Quelle histoire !

Quelle histoire !

Il y eut d’un côté le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) que l’on situa à droite, et de l’autre, les partis qui se qualifièrent eux-mêmes de gauche, en opposition au PDCI, et dont le plus important était le Front populaire ivoirien (FPI).

En 1994, il y eut la création du Rassemblement des républicains (RDR), né d’une scission au sein du PDCI, et qui se réclama de la droite libérale. En 1995, ce parti s’allia pourtant au FPI de gauche au sein de ce qu’ils appelèrent le Front républicain, pour affronter le PDCI. Ce dernier finit par perdre le pouvoir en décembre 1999, à la suite d’un coup d’Etat. Et le Front républicain se brisa sur les ambitions des uns et des autres d’accéder au pouvoir suprême.

En 2000, c’est le FPI qui décrocha la timbale. En 2002 éclata la rébellion. Le PDCI et le FPI vécurent alors un éphémère concubinage qui se termina par des coups de poing et des insultes du genre « tu n’es qu’un vieux pneu réchappé. » En 2005, le PDCI et le RDR s’allièrent avec d’autres partis de moindre taille, au sein du Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), contre le FPI de Laurent Gbagbo. Ils finirent par bouter ce dernier hors du pouvoir. La boucle était bouclée, crurent certains.

Les partis de droite s’étaient regroupés, face à ceux de gauche, et c’était sain pour la démocratie. En 2014, les partis de droite annoncèrent clairement leur intention de fusionner totalement pour former un seul parti. Certains proposèrent qu’il s’appelât « PDCI-RDR », quand d’autres voulaient que les partis sortis du PDCI après le multipartisme regagnassent tout simplement la maison familiale qui était le PDCI.

Aujourd’hui, le PDCI ne veut plus du mariage avec le RDR. Va-t-il se fiancer avec le FPI pour qu’au finish chacun se soit allié à chacun ? Le FPI n’arrête pas en ce moment de roucouler aux oreilles du PDCI et de l’inviter à manger des poulets braisés au maquis (c’est pour le moment ce que ses finances peuvent lui permettre), en lui promettant, au cas où ses avances seraient acceptées, d’être cette fois-ci un mari exemplaire et même de laisser le PDCI diriger le foyer. Qu’est-ce qui n’a pas marché avec le RDR ?

Il s’est passé que le PDCI veut que dans le cadre de ce parti unifié annoncé en 2014, le candidat à la présidentielle de 2020 soit issu de ses rangs et soutenu par les autres, notamment le RDR. Celui-ci n’entend pas les choses de cette oreille et aimerait bien présenter lui aussi son propre candidat, quitte à ce que des élections primaires permettent de faire le choix final.

On parle de promesses faites. Soit ! Mais pour ma part, autant je ne connais de justice que celle des vainqueurs et nulle part sur cette terre et dans l’histoire, une justice des vaincus, autant je ne connais au monde aucun parti au pouvoir qui s’en est volontairement écarté, sans avoir été battu à des élections ou écarté par la force, au profit d’un allié.

En clair, ce que le PDCI attend du RDR est qu’il renonce à présenter un candidat, qu’il soutienne celui que le PDCI présentera, et qu’il vienne négocier auprès de lui des postes dans le futur gouvernement. Même si M. Ouattara a fait cette promesse à M. Bédié, je vois difficilement ses partisans accepter un tel marché.

Par contre, ce que je connais, ce sont des pactes de partage du pouvoir. Ainsi, dans les systèmes parlementaires comme en Allemagne ou en Israël par exemple, lorsqu’aucun parti n’obtient la majorité absolue, ils forment des alliances sur des bases idéologiques et s’entendent clairement sur le partage des postes.

De même, dans les systèmes présidentiels comme le nôtre ou celui de la France, après le premier tour, un perdant qui a cependant un nombre de voix significatif peut s’allier à un autre en échange d’un partage des postes. C’est ce que nous avons fait en 2010.

En France et aux Etats-Unis, lorsqu’il y a plusieurs candidats au sein d’un même parti, ils procèdent à des élections primaires en leur sein. En 2015, le PDCI qui n’était pas au pouvoir a choisi de ne pas présenter de candidat, et de soutenir celui du RDR. Je suppose que c’est ce qui lui a valu d’obtenir, outre des postes au gouvernement et dans la haute administration, certaines institutions et la Vice-présidence de la République.

Le PDCI voudrait qu’en 2020, le RDR lui rende la politesse en ne présentant pas de candidat et en soutenant le sien. Apparemment, il n’arrive pas à convaincre son allié et cela serait à la base du fossé qui se creuse entre eux. Pire, si le PDCI n’y prend garde, cette histoire pourrait le fragmenter à nouveau. Tout comme le RDR aussi d’ailleurs, avec le clan Guillaume Soro qui est en train de prendre forme.

Espérons que la sagesse les habite tous, et que leurs leaders trouvent la force de se retrouver afin de pratiquer le dialogue si cher au père fondateur dont ils se réclament tous. Cela est plus qu’urgent, lorsque l’on voit ce qui s’est passé à Korhogo ce week-end où l’on a déploré un mort. Gardons-nous, cependant, de pointer un doigt accusateur sur qui que ce soit. Comme disait feu Zadi Zaourou, lorsque vous pointez un doigt sur quelqu’un, n’oubliez jamais que trois de vos doigts sont dirigés vers votre propre poitrine. Evitons simplement tout ce qui peut nous conduire à la violence.

Venance Konan