L’Afrique de demain

Venance Konan
Venance Konan
Venance Konan

L’Afrique de demain

Comme l’a relevé M. Donald Kaberuka, président de la Bad, dans son introduction, l’Afrique, qu’un grand journal britannique présentait, il y a dix ans, comme le continent du désespoir, est devenu, quelques années plus tard, celui qui s’éveille, et aujourd’hui, celui de tous les espoirs. Tous les indicateurs montrent, en effet, que notre continent, en dépit de certaines crises qui le rongent ici et là, est en train de s’éveiller et commence à compter sur la scène internationale et dans le commerce mondial. Certes, nos matières premières qui contribuent majoritairement à l’émergence de certains pays y sont pour beaucoup, mais de plus en plus d’entreprises africaines jouent désormais dans la cour des grands. Moulay Hafid Elalamy, ministre marocain du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie numérique, a révélé qu’il existe des entreprises africaines qui produisent en Afrique et exportent en Chine. L’Afrique commence donc à être compétitive. La question est de savoir comment la rendre encore plus performante. La journée du lundi a été consacrée aux propositions de solutions. Passons sur la nécessaire bonne gouvernance et l’indispensable stabilité politique de nos pays.
Trois propositions ont retenu mon attention. Il y a celle de M. Kingsley Moghalu, vice-gouverneur de la Banque centrale du Nigeria. Pour lui, le plus important est la qualité des ressources humaines. « Vous pourriez construire les meilleures routes dans votre pays, mais si le système éducatif ne fonctionne pas, votre économie déclinera. Ce qui nous manque le plus en Afrique, ce sont les infrastructures mentales pour appréhender le développement. Or, c’est l’éducation qui pourrait nous doter de ces infrastructures mentales. » Pour M. Mo Ibrahim, président de la fondation Mo Ibrahim, la solution en Afrique réside dans l’intégration et l’éducation. Il  a pris l’exemple de la Chine qui compte plus d’habitants que l’Afrique tout entière, mais qui forme un seul pays. Or, sur le continent africain, l’on compte 54 pays, c’est-à-dire autant de frontières que doivent franchir les personnes et les marchandises. Et, pour lui, tout comme pour M. Moghalu, l’éducation est un préalable au développement. M. Pascal Lamy, ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce ne dit pas autre chose. Pour lui, si l’Afrique veut avancer, elle doit désintégrer tous les obstacles bureaucratiques et mettre l’accent sur l’éducation. « Lorsque vous observez tous les exemples de pays passés du sous-développement à l’émergence, lorsque vous filtrez tous les facteurs, ce qui en ressort, c’est la qualité de l’éducation. » Selon lui, l’intégration et la qualité de l’éducation ne sont qu’une question de volonté politique.
Intégration et qualité du système éducatif. Voici les deux chemins que nous devons résolument emprunter pour rendre nos économies plus compétitives et répondre aux besoins de nos populations. Nous, citoyens africains, devrions exiger de nos pays qu’ils nous engagent sur ces deux voies.
En Côte d’Ivoire, Mme Kandia Camara et M. Gnamien Konan qui sont les ministres en charge de l’Education savent les défis qui sont les leurs. Monsieur Ally Coulibaly, ministre en charge de l’Intégration aussi. Mais ce défi est aussi lancé à l’ensemble de notre population et de notre classe politique qui doivent s’y engager résolument. La qualité de l’éducation n’est pas seulement du ressort du gouvernement. Elle est aussi, et peut-être surtout, l’affaire des parents. Ce qui m’a frappé en Corée du Sud, lorsque j’y ai séjourné, ce sont les sacrifices que les parents consentent pour l’éducation de leurs enfants. Il faut que leurs homologues ivoiriens consentent à en faire autant pour les leurs.
La dernière proposition, enfin. Il serait aussi temps que nous sortions de nos schémas mentaux étriqués qui nous poussent à penser d’abord en termes d’ethnie ou de nationalité, pour nous projeter tout simplement en tant qu’Africains. Dans un tel contexte, l’opposition du Front populaire ivoirien (Fpi) au recensement de la population est, tout simplement, rétrograde. Un pays qui veut avancer se doit de savoir combien de personnes vivent sur son sol. Seul le Fpi peut l’ignorer et s’y opposer. Et le fait de conditionner la réconciliation nationale, c’est-à-dire sa participation à la vie politique et économique de notre pays, au retour de Laurent Gbagbo indique que ce parti est en train de sortir de l’histoire qui s’écrit dans notre pays et sur notre continent. Tout comme la menace de Koua Justin de faire descendre la jeunesse du Fpi dans la rue. Entendre tout cela au moment où les dirigeants des économies de notre continent réfléchissent sur les moyens de rendre nos pays plus compétitifs est totalement anachronique.