Chapeau !

Chapeau !

Nous avons accueilli pendant deux jours 83 chefs d’Etats ou de gouvernement d’Afrique et d’Europe, le Secrétaire général des Nations-Unies, les présidents des Commissions de l’Union africaine et de l’Union européenne et les milliers de personnes qui les accompagnaient. Nous avions, à raison, douté de notre propre capacité à organiser un tel évènement avec succès. Aussi, avions nous commencé par railler tout ce qui était fait pour sa réussite.

Les bâtiments que l’on repeignait, les routes que l’on revêtait, les mesures de sécurité, tout était l’objet de nos moqueries sur les réseaux sociaux, nos nouveaux exutoires. Mais finalement, les monstrueux embouteillages que nous craignions tous n’ont pas eu lieu ; les attentats ou tentatives d’attentat que nous redoutions non plus, et tous nos hôtes sont repartis sains et saufs, et satisfaits. Et pour une fois, les habituels contempteurs du pouvoir ont dû reconnaître, encore une fois, qu’il a réussi son pari.

Oui, nous avons réussi à organiser cet important sommet, tout comme il y a quelques mois, nous avions aussi réussi l’organisation des VIIIe Jeux de la Francophonie. Là aussi, nous avions douté, en nous raillant de toutes les initiatives des organisateurs, et guetté le moindre faux pas. Les sarcasmes n’ont pas manqué non plus lorsque nous avons enfin construit le barrage hydroélectrique de Soubré qui était attendu depuis des décennies. « Pourquoi ne l’avions-nous pas construit plus grand que ceux du Ghana, de la RDC ou de l’Egypte ? », s’étaient indignés certains Ivoiriens bien-pensants.

Tout cela traduit notre manque de confiance en nous-mêmes. Et cela, nous l’avons probablement hérité des dix années noires que nous avions passées avant l’avènement de ce pouvoir. A cette époque, rien de ce qui était initié ne s’achevait véritablement. On se souvient par exemple que le troisième pont sur la lagune Ebrié avait été jeté aux oubliettes pour être remplacé par un quatrième qui devait voir le jour avant le troisième, et en fin de compte, rien de tout cela n’a vu le jour.

On avait aussi entrepris de construire le pont de Jacqueville sans le terminer, de même que l’autoroute du nord. Nous étions pratiquement bannis de la communauté internationale ; notre dernier ami était Yayah Jammeh ; nous broyions véritablement du noir et avions perdu toute foi en nous. Beaucoup de choses étaient annoncées pour faire effet mais les gens n’y croyaient plus.

Les choses ont depuis lors changé, mais nous ne nous en rendons pas encore compte. Tous les projets initiés ont été achevés, et de nouvelles infrastructures sont venues s’ajouter aux anciennes. Le monde entier nous a renouvelé sa confiance, mais nous avons encore du mal à croire en nous-mêmes. Cette confiance de la communauté internationale vient de se matérialiser à travers notre éligibilité au « Millenium Challenge Corporation » (MCC), qui nous vaut de bénéficier d’un don de trois cent quinze milliards de francs Cfa du gouvernement américain.

Rappelons que pour être éligible au MCC, il faut remplir certaines conditions, parmi lesquelles figurent l’application des principes de bonne gouvernance, l’amélioration du climat des affaires et un engagement à réaliser des investissements importants dans le domaine du social. Cette confiance de la communauté internationale, c’est aussi le prêt obtenu pour commencer, enfin, ce métro d’Abidjan dont on parle aussi depuis des décennies, comme ce fut le cas du barrage de Soubré. Là aussi, nous avons déjà commencé à gloser sur son coût, à le comparer à d’autres métros, sans savoir comment il est calculé, comment l’on construit un métro, et parfois même sans savoir ce qu’est un métro.

Chers compatriotes, aimons-nous de temps en temps, persuadons-nous que nous sommes capables de réaliser de grandes choses, et aimons notre pays aussi de temps en temps. Félicitons-nous lorsque nous réussissons de grandes choses. Tirons notre chapeau à notre gouvernement qui vient de nous honorer à travers la réussite de ce sommet.

Avec la parfaite organisation des Jeux de la Francophonie, le nom de notre pays commence désormais à être associé à ce qui est bien fait. Et ce n’est pas rien. Il y a quelques années, le nom Côte d’Ivoire faisait automatiquement penser à rébellion, escadrons de la mort, xénophobie, roublardise politique, guerre…Si nous voulons toujours avoir le regard rivé sur ce qui ne va pas, nous ne verrons jamais tout ce qui a été fait et ne croirons jamais en nous-mêmes.

En un peu plus de six ans, beaucoup de choses ont été réalisées dans notre pays. Si nous ouvrons simplement les yeux, nous les verrons. La construction d’un pays n’est jamais chose achevée et les Etats les plus développés ont toujours leurs pauvres à satisfaire, leurs zones déshéritées à aménager. N’oublions pas que si nous aspirons à l’émergence, nous n’y sommes pas encore parvenus. Mais en ayant foi en nous, en notre capacité à nous surpasser, en aimant simplement notre pays, nous atteindrons notre objectif plus tôt que prévu.

Venance Konan