Pour un nouveau pacte d’amitié

Venance Konan
Venance Konan
Venance Konan

Pour un nouveau pacte d’amitié

Écoutons ce qu’en dit notre ami et confrère Francis Laloupo dans son livre « France-Afrique, la rupture maintenant ? » (Acoria éditions) : « Quelles sont les capacités d’adaptation des pays d’Afrique francophone aux configurations géopolitiques actuelles et à la recomposition des zones d’influence sur la scène internationale et celle du commerce mondial ? Les mauvaises pratiques développées dans les cercles du pouvoir permettent-elles de mettre à profit ces mutations en cours, pour renforcer l’exigence de souveraineté et mettre en œuvre des politiques susceptibles d’entraîner ces pays dans une dynamique de développement durable et consolidée, tout en brisant les cycles de la précarité et du mal-vivre des populations ? Eu égard aux enjeux actuels sur la scène internationale, la question de la refondation tant réclamée des relations Afrique-France paraît soudain superflue. Comment rompre avec les pratiques d’un autre âge ? La réponse est à rechercher en Afrique. Le « changement » ne viendra pas de la France. Il ne devrait, en aucun cas, être décrété par la France. La France actuelle abordera l’Afrique tel que celle-ci choisira de se présenter à elle et au monde. Si l’Afrique change, la France changera avec elle, et vis-à-vis d’elle. »

Toute la question se trouve là. Quel type de relation voulons-nous avoir avec la France ? Depuis des décennies, nous crions : « Mort à la Françafrique ! », « Mort au néocolonialisme ! », « La France dehors ! », mais chaque fois qu’un nouveau locataire s’installe à l’élysée, notre grande inquiétude est de savoir quelle politique il mènera vis-à-vis de notre continent. Et pour peu qu’il dise « Moi, j’aime l’Afrique », nous sautons de joie et accolons aussitôt à son nom le vocable  « l’Africain ». Ainsi, Mitterrand fut-il « l’Africain » et, après lui, Chirac. Par contre, chaque fois que la France donne l’impression de se détourner de nous pour faire les yeux doux aux anciens pays de l’Est qui veulent passer à l’ouest, chaque fois qu’elle durcit pour nous les conditions d’octroi de ses visas, c’est à peine si nous n’éclatons pas en sanglots. Finalement, que voulons-nous que la France fasse avec nous ou peut-être de nous ? Ceux qui crient le plus violemment « La France dehors ! » sont confortablement installés sur les bords de la Seine, faisant des pieds et des mains pour obtenir la nationalité française. Et ce serait les insulter que de leur demander de rentrer dans leurs pays d’Afrique. Ceux sur le continent qui se proclament les plus anti-français sont ceux-là mêmes qui sont prêts à tout pour avoir une place dans une pirogue en partance pour Lampedusa.

Aujourd’hui, le monde a changé et de nouvelles opportunités se présentent à nous. Elles ont pour noms une population majoritairement jeune et de mieux en mieux éduquée, des sols et des sous-sols encore riches, de nouveaux potentiels partenaires économiques, un nouveau leadership dans bon nombre de nos pays et un changement de mentalité dans les cercles du pouvoir en France. François Hollande est, certes, Français, c’est-à-dire pétri de toute la culture et de l’histoire de son pays dont une partie fut celle des colonisations. Mais François Hollande n’est pas Mitterrand, ni Chirac, ni Sarkozy. C’est à nous de saisir les opportunités pour discuter avec la France d’un nouveau pacte d’amitié. Nous devons faire le point sur nos forces et faiblesses. Nous sommes un pays pauvre et faible et avons tout à gagner dans une amitié décomplexée avec la France, pays dont nous partageons la langue, une partie de la culture et une longue histoire. Même si la France n’est plus la grande puissance qu’elle était, elle a encore beaucoup à nous apporter, à condition que nous sachions quoi lui demander et comment nous voulons marcher avec elle. Nous ne devons plus nous présenter devant elle en mendiants ou en revanchards d’une histoire coloniale que nous avons perdue. Cherchons plutôt à gagner la nouvelle histoire postcoloniale en bâtissant des pays que leurs habitants ne chercheront plus à fuir au péril de leurs vies.

Terminons avec ces lignes extraites du livre de Francis Laloupo : « En 1990, à Tokyo, j’avais demandé au directeur de la télévision NHK de m’expliquer « le secret de la réussite japonaise ». Souriant, il m’avait répondu : « Nous nous sommes efforcés d’oublier ceux qui nous avaient vaincus. Pour reconstruire ce qu’on appelle le Pays du Soleil Levant, nous ne devions plus chercher à savoir où allait se coucher le soleil, le soir venu… »  La sempiternelle complainte anti-impérialiste devient, le temps passant, dangereusement contre-productive. D’autant qu’elle relève davantage de l’émotionnel que d’une approche rationnelle des faits. »