La force de la discipline

La force de la discipline

L’histoire nous enseigne que dans la Grèce antique où a été forgé le terme “démocratie’’, les habitants de la cité se réunissaient en un certain endroit pour prendre ensemble les décisions les concernant. Cela fait penser à certaines sociétés de chez nous où le pouvoir s’exerce par génération ou classe d’âge ; ce qui amène tous les membres de cette société à exercer le pouvoir à un moment de leur existence.

Dans nos sociétés modernes, le pouvoir du peuple ne peut s’exercer que par délégation. Cela veut dire qu’à une certaine échéance, le peuple, à qui le pouvoir appartient, choisit un certain nombre de personnes à qui il délègue ses pouvoirs et qu’il charge d’exercer en son nom et à sa place, durant un temps bien déterminé. Ce choix se fait généralement à travers des élections. Le pouvoir est donné à la personne qui obtient la majorité des suffrages lors du scrutin.

Le contrat tacite qui lie le peuple à celui à qui le pouvoir est confié veut que durant le temps du mandat de ce dernier, toutes les décisions qu’il prend engagent le peuple sans que celui-ci ait quelque chose à dire. Évidemment, présenté ainsi, la voie est ouverte à tous les abus. C’est pour cela que des institutions ont été mises en place, et comme l’a écrit le penseur français Montesquieu, afin « qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »

Dans le système occidental que nous copions, ces institutions sont généralement un parlement, une justice indépendante, une presse forte et indépendante aussi, une société civile bien organisée et très vigilante. Dans certains systèmes politiques, le peuple est parfois consulté sur certains sujets bien définis, à travers ce que l’on appelle des référendums ou des votations comme on le dit en suisse. Une fois ce système exposé ainsi sur le plan théorique, qu’est-ce qui le fait fonctionner effectivement dans la pratique ? Le secret est la discipline.

Cette discipline fait que l’on se plie aux décisions de ceux que l’on a élus aux postes de direction, même si l’on pense que ces décisions ne sont pas bonnes. Si dans un pays démocratique, chacun voulait agir selon ce qu’il croit être sa vérité, en passant outre les décisions des dirigeants parce qu’il estime qu’elles ne sont pas sensées, nous nous retrouverions très rapidement en situation d’anarchie, ce qui conduirait ce pays à sa perte. Ce n’est pas sans raison que Félix Houphouët-Boigny disait qu’il préférait l’injustice au désordre, parce que la première pouvait se réparer, tandis que le second pouvait mettre en péril la vie d’une nation ou d’un État.

Aujourd’hui, l’élection de Donald Trump au poste de président des États-Unis fait couler beaucoup d’encre, à cause de la personnalité de l’homme. Mais la question n’est plus de savoir s’il peut diriger les États-Unis ou non. Toutes les décisions qu’il prendra, et il a commencé à en prendre, engageront tous les américains, quel que soit ce que chacun en pensera. Et celui qui ne respectera pas ces décisions sera tout simplement sanctionné.

Bien que François hollande ait en ce moment une des cotes de popularité les plus basses qu’un président français n’ait jamais eue, toutes les décisions qu’il prendra jusqu’à la fin de son mandat s’imposeront à tous les Français, et celui qui ne s’y conformera pas sera sanctionné.

C’est ainsi que les sociétés démocratiques ont toujours fonctionné, et c’est ce qui a fait leurs forces. C’est en Afrique que l’on croit que la démocratie signifie la fin de l’autorité du chef, et la possibilité à chacun de faire ce qu’il veut. Ce que nous venons de dire à propos de la démocratie dans les états est totalement valable pour les partis politiques. Un parti politique fonctionne avant tout en respectant une certaine discipline. Et lorsque les instances habilitées à prendre des décisions le font, tous les adhérents de ce parti sont tenus de s’y conformer, sous peine de se faire sanctionner.

Pour citer toujours l’exemple américain, lorsque le système des primaires du parti républicain a choisi Donald Trump comme candidat de ce parti, il ne fut plus permis à qui que ce soit au sein de ce parti de se présenter en candidat indépendant, même si, à cette époque, tout laissait croire qu’avec Trump, le parti républicain courait vers la défaite.

En Côte d’Ivoire, à chaque élection, il y a les ambitions que certains veulent assouvir à tout prix, et le sentiment, chez d’autres, qu’ils savent mieux que les dirigeants de leur parti celui qui doit le représenter, en l’occurrence eux-mêmes. Ils n’ont peut-être pas tort, mais cela fait désordre et affaiblit les partis politiques. Le porte-parole d’un parti politique a récemment évoqué la possibilité d’organiser des primaires comme en France et aux États-Unis. Pourquoi pas ? Mais en attendant, pour ces législatives-ci, les instances des partis ont opté pour la désignation des représentants.

Les militants de ces formations politiques devraient respecter cela. L’honnêteté voudrait que lorsque l’on ne veut pas se plier aux décisions des instances d’une organisation dont on est membre ou à sa discipline, l’on en démissionne tout simplement.

Venance Konan