Cyrille Tanoé (Secrétaire exécutif de l’Apsfd): “ Il faut rendre les microfinances dynamiques pour renforcer les capacités de financement ’’

Cyrille Tanoé (Secrétaire exécutif de l’Apsfd)
Cyrille Tanoé (Secrétaire exécutif de l’Apsfd)
Cyrille Tanou00e9 (Secru00e9taire exu00e9cutif de lu2019Apsfd)

Cyrille Tanoé (Secrétaire exécutif de l’Apsfd): “ Il faut rendre les microfinances dynamiques pour renforcer les capacités de financement ’’

À l’initiative de MDE Business School d’Abidjan, vous avez pris part à un programme de formation continue pour dirigeants d’entreprises. Avez-vous le sentiment que cela vous apportera quelque chose de supplémentaire ?

L’un des atouts indéniables de l’Advanced Management Program (programme pour directeurs exécutifs), c’est le fait de nous permettre de découvrir des exemples enrichissants de sociétés du monde entier grâce à la méthode des cas.

Nous avons effectivement la certitude que grâces aux compétences acquises lors de cette formation, nous sommes plus outillés pour exercer les fonctions de directeur général et surtout pour prendre les bonnes décisions et les mettre en pratique.

Quel est le module qui vous a le plus captivé ?

Durant cette formation à Barcelone, nous avons parcouru plusieurs modules, à savoir la stratégie d’entreprise, la direction des personnes, la finance structurelle et le management des opérations.

L’élément clé à retenir est que chacun desdits modules à son importance dans le management de l’entreprise et que tout se bâtit autour de la mission et de la vision que l’entreprise a par rapport à sa cible.

Comment comptez-vous implémenter toutes les acquisitions dans votre activité quotidienne pour la bonne marche du secteur de la microfinance dont vous dirigez la faîtière?

L’implémentation des acquis liés à la formation reçue pourrait se faire par des échanges d’expériences, qui se dérouleront sous forme de formation ou de séances de coaching à l’intention des dirigeants des institutions de notre secteur d’activité, à l’effet de leur transmettre un certain nombre de notions utiles et fondamentales à la gestion d’entreprise.

Les spécialistes mettent en avant la promotion des Pme, si l’on veut s’en sortir. Mais, beaucoup d’initiatives sont freinées par des problèmes de financement. Comment les institutions de microfinance peuvent-elles suppléer, ne serait-ce que pour ces Pme, les banques classiques qui refusent d’accompagner les débutants ?

Par essence, la microfinance est la mise à disposition de services financiers aux populations qui sont exclus du système financier classique tenu principalement par les banques. Par nature donc, la microfinance devrait être le principal instrument d’absorption de ce besoin en financement des Très petites entreprises (Tpe) et dans une certaine mesure des Pme. Toutefois, il y a une donnée qu’il faut analyser avec soin.  Il s’agit du risque. C’est ce risque qui fait que les banques refusent d’accompagner les Tpe et les Pme. Demander aux Institutions de microfinance (Imf) de financer les Pme débutantes, c’est leur demander d’assumer un risque que même les banques, avec leur grande capacité financière, refusent d’assumer. Nonobstant les contraintes évoquées plus haut, les institutions de microfinance, pour pouvoir apporter ce type d’appui, devraient bénéficier de la constitution de fonds de garantie des crédits ; d’un renforcement du niveau de leurs fonds propres ; mais aussi et surtout d’un niveau de refinancement assez satisfaisant. En d’autres termes, la mise en place d’un marché de refinancement pour le secteur de la microfinance.

À combien s’élève aujourd’hui le matelas financier des institutions de microfinance ?

Les données que nous avons et qui proviennent de la direction de la microfinance montrent qu’en 2011, l’encours d’épargne des institutions était de 104.516.267.091 milliards de Fcfa, quand celui du crédit se situait à 41.226.689.479 milliards de Fcfa.

Il y a trop d’institutions de microfinance moribondes. Que faites-vous pour accroître leur compétitivité dans la chaîne des valeurs ?

Dans un premier temps, il serait plus adapté de nuancer quelque peu l’affirmation selon laquelle il y aurait trop d’institutions de microfinance moribondes, parce que les Imf sont actives, chacune au niveau de la cible de marché qu’elle a choisie.

La question serait de savoir ce qu’il y a lieu de faire pour les rendre plus dynamiques et rendre leurs actions plus visibles. À ce titre, un certain nombre d’actions sont menées par l’Association professionnelle des systèmes financiers décentralisés de Côte d’Ivoire (Apsfd-ci).

Lesquelles ?

D’abord, le renforcement des capacités des acteurs : il n’échappe à personne qu’il n’existe pas d’école de formation ou de modules spécifiques aux métiers de la microfinance, contrairement à la banque avec les cours Itb. Et pourtant, pour être efficaces et efficients dans leurs actions au quotidien, les membres du personnel des Imf se doivent d’avoir les compétences nécessaires. Et c’est ce que nous faisons en partenariat avec le Cgap ; le Seep ; la Bceao ; le Cefeb ; etc., en diffusant des modules de formation qui touchent à tous les domaines de la microfinance (gestion du crédit ; analyse financière ; gestion des risques opérationnels ; référentiel comptable des Imf ; gouvernance ; etc.) ;

Ensuite, l’incitation au reporting social et financier : l’Apsfd-ci a engagé les Imf de Côte d’Ivoire dans le processus de reporting social et financier sur des plates formes mondiales telles que le Mix Market. Ce travail a permis d’avoir pour l’année 2012, un total de dix-neuf institutions ayant leur profil sur le Mix Market. Toute chose qui améliore leur visibilité et confère plus de transparence à leur gestion.

Enfin, il y a l’information des Imf sur les nouvelles thématiques et les mutations en cours dans l’industrie de la microfinance : dans le monde de la microfinance aujourd’hui, les notions de protection des clients, de transparence, de performance sociale et de gouvernance sont centrales et captivent l’attention de presque tous les bailleurs de fonds. Pour donner toutes les chances aux Imf de Côte d’Ivoire de pouvoir répondre aux exigences de ces partenaires, nous développons des activités dans chacun de ces programmes avec des partenaires tels que Microfinance Center ; Seep Network ; Smart Campaign. Toutes les informations pertinentes sont transmises aux institutions par le biais de courriers ; de bulletins d’information que nous éditions et également lors de rencontres évènementielles que nous organisons.

Et le cadre institutionnel ? Est-il incitatif ?

Pas tout à fait. D’où le plaidoyer pour le renforcement de la réglementation et l’appui institutionnel aux Imf : pour améliorer davantage l’image du secteur de la microfinance, il faut nécessairement extirper de l’ensemble des institutions celles qui n’ont soit pas le droit de fonctionner, soit qui n’en ont plus la capacité. Il est aussi primordial pour la Côte d’Ivoire de démarrer de matière pratique la Stratégie nationale pour la microfinance qui a été actualisée en début d’année 2013. Cela devrait permettre de booster la relance du secteur dans son ensemble par l’amélioration de la qualité des Systèmes d’Information, du contrôle interne des IMF et de leur gouvernance.

interview réalisée en Espagne

par  Lancine  Bakayoko