Place à l’apaisement maintenant !

Place à l’apaisement maintenant !

Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) a, pour sa part, vu le nombre de ses ministres croître. Mais le cas de ce parti mérite que l‘on s’y arrête. Ces ministres étiquetés PDCI sont-ils reconnus par la direction et les militants de ce parti ? Il n’est un secret pour personne qu’une partie significative du PDCI ne veut pas du parti unifié, du moins pas dans l’immédiat; en tout cas, pas avant que l’alternance au pouvoir en sa faveur n’ait été réalisée. Et cette affaire empoisonne clairement les relations entre le PDCI et le RDR, entre le Chef de l’Etat et celui qu’il appelle son aîné, l’ancien chef de l’Etat et actuel président du PDCI, Henri Konan Bédié.

A écouter certains cadres et militants du PDCI, l’on comprend que le mal est profond, tant les rancœurs sont tenaces et les griefs égrenés nombreux. Le RDR qui a le pouvoir et détient en main une bonne partie des cartes a le choix entre les ignorer, les minimiser et les prendre au sérieux.

A notre humble avis, le troisième choix serait le plus judicieux, même si les récriminations de certains cadres du PDCI ressemblent plus à des ambitions contrariées, à des frustrations personnelles qu’à des questions politiques ou idéologiques de fond. Les ignorer ou les minimiser, c’est faire le choix de se passer du soutien du PDCI et de ne s’appuyer que sur ses seules forces et celles des autres partis membres du RHDP.

Ces partis sont-ils assez lourds pour peser significativement en 2020 ? C’est peut-être aussi espérer que les personnalités du PDCI qui étaient au gouvernement ou qui viennent d’y entrer seront capables de drainer suffisamment de monde derrière eux au point de casser le parti en deux. Et que la partie qui rejoindra le parti unifié sera la plus significative. Le mauvais gag serait de n’avoir attiré que de simples personnalités qui seraient rejetées par leurs bases et incapables d’attirer qui que ce soit.

Si donc le choix qui est fait est celui d’ignorer ou de minimiser le PDCI, celui-ci vivrait sa vie sans le RDR, se fiancerait ou se marierait avec le Front populaire ivoirien (FPI), ou peut-être avec Guillaume Soro qui semble lui aussi à la recherche d’un nouveau conjoint, à moins qu’ils ne fassent un ménage à trois (nous sommes après tout en Afrique où la polygamie est acceptée), et ensemble ils proposeraient un candidat à la présidentielle de 2020. Le parti unifié de son côté proposerait son candidat et le meilleur gagnera, ce qui serait peut-être une excellente chose pour notre démocratie.

Mais si l’on cesse de rêver et que l’on regarde la réalité en face, on peut se demander ce que deviendra notre Côte d’Ivoire avec le RDR et le PDCI se regardant en chiens de faïence. Notre histoire, pas très ancienne, nous a déjà montré jusqu’où cela peut nous conduire. Certes, l’histoire n’est pas toujours un éternel recommencement, mais une de ses lois, qui est implacable, est que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Une autre loi de la nature, tout aussi implacable, est que si l’on sème du riz, l’on récoltera toujours du riz, et jamais du sorgho ou du mil. Cela veut dire que si l’on sème de la violence, de l’exclusion, de l’injustice, de la corruption, l’on finit par se prendre une vilaine guerre en plein visage.

C’est ce que nous avions fait entre 2000 et 2010 et nous avons vu les conséquences. Avons-nous depuis lors mis fin à ces maux qui avaient failli détruire notre société ? Avouons que, malgré notre bonne volonté, nous n’y sommes pas encore totalement parvenus. D’où la nécessité d’éviter des palabres et des divisions inutiles. L’on nous reproche suffisamment (souvent à tort, j’en conviens) de n’avoir pas bien réussi notre réconciliation. Evitons donc de créer d’autres problèmes là où il y en a déjà et qui pourraient compliquer cette réconciliation.

En 2005, les présidents Ouattara et Bédié se sont regardés dans le miroir de leurs consciences et ont reconnu leur part de responsabilité dans le sort tragique que le pays était en train de vivre. Aujourd’hui encore, ils seront tous deux tenus pour responsables, si le pays était à nouveau plongé dans une crise grave. Personne ne dira que celui-ci avait plus raison que celui-là.

En 2005, avaient trouvé les ressorts pour s’asseoir ensemble, se parler franchement et s’appeler désormais « petit frère » et « grand frère ». Les ressentiments étaient pourtant d’une ampleur que peu de personnes peuvent imaginer aujourd’hui. Mais parce qu’ils sont des hommes d’Etat et que ce qui comptait le plus pour eux était le sort de leur pays, ils ont transcendé ces ressentiments et sont ressortis de leur entretien de la rue Beethoven de Paris, la main dans la main. Et depuis cette date mémorable, ils ont toujours marché la main dans la main, jusqu’à ces derniers mois. Leurs mains se sont, semble-t-il, disjointes et les Ivoiriens ont peur.

Les étrangers qui vivent avec nous ont peur. Les investisseurs ont aussi peur. Les institutions financières internationales avaient écrit récemment que nous étions à la porte du paradis pour ce qui concerne l’émergence dont nous rêvons. Si ce climat de peur persiste, nous serons rejetés loin de la porte du paradis.

MM Ouattara et Bédié le savent. Ils savent aussi que les Ivoiriens, la communauté internationale et l’histoire ne le leur pardonneront pas. C’est pour cela que nous sommes confiants qu’ils trouveront encore la ressource pour s’asseoir à nouveau ensemble dans un salon aux portes closes, pour en ressortir le sourire aux lèvres, en se tenant à nouveau par la main. Oui, ils le peuvent.

Venance Konan