Ébola et notre engagement

Venance Konan
Venance Konan
Venance Konan

Ébola et notre engagement

Comme d’habitude, nous avons tous tourné nos regards vers la « communauté internationale ». Et nous l’accusons d’immobilisme, manque de solidarité, de lenteur. Nous avons exulté lorsque des personnes ont été touchées en Europe et aux États-Unis, les principaux pays de la « communauté internationale » dont nous nous sommes volontairement exclus : « Maintenant qu’ils sont, eux aussi, touchés, ils vont se dépêcher de trouver les médicaments. En attendant, ils vont envoyer les moyens pour enrayer l’épidémie ».

Oui, comme pour tous nos problèmes, que ce soient la faim, la soif, l’insécurité, la dette, les fins de mois difficiles, le paludisme, Boko Haram, le Sida, les dictatures, les barbus du désert, les violations des droits de l’homme, les Constitutions violées, oui, comme pour tous nos problèmes, nous avons, encore une fois, abdiqué et nous attendons des autres qu’ils veuillent bien se distraire de leurs nombreuses occupations pour s’occuper un peu de nous. Combien de temps a mis notre Union africaine avant de réagir ? Et quelle a été cette réaction ?  Quelle a été celle de la Cedeao, union régionale dont les trois pays les plus touchés par l’épidémie sont tous membres ? Nous nous plaignons du peu de moyens dégagés par la communauté internationale pour lutter contre l’épidémie. Combien de moyens avons-nous, nous-mêmes, dégagés ? Quel geste, ne serait-ce que symbolique, un pays africain a-t-il fait à l’égard des pays touchés par la maladie ? Depuis quand d’ailleurs un Etat africain a-t-il montré de la solidarité à l’égard d’un autre État africain en cas de malheur ?

Aujourd’hui, nous sommes face à Ébola. Comme hier nous avons été face à bien d’autres calamités dont les moindres ne sont pas nos propres stupidités. Aujourd’hui comme hier, notre victoire ou notre échec sur Ébola dépendra de notre propre comportement. Cette fièvre hémorragique avait commencé à sévir sur notre continent, il y a de cela plus de vingt-cinq ans, en Afrique centrale. Nous ne lui avions trouvé aucune réponse. Ce sont les autres qui sont venus à notre rescousse. Lorsque l’épidémie s’est calmée, nous avons oublié Ébola. Puisque les Occidentaux l’avaient oublié. Nous l’avons oublié jusqu’à ce qu’il resurgisse, plus virulent que jamais, en Afrique occidentale. Et, encore une fois, nous sommes impuissants, attendant que les autres veuillent bien lui trouver une réponse. Nous pourrons disserter, autant que nous le voudrons, sur l’origine réelle de ce virus, sur le fait que dès que deux Américains ont été touchés, un médicament a été  trouvé pour les soigner et les guérir, sur la stigmatisation dont nous serons bientôt victimes, mais tant que nous ne nous impliquerons pas résolument dans la recherche de solutions à ce problème qui est avant tout le nôtre, nous ne serons que des pantins que les autres manipuleront selon leur volonté. Certes, ce n’est pas de nos laboratoires poussiéreux, pleins de toiles d’araignée et mangés par les mites que nous devrions attendre le vaccin ou le sérum qui nous sauverait la vie. Mais si, par exemple, chacun des cinquante-quatre pays de l’Union africaine mettait 400 millions de francs cfa - ce qui représente, paraît-il, les frais de mission d’un Premier ministre africain et de sa délégation aux Assemblées annuelles de la Banque mondiale - dans un « fonds de lutte contre Ébola », cela montrerait notre volonté de faire quelque chose pour nous-mêmes et inciterait ceux qui en ont les moyens à nous accompagner plus résolument.

P.S : Le Président Ouattara a, au nom de la Côte d’Ivoire, déjà contribué à hauteur de 500 millions de francs Cfa.

Le Président gambien a aussi donné environ 250 millions de francs Cfa.

Nous n’avons pas connaissance des autres dons des Présidents africains.

 

Venance Konan