Logements sociaux: “Les premières maisons livrées dans six mois”

Mamadou Sanogo
Mamadou Sanogo
Mamadou Sanogo

Logements sociaux: “Les premières maisons livrées dans six mois”

Monsieur le ministre, en ce début d’année, quel est succinctement le bilan des activités de votre département  ?
Avant de parler de bilan, je saisis l’opportunité que vous nous donnez pour adresser mes vœux de bonne et heureuse année à tous vos lecteurs et aux membres de toutes vos rédactions que je salue au passage. En tout cas, une année de santé à tous les Ivoiriens qui sont les usagers de notre département ministériel. En termes de bilan, j’avoue que je suis un ministre comblé parce qu’en prenant chacun des quatre grands pans de mon département, je peux affirmer avec certitude que beaucoup de choses ont été réalisées durant l’année 2013.

Commençons donc par le sujet d’actualité que constitue le logement !
Avant d’en arriver à la question des logements sociaux qui semble intéresser le plus vos lecteurs, nous tenons à préciser que le volet logement se compose de deux axes. Il y a l’auto-construction, c’est-à-dire celle que chacun réalise et la construction collective. S’agissant de l’auto-construction, nous avons procédé à beaucoup de réformes. Nous avons institué un acte unique qui est l’Arrêté de concession définitive (Acd) pour que les Ivoiriens n’accusent plus de retard pour accéder à la pleine propriété. S’ils se sentent sécurisés par un document qu’ils peuvent se procurer rapidement, nous pensons que l’auto-construction va connaître une amélioration. Le déficit de 400 000 logements que nous avons sera rapidement absorbé. S’agissant du second volet qui est la construction collective, elle concerne les promoteurs immobiliers qui réalisent de milliers de logements sociaux.

Neuf mois après le lancement du programme présidentiel de construction de logements sociaux, où en êtes-vous ?  
Nous pouvons dire que nous sommes très heureux du résultat que nous avons obtenu en matière de réalisation de logements sociaux. Au départ, nous avons fait face à beaucoup d’insuffisances. Il n’y avait pas de terres disponibles alors qu’elles constituent la matière première la plus importante. En outre, nous avons vu que le secteur banquier n’était pas motivé ainsi que les acteurs classiques que sont les promoteurs immobiliers, les urbanistes, les géomètres experts qui étaient dans une situation d’attentisme. Tous se posaient la question de savoir si après la longue crise que la Côte d’Ivoire a connue, il fallait se jeter dans le bâtiment et travaux publics où les investissements sont lourds. Nous avons décidé de la connaissance de la demande pour arriver à la production, puisque ce n’est pas un système où l’Etat commande des logements et les préfinance. C’est plutôt un système où c’est le secteur privé qui doit prendre toutes les initiatives. Cette connaissance de la demande, nous l’avons appelée « opération de pré-souscription » aux logements sociaux. Les Ivoiriens ont été mobilisés et nous avons obtenu des résultats qui ont dépassé nos espérances, car nous nous sommes retrouvés, en deux mois, à 57 000 demandes. Face à la pression, nous avons fait une deuxième opération qui nous a amené à plus de 60 000 demandes de logements.

Comment êtes-vous parvenu à régler le problème foncier étant-entendu qu’il y avait des réticences au niveau des propriétaires terriens ?
Pour faire face au problème foncier, nous avons concomitamment sollicité les préfets que je salue au passage pour leur sens du  patriotisme et des responsabilités. Ils sont allés au-delà de leur mission en expliquant aux détenteurs des droits coutumiers qu’il faut mettre à la disposition de l’Etat leurs terres. Cette contribution des préfets a fait qu’aujourd’hui, le ministère dispose, pour cette opération immobilière, d’espaces partout sur le territoire national. Une fois cette question réglée et les demandeurs de logements connus, nous avons  sollicité le secteur bancaire qui,  ayant vu la mobilisation et la capacité de payement de la clientèle, s’est remobilisé. Et tous les autres acteurs ont suivi. Les promoteurs, à travers un appel à manifestation d’intérêt que nous avons lancé, ont réagi massivement. Sur plus de 100 promoteurs nous en avons retenu 39 que nous avons assignés aux chefs-lieux de région. Par le passé, on a toujours concentré le problème immobilier sur Abidjan. Or, selon les consignes données par le Président de la République et le Premier ministre, le développement doit être décentralisé et déconcentré pour donner la chance à toutes les régions, pour éviter l’exode rural. Nous avons aussi donné priorité aux villes de l’intérieur parce que les problèmes fonciers ont été réglés un peu tardivement à Abidjan. 1400 demandeurs ont été assignés par promoteur. Et tous ces promoteurs-là ont respecté leurs engagements.

Quand les maisons témoins seront-elles disponibles ?
Le cahier des charges prévoyait que les premiers logements sortent de terre entre fin décembre 2013 et début janvier 2014. Ce principe a été respecté et nous sommes heureux de le constater. Notamment à Abidjan, sur trois grands sites que sont Songon, Modeste (sur la route de Grand-Bassam) et Abobo. Il en est de même sur la route d’Anyama et d’Alépé. Pour la première fois en Côte d’Ivoire, 71 chantiers ont démarré concomitamment sur toute l’étendue du territoire. C’est un bilan plus que satisfaisant parce que ce n’était pas du tout évident d’en arriver là en moins de neuf mois.

Au niveau de la ville d’Abidjan où il y a eu beaucoup de demandeurs, tous les obstacles ont-ils été levés pour rendre effectif le démarrage des travaux ?
A Abidjan, tous les obstacles ont été levés. Les espaces ont été trouvés et les promoteurs ont démarré les travaux. C’est vrai qu’à la télévision, on ne parle que de l’intérieur du pays. Mais pour Abidjan, nous vous rassurons qu’il n’y a aucun problème. Je vous apprends d’ailleurs que le Premier ministre se propose d’aller personnellement procéder au lancement officiel des chantiers qui ont déjà démarré. C’est un choix volontariste d’éviter d’aller poser des premières pierres. On peut le faire pour des projets assez importants comme des ponts ou des centrales thermiques. Le Premier ministre, accompagné de plusieurs membres de son gouvernement, visitera les chantiers, à commencer par ceux de Bingerville, entre le 13 et le 20 février. Il sera ensuite à Grand-Bassam à Modeste et il terminera par Songon.

Les souscripteurs ont-ils été tous retenus pour bénéficier de ces logements ou y a-t-il eu des rejets de dossiers ?
Bien évidemment, sur les 60 000 demandeurs, tout le monde n’a pas été systématiquement retenu. Mais nous  précisons que le ministère, lui, n’a rejeté personne. Quant au banquier, il a ses critères techniques pour rendre quelqu’un éligible à ses prêts et à son financement. Ce sont des éléments qui échappent à notre champ de compétence. Et puis quand le demandeur n’est pas retenu à ce niveau par la banque, il y a le promoteur immobilier qui, lui-même, procède à une analyse pour voir s’il peut accepter le paiement à tempérament par le souscripteur. Et lorsque ce dernier remplit les critères, bien que rejeté par le banquier, il est retenu par le promoteur. Quand au niveau du promoteur, le souscripteur ne remplit toujours pas les conditions, il lui reste une dernière solution que le ministère a prévue. Mais, nous vous informons qu’à ce jour, personne n’est venu demander un remboursement. C’est quand même impressionnant qu’avec autant de personnes qui ne sont pas forcément retenues ni par les banques, ni par les promoteurs, elles continuent d’espérer. Sur instruction du Président de la République et du Premier ministre qui nous ont demandé d’aider les plus faibles économiquement, nous avons prévu une dernière solution.
 
A quel moment cette dernière solution offerte aux plus démunis sera-t-elle connue ?
Cette dernière alternative ne va pas être mise en œuvre immédiatement pour la simple raison qu’il faut d’abord que les demandeurs se donnent toutes les chances auprès de leurs promoteurs. C’est l’ultime recours. En tout cas, le ministère a prévu une solution pour tous à travers un programme que nous appelons les lotissements à équipement modéré dans lequel il fera en sorte que tout le monde ait la chance d’avoir un toit. Mais, à l’impossible nul n’est tenu. Ce sera la solution la moins coûteuse où le logement de deux à trois pièces pourrait valoir moins de cinq millions de francs. Et si malgré cette ultime solution, il se trouve des gens qui n’arriveraient pas à remplir nos critères, nous partirons d’une politique de logement sociale à une politique sociale du logement. Ce sera la toute dernière alternative pour les moins nantis. Mais, nous sommes convaincus que nous allons aider le maximum de nos concitoyens.

Alors que la première opération est en cours de réalisation, vous envisagez de lancer une deuxième phase de pré-souscription. A quoi répond cette démarche ?
Il n’y a pas d’antinomie ! La première phase a été stoppée au bout de deux mois. Et l’on a dû constater que de nombreux Ivoiriens demandaient la poursuite de l’opération. Et puis nos concitoyens étant devenus des saints Thomas à raison d’ailleurs, de tout ce qu’ils ont vécu par le passé, beaucoup ne voyaient pas la sincérité de l’opération. Et c’est seulement aujourd’hui, avec tout ce qui est en voie de réalisation que certains qui n’avaient pas pu s’inscrire se demandent s’ils peuvent avoir une deuxième chance. A partir du moment où les Ivoiriens se rendent compte que le Président Alassane Ouattara et tout son gouvernement tiennent leurs promesses et que partout, des maisons sortent de terre, ils ont commencé à appeler le ministère de la Construction. Le Centre de facilitation des formalités d’accès au logement (Cefal) que nous avons créé aux Deux-Plateaux est assailli de coups de fil et e-mails venant de gens vivant à l’étranger qui disent croire maintenant à la sincérité de l’opération. Et même pendant notre tournée à l’intérieur du pays, des personnes se bousculaient pour me demander à quand la deuxième étape de souscription. C’est donc pour toutes ces raisons que nous avons décidé d’en lancer une.

Monsieur le ministre, que recouvre le volet construction faisant partie des grands axes de votre département ?
Ce volet englobe la réhabilitation et la construction. Je peux dire qu’à travers toutes les visites initiées par le Chef de l’Etat dans les chefs-lieux de région, notre département, à travers les services déconcentrés qui sont les directions régionales, s’est impliqué dans la réhabilitation des résidences des préfets et des sièges de toutes les administrations locales. Dans toutes les villes où le Président de la République est passé, les bâtiments publics ont été réhabilités. Le plus en vue des bâtiments publics rénovés est le Ccia à Abidjan - Plateau. C’est avec fierté que les Ivoiriens le retrouvent aujourd’hui. C’est dire que le côté construction est véritablement en marche.

Et que doit-on retenir en matière d’urbanisme ?
Au niveau de l’aspect urbanisme, je dois dire que l’année 2013 a été celle de la mise en œuvre des études d’urbanisme à travers le pays. Il y a quelques mois, nous avons lancé en grande pompe les études d’urbanisme qui devaient être effectuées dans l’ensemble des chefs-lieux de région. Le marché a été attribué aux différents cabinets d’urbanisme. Un grand cabinet franco-suisse a été retenu pour les villes de Bouaké et Yamoussoukro. Au niveau d’Abidjan, un groupe de cabinets d’urbanisme japonais a été coopté, puisque nous avons bénéficié du financement de ce pays pour mettre à jour les schémas directeurs et les plans d’urbanisme directeur de la ville d’Abidjan. Pour les chefs-lieux de région, le marché a fait l’objet d’attribution aux cabinets nationaux. Au moment où je vous parle, toutes les études ont démarré concomitamment et sont très avancées. Le volet urbanisme, le moins connu de nos attributions, est lui aussi en marche véritablement. Il faut que nos concitoyens sachent que si nous voulons être un pays émergent en 2020, nous devons passer par des études rigoureuses, des schémas et plans d’urbanisme directeurs de nos villes. Elles doivent être bien planifiées pour éviter les écueils que nous connaissons aujourd’hui et qui font que vous avez à côté des quartiers résidentiels des sites assez bruyants.

S’agissant du volet assainissement, l’on constate que le carrefour de l’Indénié continue toujours d’être inondé en cas de pluie.
Le volet concernant l’assainissement est attendu par tous les Ivoiriens. A ce niveau, il n’y a pas que le carrefour de l’Indénié qui est le plus connu. Il y a aussi ce qu’on appelle le contrat d’affermage qui est un contrat que l’Etat de Côte d’Ivoire, à travers notre ministère, a signée avec la Sodeci, une société d’Etat qui est chargée d’assurer la maintenance de tout ce qui concerne le réseau collectif de drainage des eaux usées à travers Abidjan. Il s’agit des collecteurs enterrés et qui partent du nord d’Abidjan, c’est-à-dire d’Abobo à la mer, dans un puits sans fond. Ce réseau est émaillé par endroits, à Cocody, Adjamé et tous les ménages non loin de là y font évacuer toutes leurs eaux usées. Toujours dans le cadre de l’assainissement, notons que c’est au cours de l’année 2013 que l’Office national de l’assainissement et du drainage (Onad) a véritablement pris son envol. Cette structure qui va être l’équivalent de l’Ageroute en matière d’assainissement, est une agence opérationnelle de l’Etat, qui sera auprès de toutes les populations pour réhabiliter tous les sites défectueux.  Notamment du carrefour de l’Indénié. L’Onad est aussi en train de travailler juste derrière Carine couture en venant de la bretelle qui quitte Yopougon vers le Plateau et au rond-point d’Abobo. Nous sommes en train de réfléchir sur la manière de déployer cette agence opérationnelle dans les chefs-lieux de région, parce que la question de l’assainissement ne se pose pas qu’à Abidjan.

Quelles sont, pour l’intérieur du pays, les préoccupations récurrentes en matière d’assainissement ?
A l’intérieur du pays, il n’y a pas de collecteur de drainage des eaux usées. Nous allons faire en sorte que l’action d’assainissement ne se résume pas seulement à Abidjan. Il y aura des mécanismes pour que les privés soient agréés pour vider les puits perdus et qu’il y ait aussi des centres de dépotage de l’ensemble des produits qui en sont retirés. Il faut que ces centres puissent être exploités véritablement. En Europe, les eaux usées venant des W.-C, sont souvent utilisés et peuvent se transformer en biogaz qui permet de produire de l’énergie. Ces produits peuvent aussi être traités et utilisés dans le cadre de l’agriculture industrielle, etc. Toujours dans l’assainissement, des actions sont en cours pour que dans les zones rurales, les populations n’aillent plus déféquer dans la brousse. Des réflexions sont en cours au ministère pour qu’il y ait des systèmes de W.C partout dans les zones rurales. Nous sommes en réflexion avec l’Onad pour faire en sorte qu’il y ait des kits préfabriqués vendus à coûts très bas de sorte que nos populations rurales aient accès à une forme d’assainissement pour les plus faibles.

S’agissant toujours d’assainissement, le volet le plus connu du grand public, c’est le drainage des eaux à Abidjan qui se fait au carrefour de l’Indénié. En réalité, il s’agit d’un ensemble de bassins versants qui vont de l’Indénié jusqu’au Plateau Dokui et qui s’étendent sur 12 km de long. Toutes les eaux se retrouvent au carrefour de l’Indénié. Ce qui fait que malgré les efforts du ministère pour curer ces bassins, on a le sentiment que rien ne se fait, parce que les mêmes déchets solides se retrouvent là. Le travail est en cours et nous avons reçu un financement de 17 milliards de francs de la Bad et près de sept milliards sont en train d’être décaissés dans le cadre de ce projet. Les bassins d’orage font l’objet de curage actuellement.

Interview réalisée par
Landry Kohon