Tout est bien qui…

Tout est bien qui…

L’on a fait sortir les enfants dans les rues et obligé des écoles à fermer. Il y a malheureusement eu quelques morts. Quelques-uns par balles, d’autres par manque de soins dans des hôpitaux. Mais félicitons-nous qu’il n’y ait eu que ces morts-là. Lorsque les armes sortent, tout devient possible. Surtout le pire.

Imaginons un seul instant qu’un soldat, peut-être ivre, peut-être par accident, ait ouvert le feu sur nos enfants ! Félicitons-nous que le dialogue ait prévalu, et que le Chef de l’État et son gouvernement aient fait preuve d’une compréhension que le citoyen lambda n’a pas toujours, disons, comprise.

Pour faire régner l’ordre et la paix, et surtout éviter que le sang ne coule, il faut souvent consentir des sacrifices dont le commun des mortels ne perçoit pas toujours immédiatement le sens et la portée. Le plus important pour nous est qu’au bout du compte, chacun ait pu obtenir ce qu’il voulait et que la paix soit revenue. Les soldats mutinés ont eu les primes qu’ils réclamaient et qui leur étaient dues, comme l’ont reconnu les autorités, et les fonctionnaires ont aussi vu l’essentiel de leurs revendications satisfaites.

Les soldats ont donc demandé pardon à la nation pour la méthode qu’ils ont utilisée et promis de ne plus recommencer, et les fonctionnaires de leur côté ont levé leur mot d’ordre de grève. Du moins provisoirement. Espérons que d’ici le délai qu’ils ont fixé, les négociations auront permis de lever tous les derniers points de blocage afin que le pays retrouve son rythme normal.

Tout est donc bien qui finit bien. Tout est-il vraiment bien fini ? Espérons-le. Sans doute que dans l’ombre certaines personnes qui estiment n’avoir pas eu gain de cause, ou qui ont simplement intérêt à ce que le pays s’embrase, cherchent comment relancer le mouvement de grogne. L’on continue de voir les pires calomnies contre nos plus hautes autorités ainsi que des mensonges mêlés à des vérités ou des demi-vérités dans le but de mieux créer la confusion circuler sur les réseaux sociaux, ceux-ci étant devenus la version moderne des tracts que nous rédigions lorsque nous organisions nos grèves estudiantines.

La tranquillité étant revenue, essayons de nous pencher avec un peu plus de sérénité sur notre situation. Si les militaires et les fonctionnaires ont exigé, chacun à sa façon, de l’argent à l’État, c’est parce que chacun est convaincu que l’État en a. Cela est peut-être vrai. Mais si tel est le cas, il est bon de savoir que cet argent est le fruit du travail de nombreux Ivoiriens, aux premiers rangs desquels il faut peut-être placer les paysans et ceux que l’on appelle les masses laborieuses.

Depuis bientôt six ans, notre pays a connu une très forte croissance, c’est-à-dire une augmentation de ses ressources, du fait de la bonne gouvernance qui est exercée à son sommet. Mais soyons lucides. Lorsqu’un pays traîne autant de problèmes cumulés que le nôtre, dont ceux des démobilisés, des fonctionnaires, de notre sécurité, des étudiants, de la reconstruction de nos infrastructures économiques, de la résorption de la pauvreté, de l’aménagement de nos cités, pour ne citer que les plus saillants de nos problèmes, il faut plus qu’une génération avant que le partage équitable tel que souhaité par tout le monde ne se fasse.

Disons les choses comme elles sont: il nous faut faire encore beaucoup de sacrifices, tout en restant disciplinés. Et surtout en veillant à ce que ce qui crée la richesse ne s’arrête pas. Et c’est le travail de chacun, la bonne gestion de nos ressources, la bonne image et l’attractivité de notre pays, la paix et l’ordre qui y règnent qui créent cette richesse dont nous exigeons le partage.

Tirer des coups de feu, même en l’air, pour exiger le paiement d’une créance tue l’économie du pays. Ne commettons pas l’erreur de croire que tout est déjà gagné parce que nous rêvons d’une émergence en 2020 et que nous ne sommes plus qu’à trois ans de cette échéance, ou que nous avons une très forte croissance.

Avoir une croissance élevée ne fait pas de nous un pays riche. Il signifie que nous sommes sur la bonne voie. Nous devons encore continuer à travailler, à transpirer, et surtout ne pas manger notre blé en herbe. Nous devons encore continuer d’arroser, d’enlever les mauvaises herbes, de mettre de l’engrais avant que le temps de la récolte n’arrive.


Venance Konan