Iran : Le graffiti à la mode persane

Certains murs de Téhéran sont innondés par ces signes.
Certains murs de Téhéran sont innondés par ces signes.
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Iran : Le graffiti à la mode persane

Iran : Le graffiti à la mode persane

Alors que le phénomène du rap s'est envolé ces dernières années en Iran, le graffiti demeure peu connu et mal compris. De jeunes artistes locaux tentent de changer cela, notamment en intégrant l'art traditionnel persan à leurs œuvres.
 
Les premiers graffitis iraniens sont apparus au cours de la révolution islamique en 1979. De nombreux pochoirs de figures politiques et des slogans étaient alors peints les murs du pays. À partir de 1994, l'artiste iranien Essence a développé une forme plus moderne de graffiti. Son identité n'a jamais été découverte, donc on ne sait que peu de choses sur lui. Alone a ensuite été le premier artiste iranien reconnu dans le pays et même à l’étranger.
 
Au cours de la dernière décennie, d'autres artistes ont émergé, utilisant des surnoms tels que CK1, Nafi et Khamoosh. Au début, on ne pouvait voir les graffitis que dans quelques quartiers de Téhéran, mais aujourd'hui ce phénomène touche aussi les petites villes. Les artistes étaient au départ largement influencés par le style occidental, mais plus récemment des éléments de l'art traditionnel persan ont été incorporés dans certaines œuvres. Certains utilisent par exemple la calligraphie Nastaliq, d'autres reprennent des éléments de la peinture miniature persane.

Penhan (pseudonyme) est un artiste vivant dans la ville côtière de Bushehr, dans le sud de l'Iran.
J’avais 14 ans lorsque j'ai intégré le mouvement rap afro-américain, qui m'a beaucoup appris sur les graffitis. J'ai alors essayé de m’habiller comme les rappeurs et les graffeurs que je voyais à la télévision. J'ai ensuite fait des recherches à propos des graffitis sur Internet et j'ai beaucoup appris sur la philosophie qui va avec. J'ai alors réalisé qu'il existait déjà des graffeurs en Iran et après avoir vu leurs œuvres, j'ai décidé d'essayer. Il y a de nombreux artistes talentueux dans les grandes villes comme Téhéran, Mashhad et Shiraz, et je suis en contact avec certains d'entre eux. Mais à Bushehr, il n'y a que moi et l'un de mes amis. Ensemble, nous formons le groupe "Sayeh".

Selon moi, le tag signifie la liberté, il permet de s'exprimer. Dans un sens, c'est comme le rap, mais, les artistes laissent l'interprétation de leurs œuvres à leur public.

Comme toute chose nouvelle en Iran, les tags ont provoqué des réticences. Beaucoup d'Iraniens ne sont toujours pas très familiers avec ce concept. Nous avons, en outre, des problèmes pour nous fournir en matériel. Les bombes de peintures vendues ici sont de très mauvaise qualité. Nous devons commander nos bombes de peinture à Téhéran, mais même là-bas il peut être difficile d’en trouver.
L'autre difficulté, bien sûr, c'est que le graffiti doit être fait à l'extérieur. Puisque Bushehr est une petite ville, je suis régulièrement interrompu par la police. Je connais certains artistes à Téhéran qui ont été arrêtés par la police et ont été maintenus en garde à vue pendant plusieurs jours. Ici, j'ai été plus chanceux. Les policiers n'ont pas l'habitude des graffitis, donc ils ne savent pas quoi en penser et leurs réactions diffèrent. Certains m'ont menacé de m'arrêter. Mais un officier de police, que je n'oublierai jamais, est venu me voir et m'a dit : "Pourquoi peins-tu les impasses? Va peindre les rues, ton travail est magnifique!"
 
Hormis ma compagne et ma famille, qui sont un réel soutien, ainsi que mon collègue graffeur, je n'ai parlé à personne de ce que je fais. Mais les personnes qui m'ont vu au travail se sont montrées très encourageantes. J'espère que de nombreux autres jeunes Iraniens s'impliqueront dans l'art du graffiti."

 

France24