Leçons d’un scrutin

Venance Konan
Venance Konan
Venance Konan

Leçons d’un scrutin

Notre pays est-il en train de se normaliser, de prendre les bonnes habitudes des pays qui veulent vraiment aller vers la démocratie ? Osons le croire. Alors, félicitons, à notre tour, tous les participants à cette joute, à commencer par le vainqueur, ainsi que ceux de ses adversaires qui ont fait preuve de fair-play. Que dire de ceux qui, après avoir annoncé leurs candidatures au son de grelots et trompettes, se sont débinés avant le combat ? Personne ne croit en aucune de leurs explications et ils le savent bien. Ils ont juste eu la sagesse d’éviter l’humiliation. Que Charles Konan Banny, Mamadou Koulibaly et Essy Amara perdent devant Alassane Ouattara était le seul scénario possible. Et il n’y aurait eu aucune honte à cela. Mais qu’ils soient distancés par Affi N’Guessan, Kouadio Konan Bertin dit KKB ou Lagou Adjoua Henriette aurait été la suprême humiliation pour ces personnalités aux ego surdimensionnés. Or, devant la mollesse de leurs campagnes électorales, la vacuité de leurs programmes et leur absence totale de charisme, une telle humiliation aurait pu se produire. Bien sûr, ils continueront à brandir l’argument selon lequel ils se sont retirés pour ne pas cautionner une élection truquée, mais ils ne réussiront à convaincre qu’eux-mêmes.

Affi N’Guessan est celui qui obtient le meilleur score après Alassane Ouattara. Mais ce score n’est que de 9,29%. Affi a-t-il été victime du boycott lancé par ses anciens camarades ou a-t-il récolté ce que vaut réellement le Front populaire ivoirien (Fpi) aujourd’hui ? Les extrémistes de ce parti revendiqueront certainement les 45% d’abstentionnistes, mais ils auraient tort de le faire. Le taux d’abstention de cette élection est nettement moins élevé qu’en 2000 où Laurent Gbagbo affrontait seul Robert Gueï. Et dans une élection comme celle-ci où le Président sortant n’avait aucun adversaire de poids en face de lui, on ne pouvait pas s’attendre à mieux en matière de participation. Les anciens amis d’Affi n’auraient pas lancé de mot d’ordre de boycott que le taux de participation aurait été sensiblement le même. Affi vient de démontrer cependant qu’il a un fief, sa région  d’origine, le Moronou, comme c’est le cas de tous les politiciens de chez nous. Il pourrait s’y faire élire député, voire président de région et se positionner pour 2020, en cherchant à élargir sa base.

KKB a, sans doute, cherché à se positionner lui aussi pour 2020 en essayant de commettre un parricide. Ayant échoué dans cette action, il a certainement tenté de se faire pardonner en reconnaissant le premier la victoire d’Alassane Ouattara et en déclarant qu’il se remettait à la disposition de sa formation politique, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci-Rda). Le député de Port-Bouët qu’il est sait que du fait de la violence de ses propos à l’encontre du président du Pdci-Rda, il risque fort de ne pas être investi candidat de ce parti et de ses alliés du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) lors des prochaines législatives.

Le grand mystère reste les motivations des candidats Konan Kouadio Siméon, Lagou Adjoua Henriette, Kouangoua Jacqueline Claire et Gnangbo Kacou. Espéraient-ils sérieusement obtenir de meilleurs résultats que ce qu’ils ont eus ou cela leur importait peu, l’essentiel étant d’être sous les feux de la rampe durant le temps de la campagne ? Surtout que le Chef de l’état leur a fait la bonne surprise de leur offrir de quoi financer une partie de leurs campagnes et peut-être se faire quelques économies, puisqu’à notre connaissance, aucun mécanisme n’a été mis en place pour contrôler l’usage de cette somme. Comptaient-ils sur un second tour qui leur aurait permis de monnayer leurs voix, en vue d’obtenir un portefeuille ministériel dans le gouvernement du gagnant ?  Si c’était cela le calcul, c’est raté ! En passant au premier tour, l’élu n’est redevable à aucun de ses adversaires. Surtout que plusieurs d’entre eux ont étalé leurs carences intellectuelles durant cette campagne.

Pour ce qui est de l’élu, son score risque d’être son handicap. Avec 83,66% d’électeurs ayant voté pour lui, sa gouvernance doit démontrer qu’elle concerne effectivement ce pourcentage d’Ivoiriens, sans tenir compte des abstentionnistes. Cela veut dire que sa politique doit être encore plus inclusive que par le passé, surtout qu’il n’a plus l’excuse de l’état de guerre et de délabrement que connaissait la Côte d’Ivoire à la fin de la crise de 2011. Les jusqu’au-boutistes du gbagboïsme continueront de le haïr et refuseront de cautionner son pouvoir en y participant. Mais si la croissance que nous avons connue lors du premier mandat demeure en l’état ou s’améliore, si ses fruits sont encore mieux distribués, ou si, pour parler comme les Ivoiriens, l’argent circule à nouveau, mais proprement, ces jusqu’au-boutistes finiront par se marginaliser.

Venance Konan