Mettre balle à terre

Plume
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Mettre balle à terre

A propos du mandat d’arrêt contre le président de l’Assemblée nationale de notre pays, la Présidence ivoirienne a réagi en préconisant que la voie diplomatique soit privilégiée dans cette affaire. La diplomatie sert à régler les problèmes entre états, dans le silence, loin des bruits et de la passion. Nous assistons depuis quelques jours à une normalisation des relations diplomatiques entre les états-Unis et l’Iran, avec à la clé des libérations de prisonniers, à la surprise générale. C’est cela, la force de la diplomatie. En politique comme en matière judiciaire, les apparences peuvent être souvent trompeuses, et ce qui de prime abord apparaît comme une évidence peut devenir une erreur d’appréciation. En tout état de cause, si tant est qu’il y aurait des problèmes entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, il est important pour tout le monde de savoir qu’en toute chose, il faut éviter de se laisser emporter par l’émotion. Surtout lorsqu’il s’agit d’affaires d’état, et de deux états aussi liés et aussi susceptibles que la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. A-t-on besoin de rappeler que nous sommes liés par la géographie, par l’histoire, par nos peuples, par nos économies, et peut-être surtout par notre avenir ? Nous sommes tous conscients de ce que notre développement passera nécessairement par l’intégration renforcée de nos pays. En Afrique de l’Ouest, nous avons le Conseil de l’Entente, la Cedeao, et l’Uemoa que préside en ce moment le Chef de l’état ivoirien. Nous sommes tous d’accord sur le fait que l’épine dorsale de ces organisations sous-régionales est l’axe Côte d’Ivoire - Burkina Faso, tout comme le couple franco-allemand est celle de l’Europe. Ce n’est pas que ces deux pays représentent les deux plus importantes économies de la région, mais  parce que leur histoire singulière et leur position sur la carte en font deux pays essentiels pour l’intégration. Ce n’est pas un hasard si le colon qui a créé nos états a privilégié la ligne de chemin de fer entre la Côte d’Ivoire et le Niger en traversant le Burkina Faso, puis a uni nos deux pays avant de les séparer. Mais malgré cette séparation, nos destins ont toujours été liés. Aujourd’hui, nos dirigeants ont décidé de poursuivre la construction de la ligne de chemin de fer jusqu’au Bénin, en traversant le reste du Burkina Faso et le Niger. C’est en raison de l’importance stratégique de cette ligne pour l’économie de toute la région. Tant qu’il y avait l’harmonie entre nos pays, toute la région était en paix. Mais lorsque des tensions sont nées entre nous à la suite de malentendus regrettables, nous en avons tous été affectés. Nos relations ont été marquées dans le temps par la passion, l’amour, parfois l’arrogance, le mépris, voire la haine et la violence, mais elles ont toujours su s’équilibrer à temps. Nous étions dans la phase de l’harmonie retrouvée lorsqu’est survenue la crise qui a conduit à la chute du Président Blaise Compaoré et la suite qui a entraîné suspicion et accusation. En toute chose, il faut savoir préserver l’essentiel, ou, comme aiment le dire nos amis se réclamant de la gauche, savoir distinguer les contradictions principales des secondaires. Le nouveau pouvoir qui vient de s’installer à Ouagadougou a besoin de sérénité pour s’attaquer à tous les défis qui l’attendent. Le pouvoir d’Alassane Ouattara qui vient d’être reconduit par le peuple a lui aussi besoin de la même sérénité pour répondre aux nombreuses attentes des Ivoiriens. Et les deux pouvoirs satisferont plus facilement les besoins de leurs populations en renforçant leurs relations, en travaillant à l’intégration plus grande de nos économies, de nos populations.

Au moment où toute l’Afrique de l’Ouest fait face à ce danger mortel qu’est le terrorisme islamiste, nous diviser en ce moment sur des questions que l’on pourrait qualifier de secondaires serait faire le jeu des terroristes. Les contradictions principales pour nos deux pays sont la lutte contre les djihadistes criminels et l’émergence de nos pays. Le terrorisme islamiste qui sévit dans nos régions est le plus souvent le fruit de la misère. Plus vite nos économies se développeront, moins nous aurons d’actes du genre de ceux qui ont frappé au Mali, au Burkina Faso, au Nigeria, au Niger, au Tchad et au Cameroun pour ne citer que ces pays-là dans notre région. Que de part et d’autre, nous mettions balle à terre et que nous évitions les mots et les actes qui jettent inutilement de l’huile sur le feu.

Venance Konan