Parlons urbanisme

Venance Konan
Venance Konan
Venance Konan

Parlons urbanisme

Comme il est de bon ton de tout mettre sur le dos des Refondateurs, ne nous gênons pas. Il est vrai que de leur temps, ils n’y étaient pas allés avec le dos de la cuillère. Aucun espace vert ne pouvait résister à leur féroce appétit de construction de maisons et monuments laids. Ils ont été jusqu’à commencer à détruire la forêt du Banco, l’un des plus beaux parcs naturels urbains que l’on puisse trouver au monde. Et c’est sous leur règne que l’ensablement de la lagune Ébrié s’est accéléré.

Qu’en est-il depuis l’arrivée des Reconstructeurs qui nous gouvernent ? L’autre ADO (Anne - Désirée Ouloto) avait entrepris de mettre de l’ordre dans l’anarchie de nos quartiers. Mais chassez le naturel, il revient très vite au galop. Le désordre règne à nouveau dans nos villes et dans les quartiers d’Abidjan. Ce désordre qui caractérise tant nos villes n’est-il pas le reflet de celui qui se trouve dans nos esprits ? Si nous avions les idées réellement en place, nous aurions confié la construction de nos villes aux talentueux architectes et urbanistes dont notre pays regorge et qui sont sollicités partout en Afrique, sauf dans leur propre pays. Et nous aurions été un peu plus exigeants avec nos maires.

Parlons franchement. Abidjan, naguère plus belle capitale d’Afrique subsaharienne, s’est enlaidie et a perdu tout son charme. Le Plateau s’est clochardisé et les quartiers chics de Cocody ressemblent, en maints endroits, à Abobo. Nous nous sommes arrangés pour « tuer » la lagune et les bords de mer qui en constituaient quelques-uns des attraits. Tantie Hortense, as-tu remarqué qu’Abidjan est la seule ville au monde dont le bord de mer est occupé par des taudis ? Notre forêt du Banco a failli disparaître sous la voracité des Refondateurs. Tout danger est-il, aujourd’hui, écarté ? Le ministre Rémi Allah Kouadio que j’ai rencontré à Korhogo m’a assuré que bientôt, ce parc sera réhabilité et nous pourrons aller y passer nos journées de dimanche en famille et en sécurité. Nous devons, dès à présent, nous engager tous à bannir de notre cité d’Abidjan quiconque s’aviserait de couper un seul arbre dans le parc du Banco. Le ministre m’a aussi assuré que les travaux de nettoyage de notre lagune se déroulent bien. Mais il ne m’a pas dit quand nous pourrons aller y faire du ski nautique. Nous devrions aussi nous engager à bannir d’Abidjan quiconque polluerait notre lagune, d’une manière ou d’une autre. Qu’en est-il de nos villes de l’intérieur ? Elles ne s’en sortent pas mieux. Généralement, elles ne font leur toilette que lorsque le Président de la République doit les visiter. Le résultat est qu’à l’exception de quelques villes telles que Grand-Bassam (et là encore, ne parlons que du quartier France) ou Yamoussoukro, aucune autre ne nous donne envie d’aller y passer un week-end ou des vacances. Et l’on ne s’y rend que pour des raisons familiales, religieuses, professionnelles ou pour visiter des amis. Des villes qui, naguère, avaient du charme, en raison de leur situation géographique, telles que Sassandra, San Pedro, Grand-Béréby ou Man, ont perdu tout attrait, parce qu’elles ont laissé le désordre prendre le pas sur toute autre considération. D’autres cités qui possèdent des trésors architecturaux ne savent même pas les faire connaître, ni les mettre en valeur pour attirer des visiteurs. Souvent, elles ignorent même qu’elles en possèdent. Il y a quelques jours, j’ai vu, pour la première fois, la mosquée de Kong qui date de quelques siècles. Il y a plusieurs années de cela, j’avais découvert celles, tout aussi vieilles, de Samatiguila et d’un petit village près de Ouangolodougou. Si nous ne prenons pas le taureau par les cornes pour rendre nos cités plus propres, plus attrayantes, en dehors des visites présidentielles, il ne faudra pas espérer voir des hordes de touristes aux poches pleines de devises débarquer chez nous.

Que faire ? Ne tournons pas nos regards vers Alassane Ouattara. Tournons-les plutôt vers les maires que nous venons d’élire et qui avaient sollicité nos suffrages en nous promettant des villes plus vivables. Mettons-les au travail. Apprenons-leur à rêver grand, beau et propre. Apprenons-leur à être modestes et à ne pas se prendre pour des urbanistes, quand ils ne le sont pas, mais plutôt à recourir aux services des compétences qui ne demandent qu’à être utilisées.

Habitants de Korhogo, pouvons-nous prendre le pari que longtemps après le départ du Chef de l’État, vous réussirez à maintenir le charme et la propreté de votre ville qui m’ont donné envie d’y retourner ?

Venance Konan