La guerre de Troie a eu lieu

La guerre de Troie a eu lieu

Après plusieurs années de guerre, les Grecs triompheront des Troyens en leur offrant un cheval géant dans lequel ils avaient caché des guerriers. Lorsque le cheval fut introduit dans la ville de Troie, les guerriers en sortirent au milieu de la nuit et détruisirent la ville. Cette guerre fait partie des grandes légendes de la Grèce antique et a été le sujet des récits épiques intitulés « L’Iliade » et « l’Odyssée » du poète Homère.

En 1935, le dramaturge français Jean Giraudoux a écrit une pièce de théâtre intitulée « La guerre de Troie n’aura pas lieu » et que j’ai eu à étudier lorsque j’étais en classe de première. Voici ce qu’en dit Wikipédia: « Dans cette pièce qui décrit la bêtise des hommes et leur obstination, Giraudoux fait un parallèle entre la situation en Europe où tout le monde voit venir la guerre mais ne fait rien, et celle de l’Antiquité avec la guerre de Troie. Son œuvre se termine effectivement par l’inévitable guerre, reflet de la réalité. »

Dans la pièce, dont l’action se déroule à Troie, il y a deux camps, celui de ceux qui veulent la guerre à tout prix, et celui de ceux qui la refusent. Pendant un moment, tout fait croire que la guerre sera évitée parce que la raison semble être présente, mais à la fin, comme sous le coup d’une inéluctable fatalité, la guerre finit par arriver.

Giraudoux, qui avait été blessé à deux reprises durant la Première guerre mondiale, était devenu un pacifiste. Il voyait venir la Seconde guerre mondiale et sa pièce se voulait un avertissement. Il met en relief « le cynisme des politiciens ainsi que leur manipulation des symboles et des notions de droit » et dénonce « deux bêtises, celle des hommes et celle des éléments. »

Tout le monde aura compris que si j’ai pris ce long chemin depuis l’Antiquité grecque et que j’ai convoqué Jean Giraudoux au passage, c’est pour en arriver à la situation de notre pays qui par endroits, ressemble effectivement à une tragédie grecque. Entre 1995 et le coup d’Etat de Noël 1999, des Cassandre nous avaient prévenus que nous foncions dans le mur. Mais nous étions convaincus que nous étions les protégés des dieux et que rien de fâcheux ne pourrait nous arriver. Nous avions donc bâillonné les Cassandre.

A partir de ce fatidique Noël, il nous est arrivé une multitude de choses très fâcheuses. Après le coup d’Etat et la parenthèse militaire, nous avons repris les choses exactement là où nous les avions laissées. Notre langage et nos attitudes les uns envers les autres n’ont pas changé d’un iota. Nous avons eu la rébellion.  Puis la guerre avec la France. Puis la guerre entre nous, du nord jusqu’à Abidjan. Nous avons eu une accalmie durant ces sept dernières années. C’est trop pour nous. On dit que « découragement n’est pas ivoirien. »

Nous avons donc repris nos palabres exactement là où nous les avions laissées. Les mêmes mots et les mêmes attitudes qui nous ont conduits au fond du gouffre. Tout le monde voit le nouveau mur dans lequel nous sommes en train de foncer. Nous sommes comme un chauffeur de gbaka. S’en fout la mort !  La Guerre de Troie n’aura pas lieu, voulait-on croire. Et elle a eu lieu. A qui la faute ?

Tout le monde le sait : le responsable de toute cette affaire, le fautif, celui qui veut la guerre à tout prix, c’est l’autre, celui d’en face, qui est devenu l’ennemi. C’est lui qui ne veut pas du dialogue, qui ne respecte pas sa parole, qui…qui… Oui, comme la dernière fois, personne ne sera responsable de ce qui arrivera. Et accuser l’un sans accuser l’autre sera commettre une grave injustice.

Dans les tragédies grecques, les hommes sont le plus souvent manipulés par les dieux dont ils ne sont que des jouets. Est-ce notre cas ? A la fin du dernier acte de notre tragédie à nous, le président du Conseil constitutionnel avait dit que nous avions tous été possédés par le diable. C’est peut-être ce qui nous arrive à nouveau. Un peuple qui n’est pas possédé par le diable peut-il se comporter comme nous le faisons actuellement ?

Lorsque l’on leur indique la lune, ils se contentent de regarder le doigt et passent le reste du temps à le commenter. Les élections municipales et régionales que nous venons de vivre nous ont donné un avant-goût de ce que sera la présidentielle de 2020. La guerre de Troie a bien eu lieu. Et la nouvelle guerre de Côte d’Ivoire aura bien lieu aussi. Hélas !

Venance Konan