L’opposition et la nouvelle Constitution

Plume
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L’opposition et la nouvelle Constitution

 

Présenté ainsi, on pourrait dire que le Président de la République a chaud avec son projet de révision de la Constitution, puisque lui, ne peut compter que sur le soutien des quatre partis du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp). Sauf que, à part le Front populaire ivoirien (Fpi) qui peut se targuer d’avoir des militants, tous les autres partis qui se sont présentés pour lire cette déclaration ne comptent pour tout membre que leurs leaders, et peut-être dans quelques rares cas, les conjoints de ces derniers. Certains de ces leaders sont de parfaits inconnus.

Que reprochent ces micro-partis au projet de révision de la Constitution ? Ils le jugent anti-démocratique, autoritaire, ils ne veulent pas du sénat, ni de la vice-Présidence, bref, ils ne veulent rien. Affi N’Guessan, le président du Fpi, avait déjà dit dans une interview que le projet était précipité. Commençons par le caractère précipité de ce projet de Constitution. Il me souvient qu’avant l’élection présidentielle de 2010, les trois principaux candidats qu’étaient messieurs Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo avaient déclaré que s’ils étaient élus, ils réviseraient la Constitution. Le caractère nocif de ce texte n’était plus à démontrer, puisqu’il nous avait conduits à une guerre, et que l’on avait dû l’écarter au profit d’un accord signé à Pretoria pour que l’on puisse aller à l’élection présidentielle. Le Président Ouattara a été élu en 2010. Il a été réélu en 2015. Il nous propose en 2016 de réviser cette Constitution. Où se trouve la précipitation ? Quand donc, selon M. Affi N’Guessan, devrions-nous procéder à cette révision ? Lorsque M. Ouattara ne serait plus au pouvoir ? Quand lui, Affi, arriverait au pouvoir, c’est-à-dire à la Saint-Glinglin ? Et le Sénat ? Ils n’en veulent pas ? Parlons-en ! Tous ces leaders de micro-partis qui sont en réalité des anciens suiveurs de Laurent Gbagbo ont-ils oublié que leur mentor avait décidé, sans demander l’avis à personne, et surtout sans prendre la peine de changer la Constitution qui ne le prévoyait pas, de construire un Sénat à Yamoussoukro ? Qu’avaient-ils dit ? Rien. Ils trouvaient tous que le Sénat, même s’il n’était pas prévu par la Constitution, était une excellente chose. Et voici que quand le Président Ouattara reprend la même idée, mais en l’inscrivant cette fois-ci dans la Loi fondamentale, elle devient inutile. Que dire du caractère « anti-démocratique » et « autoritaire » qu’ils accolent au projet de révision ? Rappelons-nous les conditions dans lesquelles la Constitution actuelle fut adoptée en 2000. Le général Guéï, le chef de la junte militaire qui dirigeait alors le pays, entreprit de faire le tour du pays pour demander, lors de meetings, si les populations voulaient le « et » ou le « ou ». C’est-à-dire, si elles voulaient que l’on inscrive dans la Constitution « le candidat à la Présidence doit être Ivoirien de père ET de mère » ou « le candidat à la Présidence doit être Ivoirien de père OU de mère. » Fort de ce qu’il avait entendu lors de ces meetings, il décréta que les populations avaient opté pour le « ET ». Et c’est ce qui fut inscrit dans le projet de Constitution qui fut soumis au référendum. Ce qui était différent de ce qui avait été proposé par la commission chargée d’élaborer le projet de Loi fondamentale qui elle, avait proposé le « OU ». Et c’est ce projet qui fut d’ailleurs publié dans le journal officiel. Personne parmi ces leaders politiques n’ouvrit la bouche pour dénoncer cette forfaiture. Et pour cause ! C’était le parti de Laurent Gbagbo qui manipulait alors le général Guéï. Et aujourd’hui, alors que le Chef de l’état les a rencontrés, eux, partis politiques de l’opposition, ainsi que d’autres couches de la société ivoirienne pour solliciter leurs avis et suggestions afin d’enrichir le texte qui sera soumis à référendum, l’on nous parle d’autoritarisme et d’absence de démocratie.

Que faut-il donc faire pour satisfaire nos chers opposants, surtout les plus insignifiants ? Rien. Si le Président avait dit qu’il ne voulait pas d’un Sénat, ils l’auraient réclamé à cor et à cri. S’il n’avait pas parlé de vice-Présidence, ils nous auraient tous montré les exemples du Nigeria et du Ghana en insistant sur le fait que l’existence de cette institution assure la stabilité du système. La réalité est qu’après la déculottée que cette opposition s’était prise lors de la dernière élection présidentielle, le référendum leur donne l’occasion de se faire voir et entendre à nouveau.  Accordons-leur cela, pendant que les femmes et hommes sérieux de ce pays continuent d’enrichir le débat afin que nous ayons enfin une Constitution qui nous assure la paix et la stabilité.

Venance Konan