils ont pourtant perdu la première manche à Paris. La Cour de cassation a, en effet, rejeté leur demande de suspension de l'instruction bordelaise dans l'attente d'une décision sur le fond. Mais cette première victoire des magistrats instructeurs est loin d'être décisive.

Le 18 juin, la Cour de cassation examinera sur le fond, la requête en suspicion légitime déposée par les avocats contre les trois juges. Et comme en atteste le document rédigé en leur nom par Me Patrice Spinosi, ils ne manquent pas d'arguments. 

Soupçons sur l'indépendance du juge Gentil

Que s'est-il vraiment passé le 7 juin 2011 à Neuilly ? Selon le procès-verbal de l'opérationde justice ce matin-là à 8 heures, le juge Jean-Michel Gentil se présente au domicile de Liliane Bettencourt accompagnée de la seule Sophie Gromb. Chef du service de médecine légale au CHU de Bordeaux, celle-ci a été désignée par le magistrat instructeur avec quatre autres experts pour examiner l'état de santé de la milliardaire.

A 8h20, la vieille dame en accepte le principe, mais elle ne signe pas de procès-verbal. Une demie heure s'écoule avant l'arrivée, à 8h35, des quatre autres experts. Il s'agit de deux neurologues, le professeur Jean-François Dartigues et le docteur Sophie Auriacombe, d'un psychologue, Bruno Daunizeau, et d'un spécialiste de l'ouïe, le professeur Jean-Marie Faugere, choisi en raison des problèmes de surdité de Mme Bettencourt. L'expertise est terminée à 9h45. Suite à des contestations, une nouvelle expertise aura lieu le 29 mai 2012 avec les cinq mêmes spécialistes.

Le 30 mai 2013, Le Parisien jette un énorme pavé dans la mare en révélant que Sophie Gromb est une amie intime de l'épouse de Jean-Michel Gentil, Isabelle Raynaud, elle aussi magistrate à Bordeaux. Le médecin a même été le témoin de la mariée en 2007. Ce premier point alimente la requête en suspicion en légitime en créant comme l'indique la requête de Me Spinosi "une doute sur l'impartialité objective du juge" Gentil, d'autant que le magistrat n'avait pas informé ses collègues de ce lien personnel.
Examen jeudi des requêtes d'annulation de mise en examen

Circonstance aggravante: Jean-Michel Gentil au coeur de l'été 2011 accepte une demande de dépassement d'honoraires de Sophie Gromb. Elle reçoit avec son accord une somme comprise entre 3600 et 6700 euros au lieu des 460 euros prévus par la loi. Les quatre autres experts ont reçu , comme l'a indiqué le Journal du Dimanche, 2300, 2700, 3000 et 3100 au titre de la première expertise. Pour entériner ces divers dépassements, le juge aurait dû solliciter l'avis du parquet, ce dont il s'est abstenu, évitant ainsi de voir sa décision contestée. 

Selon les informations de L'Express, le procureur bordelais Claude Laplaud a confirmé l'information par une lettre adressée à tous les avocats. Evoquant le dépassement d'honoraires, il écrit: "celui-ci a donné lieu à l'accord de l'un des trois magistrats mandant du 24 août 2011, non précédent d'un avis du parquet". Le scandale une fois éclaté, le juge Gentil a reçu un soutien public de ses deux collègues dans différents médias.

Ces interventions inhabituelles ont entraîné la mise en cause de Cecile Ramonatxo et Valérie Noël qui pourraient du coup elles aussi être désaisies. La Cour de cassation, après l'audience du 18 juin, devra trancher et dire si ces éléments sont suffisants pour entraîner un désaississement des trois juges bordelais.

Entretemps, les magistrats de la Cour d'appel de Bordeaux se seront penchés, jeudi 6 juin, sur plusieurs demandes d'annulation de mise en examen déposées par les conseils des sept même personnes, dont l'ancien chef de l'Etat.
Dans l'immédiat, le sort de cette incroyable affaire est suspendue à l'arrêt de la cour de cassation. Si elle désavoue les trois juges bordelais, la procédure pourrait être à nouveau dépaysée voire annulée. Si au contraire, elle donne raison aux magistrats, l'affaire sera jugée au tribunal de Bordeaux...

L'EXPRESS