Joël Lisenborg, consultant formateur en Achats, Altaris France: " Les responsables Achats ont besoin de formaliser leurs connaissances…"

Joël Lisenborg, consultant formateur en Achats, Altaris France: " Les responsables Achats ont besoin de formaliser leurs connaissances…"
Joël Lisenborg, consultant formateur en Achats, Altaris France: " Les responsables Achats ont besoin de formaliser leurs connaissances…"

Joël Lisenborg, consultant formateur en Achats, Altaris France: " Les responsables Achats ont besoin de formaliser leurs connaissances…"

 Dites-nous avant tout ce que renferme la fonction Achats au sein d’une entreprise ?

Le but de la fonction Achats est d’acquérir des biens et services à temps et conformément aux normes et exigences prédéfinies au sein de l’entreprise. C’est un levier fondamental…De même, elle est aussi destinée à améliorer les ratios financiers de l’entreprise ayant trait au cash-flow, à la réduction des besoins en fonds roulement, etc.   Ce sont des leviers typiquement mis à la disposition du gestionnaire des achats pour créer de la valeur ajoutée dans l’entreprise.

Dites-nous alors la manière dont les achats sont gérés dans les grandes sociétés à l’international ?

Dans les grands groupes matures, les fonctions achats sont la plupart du temps rattachées aux Directeurs Généraux .C’est-à-dire que les directeurs Achats sont des Top managers dans l’entreprise. Ces derniers disposent d’une position hiérarchique qui leur permet de proposer des orientations stratégiques et des leviers pour le bien être de l’entreprise. Ils arrivent donc à garantir les objectifs stratégiques assignés par les Directions Générales. Et cela nécessite des outils et méthodes spécifiques, de la rigueur, de la ténacité et des qualités indispensables aux responsables des achats.

Quelle est alors la distinction nette entre les fonctions Achats, Approvisionnements, Moyens Généraux dans une entreprise?

Les Moyens Généraux s’occupent en fait des achats indirects. C’est-à-dire, les achats qui ne rentrent pas directement dans le dispositif de production de l’entreprise. L’approvisionnement, lui, consiste à déclencher une commande, recevoir les marchandises, les contrôler et les mettre à la disposition de la production. La fonction achats, quant à elle, s’intéresse à travailler avec les prescripteurs pour les cahiers des charges , s’ouvre vers d’autres solutions techniques, fait du sourcing pour identifier de nouveaux fournisseurs sur le marché, active la concurrence au moyen des appels d’offres sur les gros enjeux, etc. Tout cela est bien en amont des approvisionnements. Il y a donc une complémentarité puisque les approvisionneurs vont utiliser les données de sortie de la fonction achats pour effectivement fonctionner.

Il est bon de souligner que quelques fois, ce sont les mêmes équipes qui s’occupent à la fois des achats et des approvisionnements. L’approvisionnement étant une fonction de réactivité, on se retrouve bien souvent dans des situations où les charges d’approvisionnements prennent le dessus. Et cela freine la prise de hauteur des responsables Achats. C’est la raison pour laquelle on dédie de plus en plus des fonctions typiquement Achats dans les entreprises. Et d’autres équipes ayant des compétences spécifiques à la fonction Approvisionnement.

Quel est alors l’intérêt aujourd’hui de renforcer les capacités des professionnels ivoiriens en termes de management des achats ?

Le constat est qu’il y a de nombreux professionnels promus à la fonction Achats dans les entreprises sans toutefois que ceux-ci aient eu une formation et une qualification spécifique en matière de management des Achats. Ces derniers ont certes de l’expérience mais ont besoin de formaliser leurs connaissances et d’acquérir de nouveaux outils pour être à la hauteur des exigences et des standards internationaux et être plus efficaces dans la fonction. La formation en achats est un apport important qui permettra de dégager des gains substantiels pour leur entreprise et apporter de l’innovation auprès de leurs fournisseurs.

Parlez-nous alors de votre mission à Abidjan ?

Je suis venu à Abidjan pour animer des sessions de formation pour l’Executive certificate management des achats organisé par le Centre international de compétences et de spécialisations. C’est la toute première fois que ce type de formation se tient en Côte d’Ivoire. Durant ces sessions, nous avons planté le décor sur l’importance de la fonction Achats en s’appuyant sur les expériences des entreprises les plus matures en la matière. Nous avons également abordé le volet marketing stratégique des achats qui, lui, a trait à la manière dont la fonction achats aide le département commercial des entreprises à mieux vendre. L’enjeu est de contribuer à dégager plus de marges, développer les relations d’affaires, élargir les parts de marché de l’entreprise, etc. Ce qui laisse comprendre que la fonction Achats est aujourd’hui au service de la fonction Vente. Le dernier point de notre intervention a porté sur la performance des Achats au sein d’une entreprise à savoir : comment la mettre en évidence à travers des indicateurs et outils la création de valeur induite par la fonction Achats.

Parlez-nous donc de quelques outils innovants que les managers d’achats doivent avoir  absolument?

On a par exemple la matrice Pareto et/ou de Kraljic pour faire l’analyse du portefeuille achat. Ces deux outils sont assez révélateurs du niveau d’importance dans le diagnostic des achats et indispensables une fois l’alignement des fonctions achats et vente réalisées. D’autres outils sont aussi utiles pour l’analyse des besoins, l’analyse du marché fournisseurs, l’analyse des risques, etc.

Selon vous, est-ce que les entreprises et particulièrement les Pme ivoiriennes peuvent facilement les implémenter ?

Les Pme ivoiriennes doivent pouvoir s’approprier ces outils fondamentaux et se focaliser sur l’efficience. C’est-à-dire l’utilisation d’outils efficaces en peu de temps. Ces Pme n’ont pas forcément besoin d’étoffer leurs effectifs sur les postes d’achats. Elles ont par contre besoin d’améliorer leurs ratios financiers et mieux vendre leurs produits. Un bon management des Achats peut vraiment aider les Pme ivoiriennes à être plus performantes. Si l’entreprise n’a que deux personnes compétentes, selon sa taille, et a pris les bonnes directives et priorités, elle est capable de réaliser de bons résultats financiers et être très performante sur le marché. On arrive ainsi à stabiliser les achats et augmenter le chiffre d’affaires et à améliorer nettement la marge bénéficiaire. Puisque, il faut le dire, certaines grandes entreprises sont fragilisées au niveau de leur marge commerciale.

Qu’avez-vous à dire aux gestionnaires des Achats qui n’ont jusque-là pas eu de formation spécifique en la matière ?

L’un des grands principes de la vie est qu’on a droit à l’erreur. Mais, il est anormal de s’éterniser dans ses erreurs. Et le fait de se former et changer de pratiques va conduire à tester de nouveaux modèles qui in fine amélioreront la rentabilité de l’entreprise. Et les outils que nous mettons à la disposition des managers des achats, dans le cadre de l’Executive certificate management des achats, ont déjà été éprouvés et utilisés par les grandes entreprises sur l’échiquier international. Mais, le vrai challenge pour les responsables d’achats en Côte d’Ivoire est d’arriver à affirmer leurs pouvoirs et d’être des gestionnaires de création de valeur grâce à une formation solide en achats. Ils devront pour ce faire oser et donner à la fonction Achats un rôle majeur dans les prises de décisions. Ce qui va consolider dans l’avenir la fonction Achats dans les entreprises en Côte d’Ivoire.

Que répondriez-vous aux chefs d’entreprises qui estiment que leurs managers Achats disposent déjà des rudiments nécessaires pour gérer aux mieux leurs fonctions ?

Certainement que ces managers Achats font bien leur travail qu’avec les outils dont ils disposent. Mais, ils auront constamment besoin de s’améliorer parce que la fonction est en perpétuelle changement ce qui oblige de trouver de nouveaux leviers. Des instruments que les chefs d’entreprise ont absolument besoin pour garantir et accroitre les objectifs de rentabilité de l’entreprise.

Quelle autre valeur ajoutée réelle gagneraient ces chefs d’entreprises ?

On peut citer l’amélioration du niveau des relations avec les fournisseurs. Car une étude réalisée par John Henker, un expert consultant américain a mis en évidence que « meilleure est la relation entre les fournisseurs et clients, meilleure est la marge du fournisseur et du client ». Ce qui laisse évidemment comprendre qu’on arrive à augmenter les marges des deux entreprises par une meilleure relation.

Lorsqu’on négocie par exemple un contrat avec un fournisseur, on doit s’assurer qu’il y a toujours de la marge. Par conséquent, l’entreprise ne doit surtout pas mettre en danger la marge bénéficiaire du fournisseur. Il faut alors rechercher ensemble des leviers au profit des deux acteurs du marché. Le principe est que lorsque l’entreprise réduit ses coûts tout en préservant sa marge, elle devient plus compétitive. Dans la mesure où elle peut aussi réduire son prix de vente tout en conservant sa marge bénéficiaire. C’est cela le rôle stratégique de la fonction Achats dans une entreprise ; garantir les meilleurs prix pour assurer la compétitivité de l’entreprise tout en préservant la relation fournisseur.

Le vrai levier revient donc à fédérer les deux ressources internes et externes. Ainsi, un directeur Achats s’appellera, à terme, un directeur des Ressources externes.

Entretien réalisé par

Guy-Assane Yapy