Afrique consciente

Afrique consciente

L’objectif était de faire comprendre aux Africains, ou à tout le moins à ceux qui participaient à ces universités ouvertes, que nous avons la capacité de changer, par nous-mêmes, notre destin et de sortir du catastrophisme dans lequel nous baignons depuis tant d’années.

Le message très clair était qu’il n’y a pas de fatalité africaine, mais que nous avons été conditionnés par des siècles d’esclavage, de colonialisme et de néocolonialisme à ne plus croire en nous, et à penser que notre destin est celui que nous ont tracé ceux qui nous ont mis dans cette situation. Ce samedi-là, un millier de personnes ont payé le ticket pour assister, dans cette salle prestigieuse, à un évènement qui n’était pas un concert de musique ou le prêche d’un évangéliste.

Pendant toute une journée, il y a eu des messages forts, des témoignages, des débats, des partages d’expérience. Des personnes ont démontré que tous seuls, elles ont pu changer des choses au niveau de la santé, de l’éducation, de la lutte contre l’insalubrité. Que dire après cette journée ? J’ai eu le sentiment d’avoir assisté à un début, ou peut-être à la manifestation d’une prise de conscience chez une certaine partie de notre population.

Oui, bon nombre de participants à cette journée sont venus parce qu’ils avaient déjà pris conscience, et d’autres ont compris ce jour-là que les choses pouvaient être différentes. Prise de conscience de quoi ? Que les choses ne pouvaient plus rester en l’état, que l’histoire de l’humanité ne pouvait plus continuer à s’écrire sans les Africains, que ces derniers ne devaient plus se contenter de demeurer d’éternels mendiants en laissant aux autres le soin de faire face aux défis que doit affronter notre humanité.

« Oui, nous pouvons », ont scandé les participants. Oui, chacun de nous peut faire bouger les lignes, à condition de le vouloir, et de croire en soi. Il a été question de l’histoire méconnue de l’Afrique, et aussi des inerties qui retardent le continent et des moyens de les éliminer. Il a beaucoup été question d’éducation, entre autres solutions.

L’Afrique aujourd’hui, c’est plus d’un milliard de personnes majoritairement jeunes, entreprenantes, dynamiques, pleines de fougue. L’Afrique, c’est aussi le continent des matières premières les plus recherchées, des dernières terres arables. Cette Afrique peut-elle rester éternellement cette terre de misère, cette terre que ses enfants les plus vaillants cherchent à fuir au péril de leur vie ?

« Afrique, mon Afrique, Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales, Afrique que chante ma grand-mère au bord de son fleuve lointain. Je ne t’ai jamais connue mais mon regard est plein de ton sang, ton beau sang noir à travers les champs répandu. Le sang de ta sueur, la sueur de ton travail, le travail de l’esclavage, l’esclavage de tes enfants. Afrique, dis-moi Afrique. Est-ce donc toi ce dos qui se courbe et se couche sous le poids de l’humilité, ce dos tremblant à zébrures rouges qui dit oui au fouet sur les routes de midi ? Alors gravement une voix me répondit. Fils impétueux, cet arbre robuste et jeune, cet arbre là-bas splendidement seul au milieu des fleurs blanches et fanées, c’est l’Afrique, ton Afrique qui repousse, qui repousse patiemment obstinément et dont les fruits ont peu à peu l’amère saveur de la liberté.»

Ce poème de David Diop (1927-1960) que nous apprenions par cœur lorsque nous étions au collège a résonné dans le Palais des Congrès, récité par le millier de personnes présentes dont les plus âgées se rappelaient encore tous les mots.

Les Africains doivent comprendre que les autres peuples ne les tiendront pas éternellement par la main comme on le ferait avec un enfant. Oui, les défis qui attendent l’humanité seront tels qu’il arrivera un moment où chacun pensera d’abord à lui-même.

Or l’Afrique a tous les atouts pour contribuer à affronter, avec les autres peuples, tous les défis qui l’attendent et qui ont pour noms, entre autres, réchauffement climatique, environnement de plus en plus malsain, raréfaction des surfaces cultivables, surpopulation.

L’Afrique doit cesser d’attendre que d’autres viennent lui donner la becquée comme un oiseau le fait à ses oisillons. Les Africains doivent désormais se comporter en responsables et apprendre à se tenir debout. Seuls.

Venance Konan