Tourisme intérieur : Bouaké de l’ombre vers la lumière !

L’hôtel de l’art, l’un des fleurons de la renaissance hôtelière de Bouaké
L’hôtel de l’art, l’un des fleurons de la renaissance hôtelière de Bouaké
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Tourisme intérieur : Bouaké de l’ombre vers la lumière !

Tourisme intérieur : Bouaké de l’ombre vers la lumière !

Le ministre du Tourisme, Roger Kacou, à la tête d’une délégation de haut niveau, est allé sonder, du 18 au 20 juin, les potentialités de la capitale de la région de Gbêkê.

«Bouaké et sa piscine, ses grandes rues bien éclairées…». Que de souvenirs ce refrain de la mythique chanson de l’Orchestre de la fraternité ivoirienne (Ofi) de Bouaké ravive-t-il ! Des années 1960 aux années 1990, ce refrain sonnait en écho  des trois décennies glorieuses de Bouaké, deuxième ville du pays de par son importance, politique, sociale, économique, sportive, culturelle et… touristique. Avec, notamment, ses palaces L’Harmattan et  le Ranhôtel, la piscine municipale, le zoo, le club équestre, le parcours de golf,  l’ancien et le nouveau stade inauguré à la faveur de la Can 1984 qu’abrita le pays, mais aussi et surtout, son carnaval dont la notoriété  avait dépassé les frontières de la sous-région ouest-africaine.

Bien avant la crise qui a secoué la Côte d’Ivoire, une décennie durant, Bouaké avait commencé, dès le milieu des années 1990, à afficher des signes de déclin au plan touristique, en termes d’infrastructures hôtelières et de circuits attractifs. Mais, depuis environ quatre années, sous la houlette du Président Alassane Ouattara, le gouvernement a décidé d’inverser la tendance et de faire emprunter à la Côte d’Ivoire la voie de l’émergence avec et par le tourisme.

En professionnel chevronné, le ministre Roger Kacou  ne ménage, avec son équipe, aucun effort pour faire du tourisme l’un des ressorts du rebond économique de la Côte d’Ivoire. Dans cette veine, il a entrepris, du 18 au 20 juin, une tournée d’information et de sensibilisation des opérateurs du secteur de la région de Gbêkê (centre-nord du pays) aux réformes institutionnelles et juridiques par lui engagées pour une meilleure compétitivité dont les prémices sont plus que probants.

Mais aussi aux fins de les sonder, en parallèle avec les autorités décentralisées, pour maintenir le cap. A l’instar de ce qu’il a déjà entrepris dans les régions du Haut-Sassandra, du Wôrôdougou, du Tonkpi et du Bélier.

Une fausse note  de l’embellie nationale ?

Maintenir le cap, ainsi que Roger Kacou l’expliquera aux opérateurs lors de sa rencontre avec eux, au Ranhôtel, le vendredi 19 juin,  avec la normalisation des réceptifs et des services du tourisme, s’avère plus qu’une exigence pour un secteur qui a atteint, selon la Banque mondiale, 4,8% du Pib, frôlant les performances du secteur du cacao avec un peu moins de 6%.

Mieux, dans les faits, le tourisme en Côte d’Ivoire, en 2014, c’est 140 milliards de FCfa d’investissements au niveau des réceptifs pour 1770 chambres nouvelles et 3000 emplois directs pour 9000 indirects nouveaux.  Les recettes touristiques affichant plus de 100 milliards de FCfa contre 59,3 en 2013. Dans la même veine de la bonne santé du tourisme ivoirien, l’Organisation mondiale du tourisme (Omt) fait ressortir dans son rapport annuel que le taux d’occupation des hôtels est passé de 65% en 2013 à 69,4% l’an dernier.

Une performance qui est liée au grand nombre de touristes internationaux enregistrés de l’ordre de 470 809 (+43%), mais aussi au tourisme intérieur qui affiche quelque 706 213 touristes nationaux. Justement, dans cette volonté de développer et diversifier l’offre intérieure, des actions d’envergure sont en cours d’exécution. Bouaké est-il au diapason de cette embellie ? C’est là toute la question.

Pour les opérateurs, le traumatisme et le sinistre subis par Bouaké au plan touristique sont plus qu’alarmants. En tout cas, Elogne Aka, président des hôteliers du centre, rejoint en cela par le 5e adjoint au maire, Ismaël Ouattara, estime que des mesures sinon d’exonération, mais d’allègements fiscaux spécifiques devraient être accordées aux opérateurs de la région. Du fait, notamment, d’indemnisations évoquées restées sans suite et de réinvestissements sur fonds propres sans garanties d’appuis.

A ces interrogations, le ministre a apporté des réponses d’un pragmatisme de bon aloi, s’appuyant sur la realpolitik qu’inclut la nouvelle donne en matière de développement et de management touristique.  Après avoir exposé sur les avantages comparatifs que le secteur devrait engranger avec le Fonds de développement touristique (Fdt), la Taxe de développement touristique et les discussions en cours sur la baisse de la Taxe sur la valeur ajoutée (Tva) dans le domaine spécifique du tourisme, le ministre est revenu sur l’enjeu du Partenariat public-privé (Ppp) pour la résurrection du tourisme, l’hôtellerie en particulier.

Exorciser L’Harmattan, promouvoir les nouveaux sites

S’il y a un réceptif qui, à maints égards et à en croire le ministre du Tourisme, devra impérativement faire l’objet d’une plateforme collaborative entre le public et le privé, avec, en sus, des institutions bancaires pour renaître de ses cendres, c’est bien L’Harmattan.

Situé au quartier Commerce, ce réceptif qui fit, naguère, la fierté de la capitale du centre fait pitié à voir. Cet ex-cinq étoiles, ouvert de 1975 à 1992, avec ses six niveaux, 120 chambres, 6 suites,  2 restaurants, 1 night-club, 2 courts de tennis, une galerie marchande, n’a pu survivre à la crise économique des années 1990 et aux conflits entre ses actionnaires. Pis, près d’un quart de siècle après sa fermeture, les différentes parties n’arrivant pas à s’accorder sur sa liquidation et le dossier étant toujours pendant devant les tribunaux, en dépit des offres de la mairie et d’investisseurs divers, le site est squatté par des commerçants en tous genres. Pour autant, l’espoir de voir un nouveau complexe, ne serait-ce que dans des proportions moins ambitieuses, est caressé par tous. Et la tutelle entend tout faire pour  y parvenir.

Au même chapitre des réceptifs hôteliers, des initiatives privées font la fierté de Bouaké et annoncent des lendemains enchantés. Il en est ainsi de l’hôtel du stade, un trois étoiles qui entend s’enrichir de plus de commodités.


Art et écologie ont la cote

Mais,  bien plus, ce sont deux hôtels aux concepts respectifs de l’art et de l’écologie qui retiennent le plus l’intérêt. Le premier, sis au quartier Habitat-Nimbo, non loin du mythique  cinéma Centrivoire,  baptisé «Hôtel de l’art», sous des airs de galerie d’art, porte la griffe de Roland Sié. Un résident français vivant à Bouaké depuis le début des années 1980, connu, pendant les années 1990, comme pilote et mécanicien auto-moto de rallye et qui a transformé, progressivement, deux résidences familiales en un restaurant-bar-terrasse, Le Chantier, y a ajouté une  boîte de nuit, L’antirouille.

Avant de fondre ces deux établissements en l’hôtel susmentionné. En voie d’achèvement, avec ses nombreuses pièces d’art authentiques, ce réceptif comporte une curiosité architecturale que sont ses deux piscines suspendues. L’établissement, en fait, n’attend que l’agrément technique des services du ministère du Tourisme.

Quelque cinq kilomètres plus loin, dans le quartier cossu de Kennedy, l’hôtel «Mon Afrik» propose un concept écologique rimant avec calme, volupté et confort.  Situé dans un parc arboré, fleuri, simple et harmonieux, clos de murs, il se compose d’un ensemble de chambres et suites climatisées, autour des sensations d'Afrique.  Simplicité, convivialité, commodité, tels sont les principaux critères des chambres décorées avec des matières et meubles africains et logés dans ce complexe fondé sur les ruines d’un club équestre qui peinait à vivre durant les années de braise.

Toiles de Korhogo, tissus bogolan, meubles d'inspiration africaine donnent une ambiance propice au repos et à la détente. Autour de la piscine, des tables avec parasols sont à disposition pour prendre un verre en toute décontraction, déjeuner, souper et, peut-être,  apercevoir la mascotte de l'hôtel, Caroline, la tortue baoulé, cabotine à souhait, mais toujours gourmande d'une douceur. Cet hôtel porte la griffe de Mme Delon, résidant à Bouaké depuis 1973 où elle fut une pionnière de l’éducation télévisuelle avant d’y être, jusqu’à aujourd’hui, la libraire de renom qu’elle est demeurée.

En plus d’une restauratrice reconnue. En bientôt deux ans d’existence, son complexe s’affiche comme une  destination prisée des touristes du centre du pays, avec entre 35% et 40% de taux d’occupation en deux ans. Et pour le côté gastronomique, en plus de plusieurs espaces, c’est Le Trou Gascon, avec sa carte inspirée de la cuisine française, un restaurant climatisé de 70 couverts, qui remporte la palme des fins gourmets.

Des pavillons haut de gamme à Bouaké, ont pour unique nom: Les résidences-hôtel Eléphant.  Au quartier Air-France 3, anciennement cité N’Sikan, du nom de ce magnat des transports qui n’est autre que le propriétaire, ce complexe offre ce qu’il y a de plus luxueux dans le Gbêkê. Opérationnels depuis 2012, ces pavillons de trois et quatre pièces, estampillés de A à O, offrent toutes les commodités pour des séjours en famille ou de groupes organisés.

Mais au-delà de ses réceptifs qui renaissent, Bouaké et sa région peuvent toujours compter sur leur culture, leur artisanat et leur géographie comme potentialités touristiques à promouvoir.


La Loka, le Fli, le Goly de Bendèkouassikro, les potières de Tano-Sakassou…

Le Chef de l’État, Alassane Ouattara, procédait, le mercredi 27 novembre 2013, à la mise en service de l’usine de production d’eau potable de Bouaké-Loka, située à une vingtaine de km à l’ouest de la mégapole et financée à hauteur de 5 milliards de Fcfa par l’Union européenne et la Banque mondiale.

La construction de cette  nouvelle salle de reprise permet de passer de 1250 m3/heure à 9000 m3/heure, soit une augmentation de plus de 7000 m3/jour. À quelques mètres de cette importante infrastructure, source d’eau potable des habitants du grand-Bouaké, au détour d’une piste bien tenue en toutes saisons, se dressent le lac et la presqu’île de la Loka. Avec ses roches précambriennes alentours et son pic dit «Montagne Fli».

Une petite merveille de la nature qui a réjoui le ministre du Tourisme et ses hôtes. Avec ses berges aménagées avec espaces de restauration typiques de la région, elle devrait permettre d’exercer des activités telles que le Vtt, l’escalade, la balade en pirogue. A mi-chemin du pic, se trouve un rocher où l’on distingue une empreinte de pied qui serait celui d’un géant, une sorte de génie protecteur exauçant tous les vœux, apparenté aux cyclopes, espèce de créatures fantastiques dans la mythologie grecque.

En tout cas, les populations alentours, celles d’Angoua-Yaokro, de Kouamé-Yaokro et Kimoukro, toutes de la sous-préfecture de Languibonou, à cheval entre Bouaké et Béoumi, espèrent un mieux-vivre par le tourisme.

Idem pour celles de Bendèkouassikro sur l’axe menant à Sakassou, dans le canton Dohoun. Avec son masque Goly dont l’originalité des traits et des pas donne une touche supplémentaire à la culture baoulé.  Et que dire des potières au talent ô combien créatif et à l’organisation bien rôdée du village de Tano-Sakassou, sur la route de Brobo ! Tout simplement que Bouaké peut s’enorgueillir d’avoir des artisans et des sites insoupçonnés qui peuvent être considérés comme les moteurs de sa relance touristique.


REMI COULIBALY

Envoyé spécial