Sculpture : Yaya Savané explique sa démarche créatrice

La sculpture baptisée "Le retour de mon grand-frère".
La sculpture baptisée "Le retour de mon grand-frère".

Sculpture : Yaya Savané explique sa démarche créatrice

Sculpture : Yaya Savané explique sa démarche créatrice

Le processus de création d’une sculpture a été revisité par le muséologue et curateur Yaya Savané, le week-end dernier, à l’occasion d’un atelier de formation des journalistes culturels, où il a levé un coin de voile sur sa propre démarche créatrice.

Dans « L’histoire d’une sculpture », thème de la communication, il s’agissait de montrer aux journalistes étape par étape comment un tronc d’arbre peut prendre forme sous l’action de l’homme pour devenir une œuvre d’art.

M. Yaya Savané raconte sa rencontre avec une souche d’arbre : « Devenu une menace pour la construction familiale,  cet arbre dont les racines lézardaient les murs a fini par être abattu.  Il ne restait plus que la souche que nous avons récupérée de justesse ». De là, va naître dans l’esprit du curateur, un projet artistique. Ce qui le poussa à transférer la souche d’arbre à son lieu d’habitation pour découvrir « ce qui se trame derrière cet objet insolite » à ses yeux.

Pour passer à l’action, dès leur premier contact avec la souche, les sculpteurs vont passer à la loupe la souche pour mieux l’appréhender. « En  Afrique, dans la pure tradition, l’abattage d’un bois obéit toujours à un rituel. Ici, l’attitude des sculpteurs à l’égard de l’objet s’inscrit dans cette démarche », rappelle M. Yaya  Savané. Ainsi, tout au long de la réalisation de cette œuvre, il y a eu un dialogue, une négociation avant d’entreprendre quoique ce soit. « Camara Moussa, l’un des sculpteurs y voit  quelqu’un de coincé, de blessé et dans sa tête se dessine l’image d’un personnage humilié », explique M. Yaya Savané.

Limitant la posture de leur personnage imaginaire et après avoir demandé selon Camara Moussa, à la souche la permission de se laisser faire, les sculpteurs commencent alors le processus de dégrossissement. A la deuxième séance d’intervention, « surgit une forme déjà lisible, celle d’une personne assise, jambes allongées,  mains par derrière, tête baissée cachant le visage ». A l’unanimité des personnes qui ont vu cette œuvre avouent qu’elle inspire des « sentiments de compassion, de souffrance, de désolation ». Mieux, « elle est saisissante et ne laisse personne indifférente. »

Quand on demande à Camara Moussa de donner un titre à l’œuvre, sans hésiter, il la baptise  « Le retour de mon grand frère ». Avant de relater : « Il s’agit de mon frère aîné Abou Camara. Il a vendu la deuxième cour  du vieux et ses vaches et s’est enfui pour l’aventure. Cela ne lui a pas servi. Il est retourné sans rien après dix ans d’aventure ».  Décrivant la posture du personnage sorti de l’œuvre, il poursuit : « Chez nous, les mains derrière, tête baissée, c’est le signe du pardon. Le personnage n’est pas ligoté comme on peut le penser. Cet homme est libre car il est venu de lui-même ». Au finish, l’on découvre que l’œuvre est une histoire familiale.
« Avec l’expérience que je viens de vivre tout au long de cette opération, je continue de m’interroger  sur le processus créatif  avec ces deux pôles : d’un côté l’artiste, de l’autre, le spectateur », conclu le curateur Yaya Savané.

Cette communication a été animée par M. Savané et les sculpteurs Yougoné Bi Tié de Côte d’Ivoire, Koumaré Baba du Mali et Camara Moussa de la Guinée qui ont réalisé une œuvre commune née des échanges entre les trois personnes sous l’impulsion d’un curateur (commissaire d’exposition).


CHEICKNA D. Salif
salifou.dabou@fratmat.info