Vous avez dit « union » ?

Vous avez dit « union » ?

L’une d’elles est que les anciens du Pdci estimeraient que renoncer au nom Pdci serait trahir Félix Houphouët-Boigny, le fondateur de ce parti. Il en serait de même au niveau du Rdr où l’on estimerait également que ce parti a réussi à se donner une identité propre à laquelle il ne saurait être question de renoncer en changeant de nom. L’argument me semble un peu léger, lorsque l’on sait que depuis le décès du premier Président de notre pays, il y a 25 ans de cela, ceux qui se réclament de lui n’ont strictement rien fait pour préserver et entretenir sa mémoire, de même que les héritages politique et matériel qu’il a laissés.

25 ans après le décès d’Houphouët-Boigny, en tenant compte de l’évolution de notre histoire, qui a vu ses héritiers politiques se déchirer entre plusieurs partis politiques, puis se retrouver en son nom, serait-ce une hérésie que de les voir s’unir de nouveau dans un grand parti qui porterait le nom d’Houphouët-Boigny, ou tout au moins sa philosophie ? S’il en est ainsi, pourquoi ne pas accepter la proposition d’Henri Konan Bédié de baptiser le nouveau parti du nom de Pdci-Rdr, pour préserver les susceptibilités, puisque nous en sommes là ?

Une autre raison avancée pour expliquer la panne du projet serait l’exigence du Pdci de voir un candidat issu de ses rangs et soutenu par le Rdr accéder au poste de Président de la République en 2020. C’est le contenu de « l’Appel de Daoukro » du 17 septembre 2014 lancé par le président du Pdci : « Je m’efface en faveur du candidat du Rdr en 2015, et en 2020 le Rdr ne présente aucun candidat et soutient le mien. » Ils sont nombreux au Rdr à estimer qu’il ne s’agit pas là d’un contrat en bonne et due forme conclu entre les deux partis, et qu’il n’y a aucune raison pour que ce parti abandonne volontairement le pouvoir qu’il a mis vingt ans à conquérir dans la douleur, au bout de seulement dix ans de son exercice, sans y être contraint. Ont-ils vraiment tort ? Le parti unifié semblait être la solution pour contourner cet écueil. Une fois le Pdci et le Rdr fondus en un seul parti, peu aurait importé la provenance du candidat de ce nouveau parti.

« Oui mais, chuchote-t-on de part et d’autre, tout unifiés que nous serions, il faudra du temps avant que l’on oublie qui était Pdci ou Rdr ». Et cette origine semble primer sur toutes les autres considérations. L’idéal serait bien entendu un ticket « Président et Vice-Président » issu des deux partis. Et c’est probablement à cela que l’on aboutira, lorsque les questions d’égo auront été évacuées. La question qui restera sera de trouver le bon ticket, ou plutôt les candidats qui formeront le bon ticket, et dans un ordre acceptable par tous.

À propos de ticket, il semble que le Front populaire ivoirien (Fpi), aimerait bien faire aussi ticket avec quelqu’un. Et il aurait jeté son dévolu sur le Pdci. Le Fpi, orphelin de père et de mère depuis l’incarcération de Laurent et Simone Gbagbo, affamé et terriblement amaigri par sept ans de diète, déchiré par des querelles fratricides, aimerait bien revenir à la table du banquet. Et chaque fois qu’il crie famine, c’est sur l’épaule du Pdci qu’il vient taper. Il sait pourtant que c’est le Rdr qui a en main la louche qui emplit les assiettes. C’est que le Fpi n’ignore rien du lourd contentieux qui existe entre lui et le Rdr, et il sait que c’est au Pdci qu’il peut se trouver des personnes ayant des atomes crochus avec lui. Mais le parti de Bédié a-t-il intérêt à s’allier au Fpi ? Il faut déjà préciser que ce parti est divisé entre deux tendances irréconciliables, aussi squelettiques l’une que l’autre. Lâcher le Rdr pour l’une ou l’autre tendance du Fpi serait pour le Pdci proprement lâcher la proie pour l’ombre, et donner à son pire ennemi la corde pour le pendre.

En tout état de cause, quoi qu’il en soit des questions d’égo et de logo, des suspicions, des vieilles rancœurs et rancunes, des appétits des uns et des autres, le Pdci et le Rdr n’ont pas d’autre choix que de s’unifier. D’abord pour la mémoire de Félix Houphouët-Boigny dont nous commémorons cette année le 25e anniversaire de sa disparition, et ensuite pour la paix et la survie de notre pays.

Un clash ou une mésentente prolongée entre le Pdci et le Rdr plongerait à nouveau ce pays dans une tourmente dont il n’est pas certain qu’il y survivrait. C’est le moment, en cette année 2018 dédiée à Houphouët-Boigny, pour ses principaux héritiers politiques, d’entrer en eux-mêmes, de méditer longuement la philosophie houphouétiste, afin de comprendre que leur devoir et leur propre héritage politique est de se surpasser afin d’unir à nouveau la famille pour que la paix et la prospérité reviennent durablement dans ce pays. Qu’ils n’oublient pas que c’est de leur responsabilité directe, si ce pays a connu ces longues années de déchirure et de souffrance.

Le minimum pour eux, afin que l’histoire ne les voue pas aux gémonies, est de sortir de la scène politique et d’entrer dans l’histoire en laissant la famille houphouétiste à nouveau unie et la Côte d’Ivoire en paix et véritablement sur la voie de l’émergence.

Venance Konan