De la question de notre développement

Venance Konan
Venance Konan
Venance Konan

De la question de notre développement

Et cet argument n’est pas totalement faux, parce que nous avons effectivement connu sur notre continent de véritables dictatures ubuesques ou sanguinaires qui n’avaient aucune idée de ce que pouvait signifier le développement d’un pays. Mais peu importe. à quelques exceptions près, tous nos régimes sont considérés par l’extérieur  et par nous-mêmes comme dictatoriaux et/ou corrompus. D’un pays à un autre, tout n’est que question de nuances ou de degré. Mais le regard que nous portons dépend du côté où nous nous trouvons. En Côte d’Ivoire, par exemple, il est évident que l’appréciation que nous avons des régimes de Félix Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié, Robert Guéï, Laurent Gbagbo ou Alassane Ouattara dépend fortement de notre appartenance ou non au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci), à l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire, (Udpci), au Front populaire ivoirien (Fpi) ou au Rassemblement des républicains (Rdr). à défaut d’avoir une chapelle politique, nos origines ethniques ou même religieuses sont aussi susceptibles d’influencer grandement nos perceptions  des œuvres de ces hommes. Globalement, nos opinions sont que, si rien ne va pour nous dans nos pays, c’est d’abord la faute à nos gouvernants et, ensuite, à l’Occident, pour l’esclavage, la colonisation, la néo-colonisation ou la françafrique, etc.

Mais là n’est pas mon propos. Pour nous, les responsables de notre non-développement sont toujours des personnes étrangères. Et nous, le peuple, n’avons aucune responsabilité dans tout ce qui nous arrive. C’est cela le problème. Prenons n’importe quel quartier d’Abidjan ou d’une tout autre grande ou petite ville de notre pays. On y rencontrera toujours des rues défoncées, impraticables, des caniveaux bouchés, charriant des eaux nauséabondes où nichent les moustiques et mouches. Et il suffira juste d’une pluie, un peu forte, pour que  cette rue ou ce quartier soit totalement impraticable. Si vous interrogez les habitants, ils vous répondront tous en chœur : « L’état ne fait rien pour nous. » Or, il aurait suffi que les résidants de ce quartier ou les riverains de cette rue impraticable acceptent de sacrifier un week-end, retroussent leurs manches, prennent leurs pioches et houes, pour la redresser ou la remblayer, déboucher le caniveau nauséabond, détruire tous les nids de moustiques. Qui le fait ? Personne. Or, le développement, c’est simplement cela : vivre dans des conditions décentes. Il est possible de nous offrir ce cadre de vie, sans rien attendre de l’état, ni de la mairie, ni de personne. Que voyons-nous sur nos routes ? Des jeunes gens qui passent leurs journées à faire semblant de boucher un trou dans la chaussée qu’ils ont souvent creusé eux-mêmes, pour mendier quelques pièces d’argent pour ‘’boire de l’eau’’. Et il n’y a personne pour leur dire qu’ils seraient plus utiles à leur communauté en bouchant les trous des rues de leur village, en nettoyant les caniveaux. Autant d’énergie gaspillée, alors qu’elle aurait pu être utilisée intelligemment.

Je ne parlerai pas ici de la corruption dont nous sommes tous victimes, auteurs, acteurs ou complices. L’un des problèmes de notre sous-développement, c’est notre passivité et notre propension à vouloir tout attendre des autres. Il y a tant de choses que nous pourrions faire nous-mêmes, mais nous attendons toujours que ce soit quelqu’un d’autre qui vienne le faire, qu’il s’appelle état, mairie, cadre du village, député, Ong occidentale ou bailleurs de fonds internationaux. Pour construire des latrines dans nos villages ou couvrir le toit d’une école, on ira voir le député ou le cadre du village, pour qu’il use de ses relations afin de sensibiliser une Ong occidentale ou le Fonds monétaire international (Fmi). Le mot volontariat n’a pas de traduction dans nos langues. Nous apprécions hautement que de jeunes Européens, Américains, Japonais ou Coréens laissent tout tomber chez eux pour venir construire des puits ou des WC dans nos villages, mais jamais l’idée ne nous viendra de faire de même, pour nous - mêmes. En mettant, par exemple, à profit les vacances scolaires ou universitaires. Je sais que quelqu’un, quelque part, me rétorquera que c’est à l’état ou aux mairies de mobiliser les énergies pour ce volontariat. Chaque volontaire exigera évidemment d’être payé. Ce que personne ne fera. Et nous retournerons passer nos journées à boire dans les bars de nos villages, en pestant contre ces Blancs et ces gouvernants qui ne font rien pour notre développement.