Christian KOFFI : Ce que gagnent l’État et les Ivoiriens avec la privatisation de la BHCI

Christian KOFFI : Ce que gagnent l’État et les Ivoiriens avec la privatisation de la BHCI

Christian KOFFI : Ce que gagnent l’État et les Ivoiriens avec la privatisation de la BHCI

Monsieur le président, l’État a décidé de céder la totalité de  ses parts (51,6%) détenues dans le capital de la Banque de l’habitat de Côte d’Ivoire (BHCI) à une société de droit canadien. Doit-on parler de privatisation de la Banque ?

Oui, on peut effectivement parler de privatisation. En effet, l’article premier de la loi n° 94-338 du 9 juin 1994 relative à la privatisation des participations et actifs de l’État dans certaines entreprises et établissements publics nationaux définit la privatisation comme étant le transfert partiel ou total au secteur privé, de la propriété des actions, participations ou actifs détenus directement ou indirectement par l’État dans des établissements et entreprises publics. Donc la cession de la participation de 51,6% détenue par l’État dans le capital de la BHCI est bien une opération de privatisation.

Quel est le capital de la banque et quels sont les autres actionnaires ?  

La BHCI a été créée le 12 février 1993, avec un capital de 1 030 millions de FCFA, sous la forme de Société d’économie mixte de type particulier, à forme de Société anonyme avec Conseil d’administration. À l’issue de deux augmentations effectuées en 1995 et 2009, le capital de la banque est actuellement de 6 776 000 000 de FCFA.

L’actionnariat se compose de deux groupes :

Groupe 1 : L’État et ses démembrements, qui détiennent 51,6% du capital :

  • ETAT : 41,3% ; BNI : 5,5% ; SICOGI : 4,8%

Groupe 2 : les actionnaires privés, qui détiennent 48,4% du capital :

  • SCI DEMACK : 35,2%
  • SOMAVIE : 9,9%
  • BOAD : 2,2%
  • NSIA-VIE : 1,1%

 

Les raisons qui ont amené le gouvernement à prendre cette décision le 2 août sont liées à sa mauvaise gouvernance. Il évoque « les pertes importantes enregistrées par la BHCI et qui sont de nature à compromettre durablement ses missions ». Quels sont ces bilans 2015 -2016 de la BHCI qui fondent cette décision alors que la situation de la banque semblait être stabilisée ?

Non, la privatisation de la BHCI n’est pas motivée par des questions de mauvaise gouvernance. Le Gouvernement ne l’a pas dit. Je rappelle que le programme de privatisation a été initiée depuis les années 1990, sous l’impulsion de Son Excellence le Président Alassane Ouattara, alors Premier ministre. Ce programme de privatisation vise les principaux objectifs suivants :

-redynamiser l’économie nationale en favorisant le développement du secteur privé ;

-augmenter la productivité et la compétitivité des entreprises ivoiriennes ;

-réduire les subventions et l'endettement de l'État,

-assurer l'équilibre du secteur par la professionnalisation accrue des opérateurs de la filière bancaire.

Ce programme a connu des résultats assez remarquables, avant d’être interrompu par le coup d’État de décembre 1999 et les crises politiques et militaires qu’a traversées notre pays.

Mais il a redémarré à la suite d’une décision du Gouvernement, prise en Conseil des ministres du 23 mai 2012, définissant les nouveaux axes d’orientation stratégique pour une gestion optimale des entreprises publiques. L’acte n°1 recommande la définition d’un nouveau périmètre d’intervention de l’État dans le secteur marchand.

Il a alors arrêté une liste de 15 entreprises à privatiser dont 4 banques :

-Société ivoirienne de banque (SIB) ;

-Nouvelle société interafricaine d’assurance (NSIA) Banque, ex-BIAO Côte d’Ivoire ;

-Versus Bank ;

-Banque pour le financement de l’agriculture (BFA).

A cette liste, le Gouvernement a ajouté la BHCI et la BFA a été liquidée entre temps.

En ce qui concerne plus spécifiquement le secteur bancaire, le programme du Gouvernement a pour objectif de maintenir les fonctions de service public et de créer un pôle bancaire public performant, à même d’accompagner ses politiques sectorielles.

Il vise également à renforcer le rôle du secteur privé, en privatisant les banques à capitaux totalement ou partiellement publics.

La cession de la participation de l’État dans le capital de la BHCI s'insère dans les objectifs de la politique de désengagement de l'État du secteur marchand telle que rappelée ci-dessus.

 

Concernant les pertes …

En ce qui concerne les pertes importantes enregistrées par la BHCI, et qui sont de nature à compromettre durablement ses missions, il convient d’indiquer que cette banque est une banque de détail historiquement dédiée au financement de logements, surtout les logements économiques. Cela exige des ressources longues, dont la banque n’a pas pu disposer. Confrontée à cette situation, la banque s’est orientée vers les activités de banque de détail classique, segment sur lequel elle dispose de peu d’atouts face à la concurrence, notamment en raison de la faiblesse de son réseau.

Elle a donc fonctionné en sous-activité et enregistré des pertes qui ont obéré grandement ses fonds propres. Des mesures de redressement ont été prises récemment, qui ont permis d’améliorer la situation. Il convient de les poursuivre et de les amplifier. La cession de la majorité du capital de la banque à un repreneur crédible s’inscrit dans cette perspective.

 

Voulez-vous présenter le nouvel acquéreur canadien qui est spécialisé dans le financement de l’immobilier ? Et les opportunités qu’il offrira à l’État et aux populations, vu que la demande de logements est importante.  

Westbridge Mortgage REIT est une institution financière privée canadienne, spécialisée dans le crédit immobilier, et surtout le financement de la construction d’habitations. Ces activités consistent notamment à :

-    l’octroi de crédits destinés au secteur de l’immobilier,

-    le négoce et la titrisation de tels crédits,

-    l’acquisition et la revalorisation de portefeuilles de crédits en défaillance.

Elle a développé au cours des années une expertise pointue dans ce domaine, avec l’octroi en 2016 de plus 366 millions de US dollars de prêts pour la construction, notamment, d’immeubles multi-résidentiels, de logements individuels, de centres commerciaux, de bureaux etc.

Elle a accès à d’importantes ressources financières à travers ses partenaires que sont :

-CEFC China ; un conglomérat de 36 milliards de dollars (revenus 2016), basée à Shanghaï

-True North Mortgage, le second courtier hypothécaire du marché canadien, octroyant l’équivalent de 400 milliards de FCFA en volume annuel de prêts immobiliers dans le pays. Avec les ressources financières que lui apportera Westbridge et sa connaissance de la problématique du logement en Côte d’Ivoire, la BHCI pourra mieux répondre à la demande de logements des populations.

 

Interview réalisée par

PAULIN N. ZOBO