Ne plus transiger

Ne plus transiger

Ces phrases, je les ai entendues de plusieurs amis étrangers qui fréquentent plus ou moins régulièrement notre pays et de certains Ivoiriens vivant à l’extérieur du pays. Mais pour bon nombre de nos concitoyens, rien ne bouge, rien ne change, parce que leurs vies ne changent pas. L’éternelle histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein.

L’optimiste, lui, choisit de voir le verre à moitié plein. Et il voit toutes les réalisations qui, tout doucement, sont en train de changer le visage du pays, il voit l’esprit de gagne qui s’est emparé de nous depuis quelques années et nous fait engranger d’importantes victoires, dans le domaine sportif notamment. Saluons encore une fois la récente victoire de notre duo Murielle Ahouré-Marie Josée Ta Lou en athlétisme, souvenons-nous de la CAN que nous avons emportée, de nos médailles olympiques en arts martiaux.

L’optimiste voit aussi tous ces jeunes créateurs d’entreprises, ces grands financiers qui n’ont aucun complexe vis-à-vis des autres financiers du monde, ces grands banquiers qui font notre fierté, ces artistes dont les œuvres ravissent une partie de plus en plus importante de la planète. Oui, il y a cette Côte d’Ivoire de ceux qui travaillent dur, qui utilisent leur cerveau pour créer, innover, faire marcher leurs affaires, cette Côte d’Ivoire qui gagne, qui nous tire vers le haut et nous fait espérer en des lendemains lumineux pour notre pays.

Mais on ne peut cacher cette autre Côte d’Ivoire obscure, effrayante, qui croit encore qu’avec des sacrifices humains, qu’avec le sang et les organes d’un enfant, l’on est capable d’acquérir la fortune et un quelconque pouvoir. Oui, elle existe encore. Résurgence d’un passé lointain ? Pas du tout ! L’Afrique ancestrale n’a jamais cru en la vertu du meurtre comme moyen de s’enrichir ou de parvenir à un bien-être.

L’Afrique d’hier et d’aujourd’hui a toujours cru au travail comme valeur cardinale pour réussir. Mais ici comme ailleurs, il a toujours existé des hommes dont l’esprit est toujours tourné vers le mal. Il a toujours existé des êtres qui envient ceux qui ont réussi, qui ne réalisent pas que ces réussites sont, le plus souvent, le fruit de durs labeurs, de privations, de nuits blanches. Ces êtres malfaisants s’imaginent que derrière toute réussite, il y a nécessairement de la magie. Dans toutes les sociétés, ces individus sont poursuivis et durement châtiés.

Mais dans la nôtre, nous avons pendant trop longtemps laissé l’impunité régner, nous avons trop longtemps transigé avec nos principes, et cela a permis à ces monstres de se multiplier, de contaminer une frange importante de notre jeunesse. Souvenez-vous des « brouteurs », ces jeunes arnaqueurs que l’on accusait de se livrer, eux aussi, à de tels actes barbares et criminels.

Il y a aussi cette Côte d’Ivoire des forces de l’ordre qui utilisent les armes que l’État leur a données pour terroriser les populations, leur extorquer de l’argent et parfois les tuer. Cela explique-t-il tous ces actes d’incivisme auxquels nous assistons depuis quelque temps ? Est-ce parce que les populations ne se sentent pas protégées par les forces censées le faire, parce qu’elles ont perdu confiance en l’État, qu’elles choisissent de se faire justice elles-mêmes ?

Le mercredi soir, le Chef de l’État a été ferme. Tout cela doit cesser. Nous devons rebondir sur les propos d’Alassane Ouattara et nous montrer fermes nous aussi. Nous devons tous être fermes avec nous-mêmes, nos enfants, nos petits frères, toutes les personnes sur lesquelles nous avons autorité et nos principes et valeurs.

C’est lorsque nous transigeons avec ces derniers que la société se met à vaciller et que la perversion fait son apparition. S’il y a une valeur que nous devrions sacraliser par-dessus tout, c’est le travail. Et nous gagnerions à faire la promotion de ceux qui réussissent par leur travail plutôt que ceux abonnés aux raccourcis. Nous devrions bâtir des temples pour la vertu et creuser de profonds puits pour les vices. C’est à ce prix que notre société sortira de l’obscurantisme.

L’institution du Prix d’Excellence décerné par le Chef de l’État chaque année est une grosse pierre apportée à l’édifice. Faisons en sorte que partout, dans tous les domaines, à tout moment, l’excellence soit célébrée et magnifiée. Faisons en sorte que partout, les tricheurs et les déviants soient stigmatisés, marginalisés et exclus du système. C’est à ce prix qu’il n’y aura plus jamais d’ « affaire Bouba ».

Venance Konan