Ouvrir la nouvelle page

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Ouvrir la nouvelle page

L’opposition a parfaitement le droit de crier haut et fort et partout qu’elle ne reconnaît pas ces résultats, de toutes les façons, on n’attendait pas autre chose de sa part. Le jour où notre opposition approuvera une action du Président Ouattara, ce sera comme un train qui arrive à l’heure en Afrique. Ça cachera quelque chose de louche. Mais, comme le dit un de mes amis, « les gens font leur référendum, tu dis que tu n’es pas concerné, tu appelles à le boycotter, et tu essaies même de les empêcher d’aller voter. Mais après, c’est toi qui est le premier à te précipiter pour aller donner des résultats, alors que tu n’avais aucun observateur quelque part, et c’est toi encore qui commentes ces résultats partout, qui dit que tu ne les reconnais pas. Ce n’est pas de la sorcellerie ça ? » Notre opposition et certains acteurs de la société civile s’étaient focalisés sur certains points de la nouvelle Constitution pour la rejeter. Il y avait notamment la question de la création du sénat, qui serait coûteux et inutile. C’est drôle de la part de l’opposition, parce qu’en son temps, de leurs leaders, Laurent Gbagbo, avait entrepris d’en construire un à Yamoussoukro, sans s’être donné la peine de demander notre avis. A cette époque, qui n’est pas très lointaine, ils ne l’avaient pas trouvé dispendieux. Et il suffit qu’Alassane Ouattara nous demande si nous voulons un sénat ou pas pour que cela soit un casus belli. Qu’importe ! La nouvelle Constitution a été adoptée et elle s’appliquera à tous les Ivoiriens et tous ceux qui vivent sur notre sol.

Pour l’heure, je suppose que les différents états-majors des partis de la majorité sont en train d’analyser les résultats, région par région, pour essayer de comprendre pourquoi l’on a moins voté dans certaines parties du pays plutôt que dans d’autres, et les raisons de ces surprenants faibles taux de participation dans des zones où l’on s’attendait à mieux. Ces partis de la majorité doivent faire cet exercice sans se voiler la face, se parler franchement, afin de lever toutes équivoques avant les prochaines législatives, sinon ils risqueraient d’aller au-devant de graves déconvenues. Ils doivent le faire aussi par rapport au parti unifié qu’ils ambitionnent de créer. Rien n’est plus malheureux que de se marier sur des malentendus et des incompréhensions.

L’opposition, de son côté, devrait revoir sa stratégie. Etait-ce intelligent de refuser de participer au processus d’élaboration de la nouvelle Constitution, puis d’appeler au boycott, y compris actif ? Que va-t-elle faire désormais, une fois qu’elle aura fini de s’égosiller à répéter qu’elle ne reconnaît pas cette nouvelle Loi fondamentale ? Appellera-t-elle encore les Ivoiriens à descendre dans la rue ? Nous ne sommes pas certains qu’ils soient nombreux à les suivre. Si un tel appel était lancé, il serait cependant judicieux que l’on les laisse manifester librement, afin que le peuple sache ce qu’ils représentent réellement, c’est-à-dire pas grand-chose. La vice-présidence et le sénat seront mis en place quand le Président de la République le souhaitera, et le débat est déjà de savoir qui sera ce Vice-président et qui sera membre de la nouvelle chambre. Le mois prochain nous aurons aussi les législatives. L’opposition les boycottera-t-elle encore ? Elle l’avait fait il y a cinq ans et je crois qu’elle s’en est mordue les doigts. Les victimes de la politique de la chaise vide sont toujours ceux qui la pratiquent. Affi N’Guessan qui semble le plus lucide de la bande a déjà annoncé qu’il y participera. Qu’en est-il de ses camarades frondeurs ? Continueront-ils de se mettre hors de la République pendant cinq nouvelles longues années ?

Peu importe ! Quoi qu’il en soit, les Ivoiriens viennent, avec l’adoption de cette nouvelle Constitution, d’ouvrir une nouvelle page du livre de leur histoire. Il s’agit d’une histoire à écrire, une histoire du futur et non du passé. Ce futur sera ce qu’ils en écriront. Les institutions ne valent que par ce que les hommes en font. Une question que de nombreuses personnes m’ont posée durant toute la campagne a été de savoir à quoi servira le futur sénat. Et ma réponse a toujours été qu’il servira à ce à quoi nous voudrions qu’il serve. Il sera utile et positif pour le développement de notre démocratie si nous voulons qu’il en soit ainsi, ou inutile et seulement budgétivore si tel est notre désir. Rêvons un peu : et si, plutôt que de se livrer à des combats d’arrière-garde, notre opposition se battait pour donner un contenu à ce sénat, où elle ferait tout ce qu’elle pourra pour y occuper une place ? Ce serait une belle façon pour elle d’écrire quelques pages dans notre livre d’histoire.

Venance Konan