Kouadio Konan (Fenacofb-CI): "Nous envisageons près de 150.000 moutons pour la Tabaski"

Kouadio Konan (Fenacofb-CI): "Nous envisageons près de 150.000 moutons pour la Tabaski"

Comment se porte la filière bétail et viande en Côte d’Ivoire ?
La filière se porte très bien.

A quelques jours de la fête de Tabaski (1er septembre 2017) êtes-vous prêts à satisfaire le maximum de consommateurs ?
Bien sûr que oui. Mais ce n’est pas à quelques jours de la Tabaski que nous nous emploierons à satisfaire la demande. Nous avons déjà reçu quatre missions (2 du Burkina Faso, 2 du Mali). Ces missions avaient pour but de prospecter le marché ivoirien en vue de la commercialisation du bétail et particulièrement pendant la fête de la Tabaski. Elles ont été reçues par le ministère des Ressources animales et halieutiques. A cette occasion, le ministre a eu à dire à ces opérateurs économiques de ne pas craindre et qu’ils pouvaient ravitailler abondamment notre marché. Il leur a demandé de ne pas s’inquiéter pour les difficultés liées aux  tracasseries douanières et à la commercialisation. Car, soutenait le ministre Kobenan Kouassi Adjoumani, des mesures allaient être prises pour leur faciliter le ravitaillement de notre marché. Ce qui a été fait. Donc le problème ne se pose pas en ce qui concerne le ravitaillement du marché, on aura effectivement beaucoup de mouton. Si vous arriviez à Port-Bouët, à pareille époque il  n’y avait pas assez de moutons, mais cette année le parc est plein. Nous sommes entrain de voir comment trouver des sites pour commercialiser les animaux.Le district a pris des dispositions avec le directeur de l’abattoir pour accueillir toute la quantité de mouton qui pourrait venir sur le parc.

Pour la période de la Tabaski vous prévoyez combien de tête sur le marché ?
Nous envisageons entre 120.000 et 150.000 têtes de moutons pour la fête de Tabaski.

Les prix  moutons sont-ils  à toutes les bourses ?
Je demande aux clients de ne pas craindre, d’aller effectivement sur le marché, il  y a beaucoup de mouton et ils peuvent en trouver à juste prix. Nous savons que le marché sera inondé ces jours-ci. Les années précédentes il y a eu certes de la surenchère, mais cette années les choses sont meilleures.

Récemment le directeur général du Commerce intérieur, Aimé Koizan a pris la mesure de supprimer tous les faux frais et fausses taxes sur l’importation du mouton. Êtes-vous en phase avec cette décision. Quelle autre suggestion auriez-vous à faire, hormis la suppression de ces faux frais ?
Nous sommes très heureux (la filière bétail et viande) pour les décisions arrêtées par le ministère du Commerce, voire du gouvernement. Beaucoup d’organismes internationaux se battent pour la libre échange dans la filière entre les pays sahéliens et la Côte d’ Ivoire. Depuis 2009, l’Usaid est en train de mener des actions pour mettre fin à toute sorte de tracasserie dans la filière, en collaboration avec la Confédération des fédérations nationales de la filière bétail et viande en Afrique de l’ouest. Je crois qu’il y a de bons de résultats, dans l’ensemble les tracasseries ont diminué. Parce que l’Etat de Côte d’Ivoire a pris les taureaux par les cornes en menant des actions très vigoureuses qui ont, depuis quelques années, diminué considérablement les tracasseries. La Côte d’Ivoire est l’un des  pays de la sous région où il ya le moins possible de tracasseries au niveau des échanges commerciaux de la chaîne de valeur dans la filière Bétail et viande. Mais avant 2011, ce n’était pas le cas. Donc, si le directeur général du commerce intérieur prend des mesures pour encore accentuer la suppression des faux frais, c’est une très grande joie .Nous sommes de cœur avec toutes ces décisions, parce que nous mêmes nous y travaillons depuis fort longtemps.

N’est ce pas le grand nombre d’association et de groupement qui crée parfois l’anarchie, qui se répercute dans l’organisation de la filière et favorise ces tracasseries ?
C’est le fait de mésentente entre certains leaders de la filière, particulièrement dans le domaine de la commercialisation, qui faisaient qu’il y avait des problèmes. Mais aujourd’hui, il n’y a plus de division entre les leaders. Ils sont tous d’accord pour travailler d’un commun accord pour le bien des populations et de l’Etat ivoirien.  Les différends entre Sawadogo Issiaka, qui est le président la Confédération des fédérations nationales de la filière bétail et viande en Afrique de l’ouest et Dramera Hassan, qui ont été la cause de la grande division dans le secteur, ont été gérés. Les deux acteurs se sont pardonnés mutuellement.il ya une réconciliation totale entre ces deux hommes et entre tous ceux qui se sont rangés derrières ces deux protagonistes.

La fédération est maintenant unie. Elle est entrain de panser les plaies pour le développement de la filière. Des missions ont déjà été entreprises. Nous sommes partis d’Abidjan jusqu’à Pogo, une autre mission ira d’Abidjan jusqu’à Odienné en passant par Daloa, Mankono etc., pour sensibiliser les acteurs, les mettre en société coopérative et des unions régionales aussi bien pour les éleveurs que les bouchers. Nous avons déjà eu une très grande réunion le 30 janvier 2017 à Abidjan. Les acteurs ont promis de tout mettre en œuvre pour réorganiser la filière. Nous sommes conscients qu’il y a eu des retards, mais il va être rattrapé. Quand les  acteurs eux même disent : « Nous sommes en retard et il faut qu’on se réveille », c’est qu’il ya une prise de conscience et une volonté de changer. Ce qui va permettre d’accélérer le développement de la filière.

Combien de mouton la Côte d’Ivoire importe chaque année ?
Les statistiques varient. Il y a eu une période (2010) où tous les exportateurs allaient vers le Nigeria ou d’autres destinations, mais depuis ces deux dernières années, le Burkina Faso a commencé à convoyer tous ces animaux sur le marché ivoirien, à cause des problèmes de monnaie au Nigeria et les menaces sécuritaires dans d’autres zones. Donc nous recevons chaque mois près de 20.000 têtes de moutons au niveau d’Abidjan. Lors des périodes de fêtes on en a assez.

L’élevage du bétail en Côte d’Ivoire n’a pas encore décollé, seules les zones du nord et certaines du centre font de l’élevage. Et ont dit même des acteurs de ces contrées suscitées qu’ils font de l’élevage de prestige. Est-ce que l’impact des  activités des éleveurs nationaux est-il réel sur le terrain ?
Je peux dire qu’il y a de l’impact au niveau de populations. La société de développement des productions animales (Sodepra), à l’époque a été créée parce qu’il y avait un besoin. Il ya eu des sécheresses assez meurtrières dans  la zone sahélienne. Donc l’Etat avait décidé dans les années 70 de promouvoir la production nationale. Les Ivoiriens dans le nord et certains fonctionnaires s’étaient adonnés à l’élevage dans une certaine mesure. Mais avec la crise de 2002, des troupeaux entiers ont été décimés, volés ou déplacés d’une certaine manière, ce qui a affecté le développement de la production nationale. Cette situation a démotivé plusieurs acteurs. J’ai l’un de mes cousins enseignant à l’époque, qui, à deux ans de sa retraite, a contacté la Sodepra pour être soutenu dans cette activité. Il a commencé à s’investir dans le domaine. Malheureusement, pendant la crise il a perdu tous ses troupeaux. Ils sont nombreux ceux qui ont été affectés par cette situation. Donc le taux d’éleveur qui devait sensiblement augmenter a reculé.

Il y a néanmoins eu des ateliers de sensibilisation pour essayer de redonner courage à tous ceux qui étaient découragés parce qu’ayant perdu tous leurs troupeaux pendant la guerre. Toutefois, nombreux parmi eux ont repris courage pour se relancer dans l’élevage familial et intensif. Donc il y a actuellement un impact positif, surtout avec l’aide du ministère des Ressources animales et Halieutiques, qui fait de gros efforts pour galvaniser les acteurs, notamment la directrice de la production de l’élevage qui abat un grand travail.Nous pensions que l’Etat ne s’intéresse pas trop à la filière parce qu’il y avait trop de problème…

Comme les conflits éleveurs-agriculteurs…
Oui! cela crée d’énorme désagrément, dans les zones de Bouna, Kani Odienné, Korhogo. Nous étions en février dernier à Yamoussoukro avec  des membres de la fédération. Nous avons rencontré le sous-préfet d’Attégouakro avec le commandant de légion de la gendarmerie pour régler ce genre de problème. Les villageois ne veulent plus voir leurs cultures saccagées par les animaux auxquels ils ne sont pas habitués.

Vos étiez en 2016 au salon de Paris, quelle leçon tirez vous de cet évènement d’envergure ?
Dans le secteur animalier, nous sommes très en retard comparés aux pays développés. Il y a un gap important qu’il faut combler lorsqu’on visite les parcs de ces pays. C’est pourquoi il faut se rapprocher de ces grands pays éleveurs pour s’inspirer de leur modèle de développement. Le véritable problème que nous avons c’est celui avec les agriculteurs. Il faut tendre vers un élevage moderne. Pour le faire il faut sensibiliser les éleveurs dans ce sens, c’est ce que  nous essayons de faire.

Il est aujourd’hui de plus en plus question d’entrepreneuriat jeune. Qu’est ce que la Fédération prévoit pour motiver les jeunes à se tourner vers l’élevage et quelle assistance apportez vous à ceux qui s’y intéressent déjà ?
Nous sommes en contact avec certains établissements. Il y a beaucoup de jeunes gens qui passent chez nous pour acquérir une formation. Après quelques rencontres nous les  sensibilisons. La plupart s’installent avec quelques têtes pour pouvoir être de grands producteurs dans les années à venir.la collaboration avec les établissements visent à promouvoir l’élevage. Il y a des établissements qui viennent  vers nous et même des étudiants pour avoir des informations sur l’encadrement et les rudiments pour réussir dans le secteur. D’autres sont là pour des travaux de recherche de leur thèse. Nous avons en la matière un spécialiste qui est Bamba Yacouba, qui assiste ces jeunes.

Il faut que les Ivoiriens sachent que l’élevage est une source de revenu très importante. Celui qui a un bon troupeau, n’a pas à craindre pour l’alimentation de ses bœufs ou moutons.  Il ne faut pas aussi se mettre à l’idée que seules les personnes du nord réussissent dans ce secteur. Il est accessible à tous ceux qui veulent s’y lancer.

Lorsque vous prenez des pays comme le Botswana, ce sont des grands producteurs. Dans ce pays là, un fonctionnaire, la première chose qu’il fait c’est de s’acheter au moins une vache et un bœuf. Et il commence son élevage. Au bout de 5 à 10 ans il devient propriétaire d’un parc. Ce qui n’est pas le cas ici. Donc j’exhorte mes frères à s’intéresser de plus en plus à ce secteur.

Interview réalisée par
Kamagaté Issouf
issouf.kamagate@fratmat.info