Raffinage: Et l’État sauva la Sir !

Abdourahmane Cissé, ministre du Pétrole, de l’Energie et des Energies renouvelables: "L'État a pris ses responsabilités pour sauver la Sir".
Abdourahmane Cissé, ministre du Pétrole, de l’Energie et des Energies renouvelables: "L'État a pris ses responsabilités pour sauver la Sir".

Raffinage: Et l’État sauva la Sir !

La Côte d’Ivoire a doublement volé la vedette le mois dernier au Cap, lors de la 14e assemblée générale de l’Association des raffineurs et distributeurs d’Afrique (Ara). Primo: en relevant l’éclat de la cérémonie d’ouverture de par la présence du ministre du Pétrole, de l’Energie et des Energies renouvelables, Cissé Abdourahmane, une première dans l’histoire de cette organisation née, il y a treize ans.

Secundo : en déroulant le plan qui a permis de sauver son unique raffinerie, la Société ivoirienne de raffinage (Sir). Un véritable cours magistral suivi avec une attention soutenue et un vif intérêt. Un intérêt d’autant plus vif que le secteur du raffinage est problématique, depuis quelques années, en Afrique et ailleurs dans le monde.

Des années sombres ont prévalu et mis à mal les outils de production de carburants qui ont du mal à se redresser. La Sir fait partie du lot. Elle traîne, comme un boulet, un lourd passif qui la contraint au strict minimum. La survie avant tout !  Puis, depuis quelques mois, des frémissements enchanteurs… Un retournement de situation inespérée ! Des recettes à partager…

Plus de 300 milliards de F Cfa de dettes

2008-2018. Une décade noire pour le secteur du raffinage. Les cours du pétrole brut sont comme détraqués. Ils connaissent une chute importante. Les marges de raffinage aussi. Le pétrole ne nourrit plus ses raffineurs… Coup dur pour les unités de transformation sur toute la planète. Elles ferment en cascade.   Et pour ne rien arranger, une crise financière s’invite aux Etats-Unis, en rajoutant au marasme. Grisaille sur toute la ligne !

Les raffineries ferment en cascade, en Amérique, en Europe et en Afrique. Celle de Côte d’Ivoire résiste, mais accumule les dettes. Celles-ci culminent à plus de 300 milliards de francs Cfa en 2014. Son approvisionnement en pétrole brut, sa matière première, est aléatoire.

La situation financière de l’entreprise se dégrade fortement et devient intenable. « Avec la chute des cours en 2008 puis en 2014 et l’effondrement des marges de raffinage de 2009 à 2014, la situation financière de la Sir était devenue difficile. Pendant trois années de suite (2014, 2015, 2016), les résultats nets ont été déficitaires, mettant en cause la pérennité de l’entreprise », résumera le ministre Abdourahmane Cissé.

Recettes anti-naufrage

Début 2015, la direction de l’entreprise prend le taureau par les cornes. Elle met en place un plan de redressement dénommé « Business Model 2015-2020 », ayant pour objectif de restaurer l’équilibre financier de l’entreprise à l’horizon 2020. Parallèlement, elle sollicite un soutien financier de l‘Etat à l’effet de « restructurer sa dette à court terme, en dette bancaire moyen et long termes » et « réduire le délai de règlement des fournisseurs de 300 jours à 30/60 jours ».

Ce soutien financier de l’Etat se déploiera en deux axes, fera savoir le ministre avec des détails jamais révélés sur la place : la réalisation d’un audit général sur la situation de la Sir par le célèbre cabinet Kpmg (lequel confirmera la dette), puis la mise en place d’un soutien dans la structure des prix sur le marché national.

Pour garantir l’équilibre du plan de refinancement, une contribution de 11 milliards de francs Cfa sera demandée à la Sir, à travers « la baisse des dépenses de fonctionnement (à hauteur de 6 milliards de F Cfa) et l’amélioration des performances techniques et opérationnelles (5 milliards F Cfa) ».

Impacts positifs

Les impacts ne tarderont pas à se faire sentir : « paiement immédiat de toutes les dettes fournisseurs échues, réduction des délais de règlement des fournisseurs, baisse du coût d’approvisionnement (par la baisse du risque Sir), baisse des frais financiers, amélioration de la rentabilité globale de l’entreprise ».

Les premiers effets seront perceptibles dès la fin 2017 avec le retour à l’équilibre financier pour se consolider en 2018 avec des résultats considérés comme les meilleurs de l’histoire de cette entreprise créée en 1962.

« L’Etat, actionnaire, a pris ses responsabilités pour sauver la Sir », conclura Abdourahmane Cissé, ministre du Budget pendant la période critique et ayant eu à initier et présenter en Conseil des ministres, le 19 octobre 2016, la communication qui a emporté le soutien de l’Etat à la Sir. L’Etat de Côte d’Ivoire devenait le garant des transactions de la Sir, un engagement qui a rassuré les partenaires et les a amenés à être plus flexibles dans leur commerce.

Devenu ministre de tutelle à la fin de l’année dernière, c’est lui qui, en décembre, a piloté la convention de crédit entre le gouvernement et l’ensemble des prêteurs pour la restructuration de la dette.

« La dette est effectivement restructurée, la santé financière de la Sir est rétablie », conclura-t-il avec force dans un Century City Conference Centre qui a fait silence, scotché à ses lèvres. Une success-story que nombre de représentants des pays présents ont souhaité pouvoir dupliquer chez eux et ont, à cet effet, cherché à en savoir davantage. Durant les trois jours qu’elle a duré, la 14e Assemblée générale des raffineurs et distributeurs africains s’est, du coup, trouvée embaumée d’une expertise et d’un fort parfum Côte d’Ivoire.

Outil de souveraineté

« La Sir, ce n’est pas moins de 600 employés permanents avec, en plus, une centaine d’employés indirects. En outre, plus de 200 entreprises locales lui offrent leurs services en tant que sous-traitantes. Vous voyez donc son importance sur le plan national. Elle n’est pas une société classique. C’est la première entreprise industrielle de Côte d’Ivoire. Il était donc important de l’aider », nous confiera-t-il, expliquant cet engagement du gouvernement, « sous la forte impulsion du Président de la République ».

Mieux, « elle approvisionne le marché local en produits pétroliers. En matière de souveraineté, c’est très important », soulignera-t-il.

Pour les grands chantiers de modernisation à venir, cet accompagnement est quasi assuré !

Elvis KODJO
envoyé spécial à Cape Town