La force de l’union

Venance Konan
Venance Konan
Venance Konan

La force de l’union

Et tous les intervenants, au cours de cette émission, ont unanimement salué cette décision de nos dirigeants qui, à n’en point douter, donnera un coup de fouet aux échanges humains et commerciaux dans cette partie de l’Afrique de l’Ouest si riche en potentialités. Souvenons-nous. Notre ligne de chemin de fer s’appelait Régie Abidjan-Niger (Ran). Parce que l’objectif du colon  qui l’a posée était de relier Abidjan à Niamey. Mais le chemin de fer s’est arrêté à Ouagadougou et le colon est parti. Et depuis 54 ans que nous sommes indépendants, nous n’avons pas pu ajouter un seul mètre de rail à ce qu’il nous avait laissé. Pourquoi ces travaux dont l’importance et l’utilité ne font l’ombre d’aucun doute ont-ils repris maintenant ? Sans doute parce que le leadership dans notre région a changé et, avec lui, la vision du développement. Le nouveau leadership dans notre région a compris qu’il est illusoire de penser que nos petits pays peuvent se développer tout seuls, chacun dans son coin. Pendant 54 ans, nous avons parlé d’intégration, tout en restant arcboutés sur nos nationalismes étriqués. L’une des conséquences de cette situation est que cette ligne de chemin de fer, qui aurait dû voir le jour depuis longtemps et contribuer au développement de notre région, ne démarre que maintenant. Depuis au moins deux ans, nos organisations d’intégration régionales que sont la Cedeao et le Conseil de l’Entente ont mis les bouchées doubles pour rendre concrets tous les discours que nous tenons depuis des années sur l’intégration. Cette ligne de chemin de fer Abidjan-Ouagoudougou-Niamey-Cotonou n’est que l’un des grands projets d’intégration concoctés par nos dirigeants.

Il y a quelques années, l’essayiste Axelle Kabou s’était demandé si nous, Africains, voulions vraiment le développement. Et elle avait raison de se poser cette question. Parce que nous connaissons tous les chemins qu’il nous faut emprunter pour aller vers ce développement ; mais nous avons érigé dans nos esprits des barrières psychologiques qui nous empêchent de les emprunter. L’une d’entre elles est notre nationalisme stérile. Il est temps de lever ces barrières pour se projeter en avant, pour faire émerger nos pays. Le sort de nos populations, le regard que le reste du monde porte sur nous et tous les défis qui se présentent à nous, nous l’imposent. La présence du mortel virus Ébola dans notre région devrait nous enseigner que nous ne vaincrons jamais nos fatalités, tant que nous irons en rangs dispersés. Les autres ne seront pas toujours là pour régler nos problèmes. Ils ont les leurs. Nous devons nous unir sur notre continent. Mais nous devons nous unir d’abord dans nos différents pays.

Ce jour marque le troisième anniversaire de l’arrestation de Laurent Gbagbo. Certains le commémoreront dans la tristesse, d’autres dans la joie, en fonction de leurs vécus durant cette terrible période. Mais nous devrions tous consacrer quelques instants à méditer les leçons à retenir de cette histoire dont personne ne peut s’en enorgueillir. C’est une page douloureuse de notre histoire. Une page qui devrait être refermée. À jamais.

Nous avions réussi à étonner le monde au début de notre indépendance, avec notre « miracle économique », lorsque notre peuple était uni. Et nous avons connu la déchéance, lorsque nous nous sommes entredéchirés. Nous étonnerons, à nouveau, le monde en bannissant en nous tous les virus de la division et surtout en nous unissant aux peuples qui nous entourent et qui ne sont pas différents de nous. C’est la leçon que, personnellement, je tire, en ce jour de triste anniversaire, pour notre pays. Méditons aussi celle de l’Union européenne qui a réussi à bannir la guerre de ses terres, en s’unissant sur la base de valeurs partagées et qui est devenue la grande puissance que nous connaissons.