Un plan Marshall pour le sud – ouest

Venance Konan
Venance Konan
Venance Konan

Un plan Marshall pour le sud – ouest

La forêt y était encore dense et l’on y trouvait des essences rares et coûteuses. Le sol était propice à la culture du cacao et du café, les deux principales mamelles de notre économie à cette époque, auxquelles viendront s’ajouter, plus tard, le palmier à huile et l’hévéa. Il y avait du fer dans les montagnes de la région, la possibilité de construire des barrages à Soubré et un port de commerce et de pêche à San Pedro. Le fer, le café, le cacao, le bois et toutes les autres richesses de la région devaient être acheminés jusqu’au port par un chemin de fer, avant d’être exportés vers le reste du monde. Sans parler du développement du tourisme dans cette région qui offrait quelques-uns des plus beaux sites balnéaires de notre pays.

Houphouët-Boigny créa donc l’Autorité pour l’aménagement de la région du sud-ouest (Arso) à qui fut confiée la tâche d’en faire le poumon économique de la Côte d’Ivoire. Tous les espoirs étaient alors permis. La ville de San Pedro et son port furent donc construits. C’était, à l’époque, la ville de tous les rêves, de toutes les possibilités. Une bonne partie des Ivoiriens, des ressortissants de la sous-région, du Moyen-Orient, de l’Europe, y accoururent. Lorsque je la visitai pour la première fois, dans les années 1990, un hôtelier qui connaissait bien l’histoire de la localité me raconta que dans les belles années,  l’argent coulait à flots dans les boîtes de nuit. « Lorsque les forestiers descendaient en ville, c’était la folie. Certains se lavaient les pieds avec du champagne ou allumaient leurs cigarettes avec des billets de banque et des prostituées venaient spécialement de France pour eux. »

Dans les années 1980, les cours de nos principales matières premières s’effondrèrent. Et avec eux, toutes nos illusions. Les grands projets d’exploitation du fer, de construction de chemin de fer et de barrage à Soubré furent renvoyés aux calendes grecques.  Une bonne partie de ceux qui étaient partis chercher fortune à San Pedro s’entassèrent dans le bidonville du Bardot qui devint l’un des plus grands de l’Afrique. La voie bitumée qui avait été construite lorsque M. Alassane Ouattara était Premier ministre se dégrada tellement qu’elle devint impraticable, tuant ainsi tout développement du tourisme. Et un site aussi merveilleux que Sassandra se couvrit de taudis. Un des plus beaux hôtels de la région qui s’y trouvait fut totalement saccagé lorsque nous nous fâchâmes contre les Français en novembre 2004. Ceux des hôtels qui échappèrent à notre courroux se contentèrent de vivoter, en rêvant du Messie qui viendrait les sauver.

Alassane Ouattara serait-il celui-là ? Il vient d’achever une tournée de quatre jours dans ce sud-ouest aux potentialités toujours intactes et le rêve devient à nouveau possible. Car ce que le Chef de l’État prévoit d’investir dans la région, au cours des années à venir, s’apparente un peu à un plan Marshall. Jugez-en par vous-mêmes. En ce moment même, des travaux de voirie, d’adduction d’eau potable, de réhabilitation de huit centres émetteurs de la télévision et de construction de fibre optique sont en cours à San Pedro, pour un coût global de 40 milliards de francs Cfa. Au niveau du district du Bas- Sassandra, les investissements actuels sont de 420 milliards de francs Cfa, dont 330 milliards pour le seul barrage de Soubré. Il est prévu l’électrification de 128 localités d’ici 2016, la construction de deux centrales thermiques à charbon de 700 mégawatts chacune et la construction, en aval du barrage de Soubré, de quatre autres barrages hydro-électriques d’une puissance totale de 767 mégawatts. Il est aussi prévu la construction d’un lycée de jeunes filles à San Pedro, de deux lycées techniques et d’une université dont les travaux débuteront en septembre prochain. Une autoroute d’un coût de 740 milliards de FCfa verra le jour avant 2020 et le port de San Pedro sera modernisé à hauteur de 950 milliards de francs Cfa, un aéroport international sera construit et les infrastructures touristiques de la région rénovées. C’est, au total, plus de 6000 milliards de francs Cfa  qui seront investis dans cette région au cours des années à venir. Que dire de plus ? Que le Chef de l’État a joué sa partition et qu’il appartient désormais aux fils et filles de cette région d’abord, mais aussi à tous les Ivoiriens de jouer la leur. L’une des conditions du développement, ainsi que l’a rappelé le Président de la République, est la paix. Que la paix et la concorde règnent donc dans cette région et dans le cœur de ses habitants qui forment une Côte d’Ivoire en miniature, afin qu’ils soient les principaux artisans de l’émergence de notre pays.

Venance Konan