Ainsi soit-il ?

Félix Houphouët-Boigny, le Père-fondateur de la Côte d'Ivoire moderne.
Félix Houphouët-Boigny, le Père-fondateur de la Côte d'Ivoire moderne.
Fu00e9lix Houphouu00ebt-Boigny, le Pu00e8re-fondateur de la Cu00f4te d'Ivoire moderne.

Ainsi soit-il ?

Puis, il y eut le coup d’État, à la suite duquel son parti perdit son ouest montagneux. Et le temps passa, avec ses aléas et beaucoup de bruits et de fureurs. Les ennemis d’hier finirent par se rapprocher, enterrer la hache de guerre et fumer le calumet de la paix. Mieux, notre homme fit de celui qu’il avait rejeté la pierre angulaire sur laquelle le temple se mit à se reconstruire.

Tout le monde le loua et il entra à nouveau dans l’histoire dont il avait été éjecté à la fois par sa politique qualifiée de discriminante et par le méchant et bête coup d’État. Il devint un vénérable maître en politique que le prince qui l’avait placé sur le plus haut piédestal se plut à consulter à tout propos. Il partagea même son pouvoir avec lui et les siens, lui laissant la vice-suzeraineté et plusieurs grands fiefs. On en créa même un pour l’un des siens.

Plus tard, il lança l’idée de la réunification de tous les enfants du père fondateur qui s’étaient éparpillés au gré de l’évolution chaotique du pays, mais aussi des ambitions politiques des uns et des autres. Tout le monde fut comblé d’aise. Et l’on s’écria : « Il veut réunir ce qui est épars avant de sortir définitivement de la scène politique. Il veut réparer ce qu’il avait contribué à gâter avant de partir. Quelle grandeur ! Quelle grande leçon donne-t-il au monde ! » « Oui, dit-il, je réunis ce qui est épars, mais à la condition que je sois d’abord calife à la place du calife. »

  • Qu’à cela ne tienne, lui répondit-on. Et si nous nous mettions ensemble pour choisir le meilleur d’entre nous dans une compétition loyale ?
  • Que nenni ! Je veux que tout le monde se mette à ma disposition afin que je gouverne à mon tour, avant que je ne réunisse ce qui est épars.

Ainsi soit-il !

A-t-on jamais vu un parti s’écarter volontairement du pouvoir pour faire la place à un autre, fut-il un allié ? Peu importe ! Il y eut une parole donnée, dit-on. Où ? Quand ? Pas d’importance. Que ce qui fut dit soit fait ! Au fait, que nous propose-t-il devant les innombrables défis auxquels doivent faire face ce peuple et ce pays ? Cela n’a aucune importance. Connaît-il d’ailleurs encore ce peuple composé de gamins qui, eux, le connaissent à peine ? N’est-il pas fatigué, dépassé ? Peu importe, vous dis-je ! Êtes-vous sourd ? Et puis, qui vous a dit qu’il s’agit de lui-même ? Bonne question. Qui donc alors ? N’a-t-il donc pas préparé un héritier ? Vous en voyez un ? Euh… Et le vice-suzerain ?

On le crédite pourtant d’une grande compétence, d’une solide expérience, d’une grande force de travail, et d’une très bonne réputation. Passez votre chemin. Il n’est pas un bon militant. C’est ce qui compte le plus dans le parti et pour le pays. N’a-t-il d’ailleurs pas été proprement hué ? Et le charmant petit jeune un peu joufflu là ? Trop tendre. Laissez-le continuer de rêver. Le neveu alors? Arrêtons de rêver. Mais pour qui donc se bat-il alors ? Encore une bonne question. S’est-il un jour battu pour quelqu’un d’autre que lui-même ? Encore une autre bonne question ! Sans réponse pour le moment.

Ainsi soit-il ! Ainsi soit-il ?

Aujourd’hui, le divorce entre son parti et son principal allié semble consommé. Pire, son parti est menacé d’un autre schisme. Il y est habitué. Habitué à se réduire comme peau de chagrin. Non, il n’aura pas réussi à l’agrandir, ni à reconstituer l’héritage dilapidé du père. Le voulait-il ? Autre bonne question.

Ainsi soit-il !

Une nouvelle aventure politique va commencer. Le gouvernement a été dissous et une nouvelle équipe va se former. Avec, d’un côté, ceux qui veulent d’un parti unifié qui contiendra dans son nom celui du père fondateur, pour lui rendre hommage. Et, peut-être, perpétuer son œuvre de consolidation de la nation et de progrès social dans la paix ? On verra. Et de l’autre côté, on aura les autres qui ne veulent pas de ce parti unifié et qui, de facto, se retrouveront dans l’opposition, aux côtés du Front populaire ivoirien (Fpi) de Laurent Gbagbo.

Sacrée politique ivoirienne qui nous en aura fait voir de toutes les couleurs. Après ce long compagnonnage de plus de dix ans avec Ouattara, voici Bédié avec Gbagbo. Chacun termine sa carrière politique comme il peut. Mais, de grâce, que l’on n’ouvre pas de nouveau la boîte de Pandore que l’on croyait à jamais refermée.

Venance Konan