Libérer Titi

Venance Konan
Venance Konan
Venance Konan

Libérer Titi

Nous, en Côte d’Ivoire, sommes dans une situation de parfaite normalité et nous nous apprêtons à aller à l’élection présidentielle dans quelques mois. D’où vient-il que certains opposants parlent maintenant de transition ? Parce que c’est la seule façon pour eux de participer au pouvoir. Entre un Charles Konan Banny qui déclare à Jeune Afrique qu’il ne fera des propositions aux Ivoiriens que seulement lorsqu’il sera élu, un Essy Amara dont le programme, pour le moment, consiste à énumérer ce que Houphouët-Boigny avait réalisé et ce que le Président actuel n’a pas encore réalisé, et les jusqu’au-boutistes du Fpi pour qui c’est Gbagbo ou rien, il est difficile de voir ce qui pourrait empêcher la réélection de M. Ouattara.

Pour MM. Banny et Essy, cette élection est la dernière à laquelle ils pourront se porter candidats, en raison de leur âge. Pour les gbagboïstes, le risque est tout simplement de ne plus exister. Qui attendra encore Gbagbo s’il est condamné à une longue peine de prison ? Alors, comment participer au pouvoir ? En créant une crise qui amènerait à les associer au pouvoir dans une transition. Comment ? Ils ont commencé par créer une coalition, puis ont décidé d’organiser des manifestations partout dans le pays, histoire de mesurer et de montrer leur force, tout en provocant le pouvoir.

Malheureusement pour eux, ce que l’on a pu voir a été leur incapacité à mobiliser et leurs meetings furent si maigrichons qu’ils décidèrent de les arrêter pour ne pas se ridiculiser. Alors, comment faire pour provoquer cette crise tant rêvée ? Les attaques armées avaient échoué et ceux qui les organisaient depuis l’étranger avaient été arrêtés et extradés vers la Côte d’Ivoire. Il fallait essayer autre chose. Démontrer d’abord que le pouvoir est dictatorial. Et la meilleure façon d’y arriver est de le pousser à arrêter un journaliste.

Pour les Occidentaux, l’incarcération d’un journaliste est l’un des indices d’une dictature.  Alors, Joseph Titi, directeur de publication du journal Aujourd’hui, proche de la mouvance « Gbagbo ou rien », s’est fait arrêter. Les articles publiés par Joseph Titi et ce que lui-même avait écrit sur les réseaux sociaux, quelques jours avant son arrestation, démontraient clairement qu’il cherchait à se faire embastiller. Et il y est parvenu. Il était évident, au premier coup d’œil, que les informations données par le journal de Titi étaient fausses, mais l’objectif n’était pas de faire du journalisme. Du fond de sa cellule, il doit boire du petit lait en ce moment.

Journaliste totalement inconnu en Côte d’Ivoire, sauf des gbagboïstes extrémistes, directeur de publication d’un journal que personne n’achète, le voici maintenant cité sur les radios internationales et défendu par Reporter sans frontières. Bientôt, Amnesty International va s’en mêler et notre confrère deviendra une vraie star mondiale. Au temps du président Bédié, Tiéti Roch d’Assomption alias Freedom Néruda, journaliste à Notre Voie, avait eu son heure de gloire en se faisant arrêter pour des écrits. Pris en charge par une Ong internationale de défense des libertés, il fut proclamé « l’une des personnalités les plus marquantes de l’année » et à sa sortie de prison, il fut invité un peu partout dans le monde, pendant que le régime du président Bédié était voué aux gémonies.

C’est ce qui risque de se passer pour Joseph Titi s’il n’est pas rapidement libéré. Libérez-le, au nom de la démocratie et au nom de la liberté d’expression, mais aussi pour ne pas tomber dans le piège que les siens et lui ont tendu au pouvoir. Ma conviction est que l’incarcération planifiée de Joseph Titi s’inscrit dans un plan plus vaste que nos amis qui cherchent la transition ont programmé.

Venance Konan