Qu’il est long, le chemin de la paix !

Venance Konan
Venance Konan
Venance Konan

Qu’il est long, le chemin de la paix !

L’un d’eux m’a dit qu’il a beau écouter les leaders de cette formation politique se casser la tête, il ne comprend pas la logique d’une telle position. Parce que le recensement de la population n’a rien de politique, c’est un acte de développement. Faut-il le rappeler, le recensement permet d’abord de savoir combien de personnes vivent sur notre territoire, ensuite de pouvoir faire des projections et enfin de planifier toutes les actions de l’État. Comment peut-on savoir, par exemple, le nombre d’écoles, de classes ou la taille du centre de santé qu’il faut construire dans une région, si l’on ne sait pas combien de personnes y vivent ? Il n’y a pas eu de recensement dans notre pays depuis 18 ans. Entre-temps, est survenue la guerre de 2002 qui a entraîné un important déplacement de populations. Combien de personnes vivent en Côte d’Ivoire ? On fait généralement une estimation entre 20 et 22 millions de personnes. Et combien de personnes vivent à Abidjan, Bouaké, Korhogo ou Yopougon ? Personne ne peut le dire avec précision. Alors, comment voulons-nous que l’on programme des actions de développement dans une telle incertitude ? A mon humble avis, demander aux Ivoiriens de refuser de se faire recenser, c’est vouloir les empêcher de bénéficier des effets de la croissance. Et cela ressemble, tout simplement, à de la méchanceté gratuite. C’est un peu comme si l’on disait : « Puisque nous ne sommes plus au pouvoir, il n’est pas question que les Ivoiriens puissent profiter de quoi que ce soit qui vienne de ceux qui nous ont remplacés. »

Tout cela m’amène aux propos tenus le 14 avril, par M. Charles Konan Banny, président de la Commission dialogue, vérité et réconciliation (Cdvr), lors d’une cérémonie de remise de dons. Il a dit à peu près ceci : «  Nous avons pris le temps d’écouter le peuple ivoirien et ce que nous pouvons affirmer avec certitude, c’est qu’il est fatigué de vivre dans cette société de la peur. Il ne veut plus se réveiller le cœur battant, parce qu’il est dans l’incertitude. Il souhaite vivre dans un pays en paix ; il veut voir son niveau de vie s’améliorer ; il veut retrouver sa dignité. » Et le président de la Cdvr de prodiguer ces conseils : « Chacun de nous doit faire son introspection et nous devons tous raboter nos égos. Le problème vient souvent de nos égos démesurés. Nous devons sortir des monologues parallèles pour entamer un vrai dialogue. Le dialogue consiste à écouter le point de vue de l’autre, à le confronter au sien afin de dégager le consensus. »

Le challenge pour faire émerger notre pays, c’est-à-dire pour améliorer sensiblement le niveau de vie de nos populations, est trop important pour que nous nous amusions à des jeux d’arrière-garde. Le Fpi est un parti très important dans ce pays qu’il a d’ailleurs dirigé pendant dix ans. Il sait ce qu’est un recensement et son importance dans la vie d’une nation. Le Fpi est le parti opposé au pouvoir actuel. C’est son droit, et même son rôle, de ne pas apprécier ce que fait ce pouvoir et de le critiquer. C’est son droit de vouloir reconquérir le pouvoir par les voies démocratiques. Mais vouloir empêcher les Ivoiriens de se faire recenser, c’est chercher à les empêcher de sortir de leur pauvreté. Et ce droit, personne ne peut se l’arroger.

Le Fpi a décidé de rompre le dialogue avec le pouvoir. À notre avis, c’est une erreur. Comme l’a dit le président de la Cdvr, il faut sortir des monologues parallèles et continuer à dialoguer, sans relâche. Car, comme l’a dit le président Félix Houphouët-Boigny, le dialogue est l’arme des forts. Et c’est cette arme qui doit nous conduire à la réconciliation, qui nous apportera la paix dont nous avons tous besoin.