Laurent Gbagbo, Blé Goudé on vous avait prévenus

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Laurent Gbagbo, Blé Goudé on vous avait prévenus

Nous fûmes nombreux à avoir prévenu Laurent Gbagbo et les siens qu’ils finiraient devant un tribunal international, s’ils n’arrêtaient pas leurs basses besognes. On parla de tribunal international à Gbagbo dès l’apparition des escadrons de la mort. Et lorsque Blé Goudé fut sanctionné par l’Onu, je fus de ceux qui lui dirent régulièrement qu’il finirait devant une telle instance judiciaire s’il ne s’assagissait  pas. Il fit des efforts, mais lorsqu’éclata la crise post-électorale, le naturel qu’il avait tenté de chasser revint au galop. Et leur clan fut le seul à avoir cru, en 2010, que l’on pouvait s’opposer aux résultats d’une élection qui avait été observée par le monde entier, dont les résultats avaient été validés par celui chargé de les certifier ainsi que par tous ces observateurs ; faire descendre des miliciens et des mercenaires dans les rues pour tuer tous ceux qui s’opposaient à leur coup de force, cela sous les yeux des forces internationales, et s’en sortir indemne. Laurent, Charles, vous aussi ! Pour qui croyiez-vous donc que la Cour pénale internationale (Cpi) avait été créée ? Eh bien, elle a été créée pour tous ceux qui, comme vous, pensaient qu’ils pouvaient aller contre le choix démocratique d’un peuple, imposer leur volonté au monde entier, au seul motif qu’ils ont des armes en main. On peut tout faire avec une baïonnette, sauf s’asseoir là-dessus. Vous vous êtes assis sur la vôtre et aujourd’hui, vous vous retrouvez devant des juges à la Cpi. Vous êtes des compatriotes, Laurent Gbagbo a été notre Président et cela ne nous fait pas plaisir de vous voir devant ce tribunal. Mais c’est vous qui l’avez cherché. On vous avait bien prévenus. Tous les hommes et femmes lucides de ce pays et d’ailleurs vous avaient bien mis en garde contre le fait que vous risquiez fortement de vous retrouver devant un tribunal international, parce que c’était l’évidence même. Lorsque l’on se met à massacrer son peuple, surtout lorsque l’on est Africain, on se retrouve devant la Cpi. C’est désormais comme ça et les « prophètes » du genre Malachie n’y peuvent rien. Il ne s’agit pas d’être d’accord ou non, et se demander pourquoi on n’y juge, pour le moment, que des Africains, cela n’y changera rien. Vous êtes les seuls à n’avoir pas compris que le droit international est, avant tout, celui des grandes puissances. Les états-Unis peuvent bombarder sans aucune raison l’Irak, faire pendre Saddam Hussein, la France peut bombarder la Libye, contribuer à faire arrêter et tuer Kadhafi, et puis il n’y a rien. Vous n’auriez pas dû écouter vos prophètes incultes. Il fallait plutôt écouter nos chanteurs de zouglou qui sont les nouveaux et vrais prophètes, même s’ils ne le savent pas eux-mêmes. Ce sont eux qui vous chantaient que lorsque l’on prend la route de « je m’en fous », on se retrouve au village de « si je savais ». C’est une phrase pleine de sagesse. Mais comme nul n’est prophète chez soi, vous ne les avez pas écoutés. Vous avez eu tort. Lorsqu’on dirige un petit pays comme le nôtre, on tient compte des rapports de force dans le monde. Houphouët-Boigny disait que la politique est la saine appréciation des réalités du moment. Donc, on ne gouverne pas en disant :« je m’en fous, on ne peut rien me faire parce que je suis souverain ». Entre nous, Laurent, Charles, vous croyiez vraiment que vous seriez parvenus à imposer votre volonté à la Cedeao, à l’Union africaine, à l’Union européenne, aux états-Unis, à l’Onu, alors que votre pays n’est ni Israël, ni la Corée du Nord, qui, eux, disposent de la bombe atomique, alors que vous ne savez fabriquer que des arcs et des flèches et même pas une petite bombe artisanale ? Vous étiez vraiment envoûtés, comme l’a dit votre ami Pablo. Alors, lorsque vous nous dites aujourd’hui que vous vous battiez contre la Françafrique, contre le néocolonialisme, que la France ne vous aimait pas et a donc voulu votre chute, nous disons que vous êtes hors sujet. Et nous ne voulons pas nous laisser distraire. Les juges non plus ne se laisseront certainement pas distraire. Mais nous n’allons pas refaire ici l’Histoire. Parlons de ce que votre histoire à vous a apporté de positif à notre continent. Tout le monde a remarqué que depuis quelque temps, toutes les élections se déroulent sans aucune violence. Même lorsqu’un candidat perdant n’est pas d’accord avec le résultat, il n’appelle plus personne à descendre dans la rue. C’est l’effet bénéfique de l’aventure de Koudou Gbagbo et Blé Goudé. Chacun, partout en Afrique, sait désormais que s’il appelle à manifester et qu’il y a des morts, il peut se retrouver devant la Cpi comme Koudou Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé de Côte d’Ivoire. N’est-ce pas là une belle chose ? Et à qui cela profite-t-il ? Cela profite au peuple, lui qui paie toujours de sa vie les folies de certains leaders que le pouvoir rend fous. Aussi, lorsque certains Chefs d’état africains appellent-ils à retirer nos pays du Traité de Rome, nous disons que nous, peuple, nous ne leur avons pas demandé cela. C’est ce traité qui nous protège. Aujourd’hui, il y a bien un Chef d’état qui s’est entêté à vouloir faire un troisième mandat contre l’avis du monde entier, et qui a commencé à massacrer son peuple. Il est le seul à ne pas savoir qu’il se retrouvera nécessairement devant la Cpi.

Venance Konan