Construire des ponts

Venance Konan
Venance Konan
Venance Konan

Construire des ponts

J’ai eu le grand plaisir de trouver, assis à la même table, devisant tranquillement et joyeusement, MM. Paul Akoto Yao, Laurent Dona-Fologo, Marcel Gossio, Sidiki Konaté et Alphonse Voho Sahi. Pour ce qui est de leurs appartenances politiques, le premier est issu du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci-Rda); le deuxième, du Rassemblement pour le progrès, la paix et le partage (Rpp); le troisième et le dernier, du Front populaire ivoirien (Fpi) et le quatrième, de ce que l’on a appelé les Forces nouvelles (Fn). Lorsque l’on sait ce qu’a été la crise dite post-électorale, le départ en exil pour certains de nos compatriotes, dont MM. Marcel Gossio et Voho Sahi, les retrouver à la même table fut une belle image pleine de sens. Dans son allocution, M. Zié Daouda Coulibaly a rappelé qu’à tour de rôle, chacun des leaders et les partisans des principaux partis que sont le Pdci-Rda, le Rassemblement des républicains (Rdr), l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (Udpci), le Fpi ont connu la déchéance, l’exil, la souffrance. S’agit-il là d’une fatalité à laquelle nous serions condamnés et dont nous ne pourrions plus nous extraire ? Nous ne le pensons pas. Dans son discours, au nom des récipiendaires du prix « Attouu de la réconciliation », M. Marcel Gossio, ancien directeur général du Port autonome d’Abidjan sous le régime de Laurent Gbagbo, a abondamment cité l’Ecclésiaste  qui disait : « Il y a un temps pour tout, un temps pour toute chose sous les cieux ; un temps pour naître et un temps pour mourir ; un temps pour planter et un temps pour arracher ce qui a été planté… Un temps pour aimer et un temps pour haïr, un temps pour la guerre et un temps pour la paix… » Ajoutons, pour paraphraser Isaac Newton qu’a cité le Chef de l’état lors de l’inauguration du pont Henri Konan Bédié, « Il y a un temps pour construire des murs, il y a un temps pour les abattre et les remplacer par des ponts. »

Pendant longtemps, nous avons construit des murs entre nous Ivoiriens, entre Ivoiriens et autres Africains, entre partis politiques, entre militants de partis politiques, entre ethnies, entre religions. Il est temps d’abattre ces murs et de construire à leur place des ponts qui nous permettent d’aller les uns vers les autres. En mettant fin à leur exil pour rentrer au pays, en participant de façon active à la réconciliation nationale, des personnalités telles que Marcel Gossio, ainsi que tous leurs compagnons, contribuent, à leur manière, à la construction des nouveaux ponts vers la paix, vers l’émergence de notre pays qui n’est rien d’autre qu’un meilleur niveau de vie pour nos populations. Hier, mardi 16 décembre, le Chef de l’État a inauguré le pont Henri Konan Bédié qui relie désormais la Riviera à Marcory. Bédié ne serait-il pas le pont qui relie le Rdr au Pdci, le passé au futur, le stade de l’animosité à celui de la fraternité, l’état de division à celui de l’union ? N’est-ce pas un pont qu’il a bâti en lançant son fameux Appel de Daoukro ? Bédié a proposé que le Pdci-Rda, membre de la coalition qui dirige le pays, donne un second mandat à celui qui, de façon évidente, fait un excellent travail. Il a aussi souhaité que le Pdci-Rda et le Rdr, qui formaient le même parti par le passé, retrouvent leur unité perdue. Peut-on se proclamer membre du Pdci-Rda et refuser de répondre à un tel appel ? La logique voudrait que le militant du vieux parti qui rejette l’Appel de Daoukro et veut se porter candidat à la présidentielle contre Alassane Ouattara démissionne du Pdci-Rda. Parce que ce parti n’ayant, à aucun moment, contesté ou émis des réserves sur le bilan du Président Ouattara et ayant toujours affiché sa foi en l’union de tous les Ivoiriens, on ne peut en être membre tout en se présentant contre M. Ouattara et en refusant l’union avec le Rdr.

 De nombreux autres ponts sont en cours de construction ou en projet dans ce pays. Il y a ceux de Jacqueville, de Bouaflé, les deux prochains ponts d’Abidjan annoncés par le Chef de l’état, etc. Au-delà de ces ponts faits de béton et d’acier, il y a ceux que nous devons bâtir dans nos cœurs, pour tendre franchement et sincèrement la main à nos voisins, à ceux que nous considérions comme des ennemis et qui ne sont que des frères. Et gardons à l’esprit ces paroles de l’Ecclésiaste : « Deux valent mieux qu’un, parce qu’ils retirent un bon salaire de leur travail. Car, s’ils tombent, l’un relève son compagnon ; mais malheur à celui qui est seul et qui tombe, sans avoir un second pour le relever ! »

 

Venance Konan