Vivre Grand - Bassam

Plume
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Vivre Grand - Bassam

Ainsi, tous les hôteliers et restaurateurs de la ville, même les plus éloignés de la plage, qui exigent d’être aussi indemnisés ; tous les artisans, ceux qui sont à l’entrée de la ville tout comme ceux qui vendent sur la plage, les chanteurs de zouglou qui sévissent devant les restaurants en cassant les oreilles aux clients, les vendeuses d’arachide et de coco râpé, les masseuses de pieds, une pharmacienne qui soutient avoir été de garde le jour de l’attentat, mais qu’elle avait dû fermer, ce qui lui a causé un préjudice, les vendeuses du marché, et même de simples citoyens qui arguent que les coups de feu les ont traumatisés. Tout ce monde défile à la mairie pour se faire indemniser. C’est ça, les Ivoiriens et l’argent ! Dès que l’on entend qu’il y a de l’argent quelque part, tout le monde en veut.

En attendant donc que tous ces braves gens soient indemnisés, je me suis rendu à la plage ce dimanche 10 avril. Et j’ai vu qu’elle commence à être à nouveau fréquentée. Mais, avouons-le, c’est encore très timide. Trop timide pour faire vivre les hôteliers et restaurateurs. Je comprends parfaitement la peur qui empêche bon nombre d’entre nous de reprendre la route de Grand-Bassam. Mais la plus belle victoire des terroristes serait justement que nous arrêtions d’aller à Grand-Bassam. Dans le mot terroriste, il y a terreur. Et l’objectif des terroristes est d’instaurer la terreur partout sur terre. Parce que, eux détestent la vie, tous ceux qui veulent vivre doivent le faire dans la terreur. Terreur de prendre l’avion, le train ou le métro, de s’installer sur une terrasse de café, d’aller à la plage, à l’hôtel, à un concert, bref, terreur de vivre tout simplement. Le bonheur des terroristes, leur jouissance, est de voir la terreur dans les yeux de leurs victimes. Dans le même temps, lorsqu’ils sèment la désolation et la pauvreté dans certaines régions de pays pauvres comme les nôtres, ils espèrent pouvoir recruter de nouveaux candidats à la mort. Il nous a été rapporté que dans les zones contrôlées par Boko Haram, au nord-est du Nigeria, le seul espoir qui est laissé aux jeunes gens est d’adhérer à cette secte, à cause de la grande misère qui sévit dans la région. Il en est de même dans le nord du Mali, où les futurs kamikazes sont recrutés avec une moto et un peu d’argent. Nous devons, de toutes nos forces, nous battre pour que cela n’arrive jamais dans notre pays. Il y a nos forces de sécurité et nos agents de renseignements qui doivent redoubler d’effort, mais chacun de nous doit aussi être extrêmement vigilant, et personne ne doit donner l’occasion aux terroristes de crier victoire.

Personne n’a songé, un seul instant, à ne plus aller aux états-Unis, en France, en Espagne, en Grande-Bretagne ou en Belgique parce qu’il y a eu des attentats. Personne n’a songé à ne plus monter dans un avion parce que certains ont explosé à la suite d’attentats. Il n’y a donc aucune raison pour que nous boycottions notre Grand-Bassam, la seule ville ivoirienne inscrite au patrimoine de l’Unesco, parce qu’une bande de terroristes y a sévi. Grand-Bassam, c’est d’abord la rencontre de l’histoire, celle de notre pays ; mais Grand-Bassam, c’est aussi un art de vivre, une joie de vivre. Alors, vivons Grand-Bassam. Comme le dit le jeune humoriste Florent Amany alias l’Observateur ébène, nous devons simplement nous habituer désormais à vivre avec ça, c’est-à-dire avec l’idée que le terrorisme peut aussi nous frapper. Mais il nous faut absolument vivre. Et vivre, c’est fréquenter les endroits que nous aimons, tels que les plages, par exemple. Notre pays est l’un de ceux que la nature a doté d’une façade maritime. Cela rend peut-être jaloux les terroristes qui vivent dans le désert et dont bon nombre, n’ont jamais vu la mer. Alors, à caused’eux, n’allons-nous plus vivre ? à cause d’eux, n’allons nous plus profiter de cette mer et de ces plages que la nature nous a données ? Jamais ! Vivons notre Grand-Bassam !

Venance Konan