Un pays debout

Un pays debout

Et ils ont raison, ces Ivoiriens qui croyaient qu’avec la réélection du Président de la République en 2015, les législatives de 2016 et la mise en place des institutions de la IIIe République, notre pays avait atteint sa vitesse de croisière et que les coups de feu intempestifs faisaient désormais partie du passé.

Mais nous avions oublié que nos institutions, notamment notre armée, étaient encore très faibles, alors que nos appétits, eux, étaient toujours très voraces. Sommes-nous sortis de l’auberge après la repentance des forces spéciales d’Adiaké ? Croisons les doigts et prions pour que la sagesse nous habite en ce moment, malgré nos faims, pour comprendre que manger son blé en herbe aujourd’hui est la meilleure façon de mourir de faim demain. Nous oublions trop facilement que nous venons de très loin, et que si le chemin que nous avons parcouru est très appréciable, celui qu’il nous reste à parcourir est encore plus long et nous devons ménager nos efforts et notre monture.

Cependant, si nos soldats nous ont énervés, nous ne devons pas pour autant dramatiser la situation plus qu’il ne le faut. Et c’est ce que le ministre des Affaires étrangères s’est évertué à expliquer aux membres du Conseil de sécurité de l’Onu le 8 février dernier. (Voir texte intégral page 6).

«La Côte d’Ivoire est un pays en paix et en sécurité»
, a-t-il insisté, avant de poursuivre: « Les mutineries d’une frange de la troupe, fondées sur des revendications corporatistes anciennes, ne sauraient remettre en cause ce constat. Elles ont cependant permis au gouvernement d’accélérer, notamment par la formation et une plus grande discipline, la professionnalisation nécessaire de l’Armée et des Forces de sécurité, avec l’entrée en vigueur de la Loi de Programmation militaire et des forces de sécurité intérieure. Les premières décisions prises dans ce cadre, notamment la nomination de nouveaux responsables à tous les échelons de nos Forces de défense et de sécurité ainsi que l’amélioration des conditions de vie et de travail de nos soldats, transformeront durablement leur quotidien et leurs capacités. Le Président de la République, qui a pris toute la mesure de ces évènements, s’emploie chaque jour à en résoudre les causes profondes. » Ce que nous vivons avec nos soldats mutins fait partie, pourrait-on dire, des dernières convulsions de notre crise.

Nous nous attelons depuis la fin de celle-ci en 2011 à « normaliser » notre pays. L’opération est longue, et chaque convulsion du malade permet de savoir où il faut porter l’attention. Les derniers mouvements des soldats mutins ont permis de constater qu’il y a un problème de discipline au sein de notre armée, d’accélérer la formation et la professionnalisation de cette armée, tout en améliorant les conditions de vie et de travail des soldats. À quelque chose malheur est bon, pourrait-on dire.

L’on a aussi accusé le gouvernement d’avoir privilégié la macro-économie, au détriment de la micro-économie, c’est-à-dire d’avoir négligé les individus, notamment les plus défavorisés. C’est aller trop vite en besogne et oublier qu’avant de distribuer, il faut d’abord avoir quelque chose à distribuer. Il fallait d’abord reconstituer le tissu productif, créer les conditions propices aux investissements avant que la richesse ne soit redistribuée. Ou, pour parler ivoirien, il fallait que l’argent travaille d’abord avant de pouvoir circuler.

Lors de ses dernières interventions, le Chef de l’État insistait toujours sur sa volonté de faire en sorte que les fruits de la croissance profitent à tous, et surtout aux plus vulnérables. Et c’est cela que le ministre des Affaires étrangères a rappelé avec force devant les membres du Conseil de sécurité: «La Côte d’Ivoire est portée par un vent d’optimisme qui ne s’est jamais démenti. Le taux de croissance du Pib sur les cinq dernières années est en moyenne de 9% par an, et le montant cumulé des investissements étrangers directs reste élevé, témoignant ainsi de manière éloquente la confiance retrouvée de nos partenaires dans notre pays. Le gouvernement s’attelle désormais à redistribuer, à travers sa politique de développement inclusif, les fruits de cette croissance aux Ivoiriens, en particulier aux plus démunis, tout en prenant en compte l’ensemble des impératifs du développement.»

Un pays comme le nôtre est toujours en situation d’instabilité, en ce sens qu’il peut à tout moment basculer d’un côté comme de l’autre. Nous sommes toujours debout, malgré tous les coups de boutoir que nous avons subis, et nous étions sur une bonne lancée ; mais il a suffi de quelques coups de feu en l’air pour que nous remettions en cause nos certitudes les plus solides. Il est cependant réconfortant de savoir que si nous doutons de nous-mêmes, notre crédit à l’extérieur est toujours intact, comme en témoigne l’accueil fait par le Conseil de sécurité; au discours du ministre des Affaires étrangères.

Rappelons que notre pays est candidat à un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité; et cette candidature est endossée par la Cedeao et l’Union africaine. N’oublions cependant pas qu’un crédit se perd très rapidement. Alors, comportons-nous de manière à ne pas perdre le nôtre.


Venance Konan