Avancer ou reculer

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Avancer ou reculer

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Cet Ivoirien ne peut naître que dans une Côte d’Ivoire nouvelle, une Côte d’Ivoire qui avance dans le sens de l’histoire du monde, et non à contre-courant, une Côte d’Ivoire qui adapte ses institutions à ses ambitions.

Affi Nguessan et ses camarades de l’opposition, accompagnés d’une certaine société civile, font feu de tout bois pour empêcher l’adoption de cette nouvelle Constitution. Ce qui est à remarquer, c’est qu’ils ne s’opposent pas à des dispositions particulières, mais au principe même d’une nouvelle Loi fondamentale. Ils ont donc invoqué l’opportunité politique, le moment choisi, le fait que l’on mette en place un comité d’experts et non pas une Assemblée constituante, le fait qu’il reste encore de nombreux problèmes à régler tels que la réconciliation, la corruption, la pauvreté, la pluie, la fraicheur des soirs… La vérité qui se cache derrière tous les ‘’arguments’’ qu’ils ont invoqués pour justifier leur refus d’une nouvelle Constitution est celle qu’a dévoilée Kinimo Kanga Man Jusu, ancien journaliste à Fraternité Matin, dans le texte qu’il a publié dans Notre Voie des 3 et 4 septembre dernier, à savoir : « fortement attachée à son « ET », la majorité des Ivoiriens n’est pas prête à céder d’un iota sur l’article 35 de la Constitution actuelle… Une victoire du « OU » sur le « ET » à l’heure actuelle reviendrait sûrement à réveiller les vieux démons qui, comme les « crocodiles de Yamoussoukro » (pour paraphraser Félix Houphouët-Boigny) dorment les yeux ouverts » ! »

« C’est ça qui est la vérité ! » Comme dirait Blé Goudé. Affi Nguessan et ses camarades ne veulent pas que l’on touche au « Et », c’est-à-dire cet article de notre Constitution qui réserve le poste de Président aux Ivoiriens nés de père et de mère eux- mêmes Ivoiriens. Il faut se remémorer que la Constitution de 2000, celle que nous voulons changer aujourd’hui, et surtout ce fameux « ET », avaient été largement inspirés par les membres du Front populaire ivoirien (Fpi) qui entouraient alors le général Guéï. Et nous avons voté cette Constitution, dans ce climat passionné qu’était celui de la transition militaire de 2000. Est-il besoin de rappeler le caractère nocif de cette disposition ? La guerre que nous avons connue et dont nous continuons de panser les plaies ne nous suffit-elle pas pour comprendre que nous devons changer de texte ? A l’époque nous croyions peut-être barrer la voie à un individu. Nous n’avions pas compris que nous étions en train de fracasser notre pays en deux, parce que nous n’avions pas pris en compte notre histoire et les aspirations de nos enfants. Nous croyions que nous vivions encore dans nos villages où notre horizon était limité par les forêts, où se rendre dans le village voisin équivalait à aller à l’étranger, alors que nous vivons dans un pays ouvert sur le monde, où l’horizon n’a plus de limite. L’histoire a un sens. Et gare à quiconque va contre ce sens. En 1944, le général de Gaulle écartait toute idée d’une autodétermination des pays africains que la France colonisait. Seize ans plus tard, ils étaient tous indépendants, avec la bénédiction du même de Gaulle. Il avait compris à temps le sens de l’histoire. De même, il y a soixante ans, aux Etats-Unis, un Noir ne pouvait pas s’asseoir sur le même banc qu’un Blanc, ni même lui serrer la main. Aujourd’hui c’est un Noir, dont le père est Kényan, qui dirige ce pays. En Afrique du Sud, c’était il y a moins de 25 ans, qu’un Noir n’aurait même pas osé rêver habiter le même quartier qu’un  Blanc ou un Indien, ou un Métis. Nous savons tous comment ce pays a évolué. Celui qui ne sait pas lire le sens de l’histoire se condamne à vivre en marge de celle-ci.

Affi et ses camarades ont le droit de vivre en marge de l’histoire, dans leur village mental bordé par leurs forêts ancestrales. Mais ils n’ont pas celui de vouloir condamner les jeunes Ivoiriens à les y suivre. Les Ivoiriens, surtout les jeunes, qui sont au diapason des jeunes du monde entier  veulent vivre dans un pays ouvert sur ce monde de plus en plus intégré, de plus en plus métissé, de plus en plus interconnecté.

Dans quelques semaines nous aurons à choisir d’adopter la nouvelle Constitution ou de la rejeter. Le choix qui nous est proposé est celui d’une Côte d’Ivoire qui veut à nouveau se replier sur elle-même en rejetant une partie de ses enfants, ou d’une Côte d’Ivoire qui veut avancer sans complexe dans la modernité.

Venance Konan