Tharman Shanmugaratnam (ministre d’Etat de Singapour) : « Voici les cinq orientations stratégiques pour transformer l’Afrique »

Tharman Shanmugaratnam (ministre d’Etat de Singapour) : « Voici les cinq orientations stratégiques pour transformer l’Afrique »

Après Garcia Graça Machel et Leymah Roberta Gbowee, Tharman Shanmugaratnam est la haute personnalité qui a été invitée de la 3è édition du Cycle de conférences ‘’Kofi A. Annan eminent speakers’’ initiée par l’Institut africain de développement du Groupe de la Banque africaine de développement (Bad). Il était le 5 novembre, à l’auditorium Babacar N’Diaye du siège de l’institution panafricaine pour animer l’importance conférence sur le thème : « L’Afrique et l’Asean : partenariats pour la croissance et l’apprentissage ».

A l’entame de ce rendez-vous, Dr. Akinwumi Adesina, président de la Bad, a tenu à remercier l’orateur du jour. Puis, il a fait l’éloge de cet homme pétri d’expériences sur le plan politique, économique et social. Avant de laisser le podium à l’illustre invité. Celui qui a été promu ministre d’Etat de Singapour, depuis le 1er mai 2019.

Prenant la parole, Tharman Shanmugaratnam a aussitôt relevé que « l’heure de l’Afrique est arrivée. Le continent doit faire face à de grands défis mais a aussi de grandes opportunités à saisir ». Le ministre d’Etat s’est alors appuyé sur sa riche carrière et ses expériences professionnelles (dans les pays de l’Asean et en Afrique) pour instruire l’auditoire. L’économiste a ainsi décliné cinq (5) grands axes stratégiques qui, selon lui, devraient changer et conduire des Etats du continent africain à l’émergence.

La première orientation, selon lui, est de maximiser les bénéfices de l’ouverture économique. Car, dira-t-il, « nous devrons travailler durement pour bénéficier de la mondialisation et des changements technologiques ». C’est ce qui a fait le succès de Singapour, a-t-il affirmé. Il a par la suite exhorté les Etats africains à tirer profit de « ce que les économistes appellent l’agglomération ». C’est-à-dire, le développement des chaînes de valeurs et les spécialisations.

Il explique que les Africains doivent avoir des groupes et stratégies de groupe forts pour avoir des avantages comparatifs dans le monde. L’expert prend alors l’exemple des pays de l’Asie de l’Est qui ont misé sur le textile et l’électronique. « L’Afrique doit, elle, miser sur l’agro-industrie pour s’approprier toute la chaîne de valeurs en vue de développer des produits et services en amont et en aval », dit-il. Celui qui préside le groupe de personnalités éminentes du G20 sur la gouvernance financière mondiale invite également les Etats africains à s’investir « dans les services interchangeables, l’informatique, le tourisme, etc. » pour avoir un positionnement stratégique dans le monde entier.

En deuxième position, l’orateur propose aux Africains « d’investir dans les fondements sociaux de la croissance ». Il s’agit de l’éducation, la santé, l’habitat public ou social. Là, l’expert fait savoir que les investissements dans le social coûtent nettement moins chers que dans les infrastructures.

C’est la raison pour laquelle il estime qu’il est plus que primordial d’y accorder une priorité absolue. « Il s’agit de créer un environnement pour que toutes les populations aient le sentiment d’appartenir à un même pays », affirme le Singapourien. Qui touche ainsi à l’épineuse question de la croissance inclusive et du meilleur partage des fruits de la croissance dans les Etats africains. Sur l’habitat social, il prend l’exemple de son pays où « 85% de la population vivent dans les habitats publics (sociaux) avec des quartiers intégrés ».

Troisième axe stratégique : le développement des services financiers domestiques en monnaie locale. Il parle ici de l’épargne privée qui est le socle de la résilience financière d’un pays. Selon lui, les Etats africains n’en font pas suffisamment et sont obligés de toujours recourir à des emprunts extérieurs. Une donne à inverser. Quant à la quatrième orientation, le ministre d’Etat appelle à la maximisation de la cohérence des politiques économiques et sociales. « Ce ne sont pas les politiques individuelles qui ont fait la réussite des pays émergents mais leurs mises en synergie », explique l’économiste. Il conseille alors aux Etats africains de mieux harmoniser leurs stratégies, et politiques économiques et sociales pour ne pas disperser leurs forces. Et cinquièmement, l’expert invite les gouvernants africains à « maximiser les avantages offerts par les systèmes de financements internationaux ».

C’est la raison pour laquelle il demande aux Africains d’améliorer leur climat des affaires pour attirer les financements étrangers. « On parle de 110 milliards de dollars Us (l’équivalent de 55 000 milliards F Cfa : Ndlr) disponibles au niveau mondial et très peu arrivent en Afrique », s’indigne T. Shanmugaratnam.

Fort de cela, le ministre d’Etat singapourien est persuadé que les Etats africains peuvent capter beaucoup plus de ressources de l’étranger pour financer leur développement, comme l’a si bien réussi son pays, Singapour.

GUY-ASSANE YAPY