Des actes rétrogrades

Venance Konan
Venance Konan
Venance Konan

Des actes rétrogrades

Nous nous sommes amusés à ce jeu pendant pratiquement 20 ans, et tout ce que nous y avons gagné a été la division, la guerre, le retard de notre pays dans sa marche vers le progrès. Nous avions cru qu’avec l’élection présidentielle de 2010, nous fermerions définitivement cette parenthèse honteuse de notre histoire. Notre Constitution autorise tout Président à faire deux mandats. Le Chef de l’État actuel est en train de finir son premier mandat et en brigue un deuxième, tout en précisant que c’est le dernier. D’où vient-il que l’on barricade des rues, incendie des bus, détruise des habitations et tue, pour tenter de l’empêcher de briguer ce second mandat ? Sommes-nous vraiment un peuple d’abrutis qui ne tire absolument aucune leçon de son histoire ? Certains de nos compatriotes sont-ils habités par une telle haine qu’ils en sont arrivés à vouloir détruire leur pays à cause d’un seul homme ? Il n’y a pas longtemps, certains creusaient des trous dans les rues que l’on bitumait pour eux. Qu’espèrent ceux qui manifestent contre la candidature d’Alassane Ouattara ? Attendent-ils de la compréhension de la part de quelqu’un en Côte d’Ivoire, ou de la communauté internationale ? Qu’un diplomate de renommée comme Essy Amara, ancien président de l’Assemblée générale des Nations unies, ancien secrétaire général de l’Organisation de l’Unité africaine (Oua) dise que le Président de la République n’a pas le droit de se présenter à la prochaine élection est pour le moins étonnant. C’est tout ce qu’il a à dire aux Ivoiriens en lieu et place des propositions qu’ils sont en droit d’attendre de lui ; lui qui se targue d’être le plus fidèle disciple d’Houphouët-Boigny ?

Un de mes amis, proche de la mouvance « Gbagbo ou rien », que j’ai interrogé sur les manifestations organisées ces derniers jours, m’a donné cette image : « J’ai été invité à participer à un repas, mais j’ai refusé d’y prendre part parce que je trouve suspectes les conditions de sa préparation. Dès lors, cela m’est égal de savoir si ce repas est bien cuit, s’il y a trop de sel, si l’un des convives mange plus que les autres, si l’un est mieux servi que les autres. Moi, je ne suis plus concerné par ce repas. Nous, les vrais pro-Gbagbo, disons que nous ne sommes pas concernés par votre élection. Cela nous est donc égal de savoir qui est candidat, qui triche, qui ne respecte pas les conditions d’éligibilité. Allez donc chercher les responsables des manifestations et des casses ailleurs. »

Depuis 2011 que M. Ouattara dirige la Côte d’Ivoire, certains partisans de l’ancien régime se sont mis volontairement en marge de l’État, refusant de participer à tous les scrutins, refusant même de voir et d’utiliser tout ce qui est réalisé par cet État pour eux. Tout comme au temps d’Houphouët-Boigny, ils fermaient les yeux lorsqu’ils traversaient Yamoussoukro. Devrais-je croire mon ami lorsqu’il nie toute responsabilité de sa mouvance dans les violences observées ces jours-ci ? Devrais-je plutôt tourner mon regard vers ceux qui, tout en se portant candidats à la présidentielle qu’ils savent perdue d’avance, puisqu’ils n’ont pas été capables de faire la moindre proposition aux Ivoiriens, rêvent en réalité d’une transition qui leur permettrait de participer au pouvoir sans passer par la case élection ? En tout état de cause, il est temps dans ce pays que chacun assume ses responsabilités. Nous voulons tous vivre en paix, et personne n’a envie de revivre ce que nous avons vécu en 2010-2011. Les Ivoiriens doivent demander des comptes à ceux qui veulent les plonger à nouveau dans l’horreur. Ils doivent demander des comptes à ceux qui ont commis les actes de vandalisme et ceux qui les y ont incités. Et ceux qui ont appelé à ces manifestations doivent eux aussi être prêts à assumer leurs responsabilités.

Venance Konan