Saison des pluies, saison de problèmes

Venance Konan
Venance Konan
Venance Konan

Saison des pluies, saison de problèmes

Oui, chaque année, dans nos villes, nous souffrons des désagréments de la pluie, cette pluie pourtant si bienfaisante et tant attendue dans nos campagnes. En ville, elle nous met face à nos responsabilités que nous refusons d’assumer, préférant les rejeter sur l’autre, le gouvernement en l’occurrence. Quels sont nos problèmes en temps de pluie ? Ce sont nos rues et carrefours inondés et rendus impraticables, nos maisons englouties ou emportées par les eaux. Parce que nous construisons, le plus souvent, dans des zones où nous ne devrions pas le faire, parce que les terrains ne sont pas viabilisés ou sont dangereux quand ils ne se situent pas ou sur des caniveaux ou  au bord de précipices…

Le plus grand plaisir de bon nombre d’entre nous est d’empiéter, autant que l’on peut, sur le domaine public. Notre sport préféré est de bafouer toutes les règles. On ne doit pas construire à tel endroit ? « Moi, je le ferai. Et on verra qui m’en empêchera. » C’est avec ce genre de phrases que certains affirment leur importance. Alors, le permis de construire, pourquoi l’attendre ? C’est juste bon pour ceux qui n’ont aucun pouvoir, qui n’ont que des bras très courts. Et lorsque des agents du ministère de la Construction, du Logement, de l’Assainissement et de l’Urbanisme viennent écrire « AD » (A détruire) sur une maison construite ou en construction sans respect des normes, on s’arrange toujours. Ne sommes-nous pas dans le pays de tous les arrangements ? Et que faisons-nous, lorsque le terrain est bien constructible et que nous avons toutes les autorisations ? Nous trouvons toujours que cela coûte trop cher de prendre un architecte pour construire nos maisons. Nous avons tous, dans nos carnets, l’adresse d’un copain ou parent d’un copain qui est entrepreneur. On connaît un tâcheron, un débrouillard qui peut nous construire une maison pour trois fois rien. Effectivement, il le fait. Et c’est en saison des pluies que l’on réalise que l’on s’est fait avoir. En dehors de nos terrains non constructibles sur lesquels nous construisons quand même, de nos maisons mal bâties, il y a nos caniveaux toujours bouchés. Qui les bouche ? Nous-mêmes, avec nos ordures, nos seaux usagés, nos sachets plastiques, nos pneus de voiture, tout ce dont nous ne savons que faire. Nous avons sous les yeux notre lagune qui se meurt chaque jour, inexorablement, par notre faute, du fait de tous les déchets que nous y déversons. Et à chaque saison des pluies, nous vivons toujours les mêmes calvaires, depuis des décennies. Que faisons-nous pour y mettre fin ? Juste des récriminations contre nos gouvernants, vite oubliées sitôt la saison sèche revenue.

Nos gouvernants, de leur côté, ne sont pas exempts de reproches. Aucun responsable de la protection civile, aucun conseiller municipal, aucun maire, aucun ministre ne peut dire qu’il ne voit pas les maisons construites hors normes, sur les caniveaux, au bord des précipices, nos ordures et sachets plastiques jetés n’importe où. Nous sommes tous coupables, avouons-le. Mais une fois cela dit, nous n’avons rien réglé. Si nous ne prenons pas courageusement les décisions qu’il faut, l’année prochaine, nous serons encore là, à pleurer des morts, à faire les mêmes photos de rues inondées, de voitures noyées et de maisons englouties. Que faire ? Nous n’avons pas à réinventer l’eau chaude. Ce que nous avons à faire est, tout simplement, de veiller à ce que les normes que nous nous sommes fixées soient respectées, en sanctionnant ceux qui les transgressent. Nous devons aussi inculquer un comportement citoyen à nos compatriotes. Et cela n’est pas hors de notre portée. Des pays voisins y sont parvenus. Il y a, à Abidjan, des quartiers qui ne sont pas habités par des Martiens, mais où personne ne se hasarderait à jeter un bout de papier par terre. Cela veut dire que si nous le voulons vraiment, nous le pourrons.