Vérités contre vérités

Venance Konan
Venance Konan
Venance Konan

Vérités contre vérités

C’est ce que Laurent Gbagbo a fait à travers son livre « Pour la vérité et la justice » qui fait couler tant d’encre et de salive. Qu’y lit-on ? La vérité selon Gbagbo. Je ne m’attendais pas à ce qu’il y chante les louanges d’Alassane Ouattara, d’Henri Konan Bédié, de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin. Il ne l’a pas fait. Je ne m’attendais pas, non plus, à ce qu’il y dise que le vrai gagnant de l’élection présidentielle de 2010 est Alassane Ouattara. Il ne l’a pas dit. Alors, qu’y a-t-il dans ce livre ? Seulement la vérité selon Laurent Gbagbo, celle que ses militants adorent entendre, celle qui nourrit leurs ressentiments à l’égard d’Alassane Ouattara, d’Henri Konan Bédié, de la France et du monde entier. Que retenir de cet ouvrage ? Beaucoup de bruit pour rien.

Il n’empêche qu’il a suscité de nombreuses réactions dont celle de Robert Bourgi qui fut mon professeur de droit à l’université d’Abidjan et que l’on présente généralement comme une éminence grise de ce que l’on appelle la Françafrique. Dans une interview qu’il a accordée à Radio France internationale (Rfi) que de nombreux journaux ivoiriens ont reprise intégralement, il dit, entre autres, cette phrase que nos amis de Notre Voie ont choisie comme leur vérité : « Jacques Chirac a subi des pressions énormes du lobby du cacao, du lobby du café et de tant d’autres personnes et groupes de pression. » Mais il y dit aussi ceci, qui me semble plus révélateur de la personnalité de Laurent Gbagbo et de son obstination à confisquer le pouvoir par tous les moyens : « Et ce que je vais vous dire, vous êtes les premiers à le savoir. J’appelle Laurent et je lui dis : « l’heure est grave. Il se prépare de grandes choses, des choses graves pour ton pays et pour toi. Accepte le verdict des urnes, tu ne peux pas aller contre le monde.

Tu auras le statut d’ancien Chef d’état. Tu pourras aller où que tu veuilles dans le monde, tu pourras même enseigner en France. Accepte s’il te plaît. » Et Laurent a eu ces mots qui m’ont blessé… Aujourd’hui, lorsque j’y repense, je suis étreint par l’émotion… Il m’a répondu : « Bob, tu diras à ton ami Sarkozy que je serai son Mugabe. Que je ne donnerai jamais le pouvoir à Ouattara et, enfin, que je suis prêt à noyer la Côte d’Ivoire dans le sang. Mais je n’accepte pas. Et d’ailleurs, c’est la dernière fois que nous nous parlons. Et il a raccroché… Ce fut notre dernier entretien. Claude Guéant se tenait sur ma gauche et, il peut vous le confirmer, j’ai versé des larmes car je savais ce qui allait arriver. »

Si les idéologues du Fpi ont choisi la vérité de Bourgi sur les lobbys, en faisant l’impasse sur celle où il parle du désir de Gbagbo de noyer la Côte d’Ivoire dans le sang plutôt que de céder le pouvoir à Alassane Ouattara, comme l’ont décidé les Ivoiriens, c’est bien parce qu’ils l’approuvent. Et nous avons tous été témoins du début d’exécution de cette volonté de Gbagbo de noyer le pays dans le sang, plutôt que de respecter la vérité des urnes qui donnait le pouvoir à son adversaire. Pourquoi ? Il y a une autre vérité que nos amis du Fpi occultent soigneusement et qui est celle de Gildas le Lidec, ancien ambassadeur de France en Côte d’Ivoire. Il a dit dans une interview que Gbagbo était comme tous les autres, qu’il ne cherchait qu’à jouir du pouvoir. Et nous avons bien vu avec quel plaisir il en jouissait, oubliant que pouvoir rime avec devoir, devoir de développer le pays. Non, Laurent Gbagbo qui avait tant jalousé ceux qui tenaient le pouvoir avant lui, lui qui cherchait tant à ressembler à Houphouët-Boigny, n’était prêt, pour rien au monde, à laisser le pouvoir, ni à Alassane Ouattara, ni à personne d’autre. Il était prêt à mourir pour le pouvoir. Et il s’est retrouvé en prison pour cela.

Venance Konan