Après les législatives

Après les législatives

Elles nous diront certainement que le seul poste qu’elles méritent est celui de Président de la République. Et c’est pourquoi elles ne consentent à participer qu’à la seule élection présidentielle. Mais lorsque l’on voit la pantalonnade qu’a été leur participation à la dernière présidentielle, et devant leur incapacité à faire représenter leurs partis politiques au Parlement, notre démocratie gagnerait certainement à les empêcher de parler à jamais sur la place publique des problèmes de notre pays. Un jour où nous parlions de ces personnalités-là, quelqu’un nous a demandé: «Mais dans quelle circonscription voulez-vous donc qu’elles aillent se présenter avec une once de chance de gagner?» Bonne question, dirions-nous. Et ajoutons qu’elles ont eu le ‘’flair’’ de comprendre qu’elles n’avaient aucune chance de gagner un poste de député.

Ce ne fut pas le cas de certains que l’on considérait comme des grosses pointures dans leurs circonscriptions et qui se sont cassé la figure dans les urnes, parfois devant des « indépendants » qu’ils méprisaient. Mais au-delà de ces cas emblématiques et du message que leurs échecs envoient à nos leaders politiques, l’attention devrait, à notre avis, être portée sur le taux de participation et la percée des «indépendants».

D’abord le taux de participation. Il est de 34,10% en moyenne sur l’ensemble du territoire. Dans aucune commune d’Abidjan, l’on a atteint les 20%. À Bouaké, il est de 16,99% ; à Abobo, 14,71 ; Adjamé, 15,72. C’est à Anyama et Bingerville, proches banlieues d’Abidjan, que nous avons eu des taux de 29,05 et 23,28%. À notre avis, cela signifie que les populations commencent à être indifférentes au discours et actes des politiques. Elles se sentent de moins en moins concernées par ce qu’ils font. Soit parce que ces populations estiment que les politiques ne s’intéressent pas à leurs vrais problèmes, soit parce que les messagers ne sont plus ceux que ces populations écoutent. Et c’est ce qui explique la percée des « indépendants ».

Ils sont 75 à avoir été élus. Les deux sont liés. Soit on ne se déplace pas pour aller voter, parce que l’on est devenu indifférent à la politique, soit on va voter, mais pour sanctionner les personnes choisies par les appareils politiques des principaux partis. Souvent, c’est l’équation personnelle de certains candidats qui est en jeu, mais parfois, l’on cherche à envoyer un message au chef. Le message peut se décrypter comme un mécontentement de la politique menée, ou une volonté de voir d’autres têtes, parce que l’on est fatigué de celles que l’on a en face de soi, ou les deux.

Faut-il alors renouveler la classe politique? Sans doute! Et c’est ce que le peuple vient de faire au niveau de l’Assemblée nationale. Il reste les autres instances de décision et de pouvoir. Du sang neuf dans l’appareil permet de donner un nouvel élan. Mais il faut se garder de changer pour seulement changer. Si une telle décision devrait être prise, il faudrait que le peuple ait, bien entendu, le sentiment qu’il a été entendu. Ce qui implique qu’il faille bien l’écouter pour savoir qui faire partir, mais surtout qu’il sente que l’on a nommé des personnes compétentes, qui ne tomberaient pas dans les travers reproché à certains, notamment leur distance par rapport à la population. D’où la nécessité de faire un bon casting. Personne ne saurait, de bonne foi, nier l’immense travail abattu en peu de temps par le Président Ouattara pour reconstruire notre pays. Mais si les préoccupations quotidiennes sont trop importantes pour certaines parties de la population, ce sont elles qui prennent le pas sur tout le reste.

Pour prendre une image, disons qu’un homme affamé qui marche sur une belle route ne remarquera même pas celle-ci. Son cerveau restera concentré sur sa faim. Il ne nous faut, cependant, pas oublier ce qu’est notre pays, c’est-à-dire un pays qui cherche à émerger, qui n’est pas encore industrialisé ; où le taux d’alphabétisation est encore faible, et celui de la pauvreté encore très fort. Le changement auquel nous aspirons ne se fera jamais du jour au lendemain. Il faut donner du temps au temps, mais ce temps se raccourcira en fonction du classement de nos priorités, de notre ardeur au travail et de l’éthique que nous mettrons dans nos actions. Et ceux ou celles qui doivent le mieux promouvoir cette éthique sont nos élus et ceux qui, demain, seront investis de missions importantes au niveau de l’État.

Venance Konan