À Monsieur Macron, notre nouveau Président bien-aimé

À Monsieur Macron, notre nouveau Président bien-aimé

Vous avez dû remarquer que  dimanche il y avait beaucoup de Noirs parmi les personnes qui saluaient votre victoire. Il y avait parmi eux de nombreux Gondwanais qui fêtaient le fait d’avoir échappé à l’expulsion que leur avait promise Mme Marine Le Pen. Un grand nombre de nos compatriotes qui vivent chez vous n’ont pas de papiers, ou en ont mais qui sont un peu ou très faux.

Nous ne nous faisons pas trop d’illusions, mais nous espérons qu’avec vous il y aura moins de contrôles policiers au faciès et que les expulsions ne seront pas massives. Mais même si vous nous expulsez, nous continuerons de venir chez vous. D’abord parce que c’est vous qui nous avez colonisés, ensuite parce que nos parents et grands-parents ont versé leur sang pour sauver votre pays, ce qui fait que nous le considérons aussi comme le nôtre, mais surtout parce que ce n’est franchement pas joyeux chez nous.

Non seulement on trouve difficilement du travail dans la plupart de nos pays, dont certains sont en guerre, mais en plus les droits de l’homme y sont rarement respectés et la démocratie y est vraiment un vain mot. C’est pour cela d’ailleurs que nos opposants manifestent beaucoup plus dans votre capitale que dans les leurs. Ils y courent moins de risques de se faire tabasser ou embastiller.

Vous avez annoncé que vous viendrez bientôt chez nous. Normal, puisque vous nous gouvernez aussi. Mais avant de venir, prenez le soin de prononcer cette phrase qui nous ravit toujours : « Moi, j’aime l’Afrique et les Africains. » Tous vos prédécesseurs l’ont prononcée et nous leur avons pardonné les charters qui ramènent nos parents expulsés, les monopoles que détiennent vos entreprises, les refus de visa et tout le reste.

Nous adorons que les autres nous aiment. Ou plutôt, qu’ils disent qu’ils nous aiment. Mais lorsque vous viendrez ici, ne dites surtout pas que nous ne sommes pas entrés dans l’histoire, que ceux des nôtres qui vivent chez vous devraient rentrer pour développer leurs pays, qu’ils ont des odeurs, font trop de bruits ou que nous devrions être un peu moins corrompus ou des choses de ce genre. Nous sommes des gens très susceptibles.

Dites plutôt que l’Afrique est le continent de l’avenir, qu’elle a une jeunesse très dynamique et créative, qu’elle a la plus forte croissance de la planète, qu’elle étonnera bientôt le reste du monde, que vous voulez développer avec nous un partenariat gagnant-gagnant, dans le respect mutuel, que vous vous ferez l’avocat de l’Afrique dans tous les forums internationaux, qu’avec vous, la Françafrique est bel et bien morte, et patati et patata. Ça ne mange pas de pain, ça n’engage à rien, et ça nous fait plaisir.

Vous verrez comment vous serez applaudi. Surtout quand vous annoncerez la mort de la Françafrique. Certains de nos chefs et des gens de votre entourage qui savent ce que votre pays gagne en laissant les choses en l’état ricaneront bien sûr. Mais le grand et naïf public ne remarquera rien et vous applaudira à tout rompre. N’oubliez pas de venir avec quelques cadeaux sous forme d’annulations de dettes et de nouveaux prêts pour remplacer les dettes que vous aurez annulées.

Vous verrez que bientôt nous vous appellerons « Macron l’Africain. » En retour, nous vous ferons chef traditionnel, nous vous habillerons d’une belle tenue traditionnelle et vous remettrons une queue de bœuf ou d’éléphant que vous vous dépêcherez de jeter à la poubelle une fois rentré à Paris.

Il faudra aussi réfléchir sur le choix du premier pays africain que vous visiterez. Certains sont considérés comme des pestiférés parce qu’ils exagèrent un peu dans le non- respect des droits de l’homme. On tolère des pays africains qu’ils piétinent les droits de l’homme, puisque cela fait partie de leurs coutumes, mais il y a une limite qu’il faut connaître et ne pas franchir. Or, certains dirigeants que l’on trouve beaucoup plus au centre du Gondwana ont franchi cette limite.

Vous pourrez les recevoir à l’Élysée, puisque vos matières premières se trouvent chez eux, mais essayez, autant que possible, de ne pas y mettre les pieds. En tout cas pas trop rapidement. Sauf si vous avez des soldats dans un de ces pays. Ce ne sont pas les Gondwanais qui se plaindront, mais vos intellectuels. Votre opinion publique, elle, se moque royalement de ce qui se passe en Afrique mais certains de vos intellectuels y sont quand même sensibles et certains en ont même fait leur fonds de commerce.

Vous direz que vous êtes allé rendre visite à vos troupes et que, comme vous êtes poli, vous avez dit bonjour au chef de ce pays. Vous saluerez aussi les opposants, ils en seront très ravis, et votre opposition ainsi que vos intellectuels en France ne vous embêteront pas trop. Vous avez dit une fois qu’en Afrique, vous préférez la stabilité aux désordres.

Nos chefs ont beaucoup apprécié. C’est pour cela que les félicitations qu’ils vous ont adressées étaient sincères. Mais nos jeunesses estiment que trop de stabilité tue souvent la démocratie. Et comme elles sont impertinentes, elles ont écrit sur les réseaux sociaux que vous n’aviez que deux ans lorsque certains de nos chefs ont accédé au pouvoir.

Je ne sais pas trop ce que vous ferez lorsque ces jeunesses, fatiguées de leurs galères et de leurs éternels Présidents descendront dans les rues. Mais c’est là une autre histoire dont nous aurons le temps de parler.


Venance Konan

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