Prix littéraire/Fatou Fanny-Cissé : "Mme la Présidente" cumule trois "mandats" !

Prix littéraire/Fatou Fanny-Cissé : "Mme la Présidente" cumule trois "mandats" !

Prix littéraire/Fatou Fanny-Cissé : "Mme la Présidente" cumule trois "mandats" !

A son rythme, tel celui d'un long fleuve tranquille qui suit allègrement son cours, Fatou Fanny-Cissé mène sa carrière d'écrivaine, corsant, au fil des parutions, son style et sa thématique. Une posture qui n'a rien à avoir avec l'héroïne de son dernier roman, « Madame la Présidente » : Fitina.

Celle qui n'a pas la patience chevillée au corps et qui sied aux politiciens dans l'âme. C'est donc « Madame la Présidente », œuvre romanesque sortie, il y a un an, sous les presses de Nei/Ceda à Abidjan, qui vient de recevoir une triple distinction. Dont la dernière en date, par elle reçue, le 17 juin dernier, et non des moindres, le « Prix du meilleur livre de fiction de l’année - Ala 2017 ».

Ce Prix est attribué à « un livre exceptionnel dans la littérature africaine publié l’année civile précédente », au dire de Phd Juliana Makushi N’fa Abbenyi, professeure émérite d’anglais et de littérature comparée, présidente de l’Association de la littérature africaine, à New Haven dans le Connecticut aux États-Unis d’Amérique, rapporte la presse locale en ligne. La récompense est assortie d’une récompense pécuniaire.

Crises électorales au cœur de la trame

Pour le Comité « Madame La Présidente » de Fatou Fanny-Cissé qui se déroule dans la République imaginaire de Louma est symptomatique des crises électorales sur le continent africain et dans les pays en voie de développement. Mieux, le Jury argue dans son argumentaire que le choix d’une femme candidate à la Présidence fondé sur le fait qu’il existe sur le continent seulement deux femmes présidentes, est pertinent. Il y a aussi deux femmes candidates aux élections présidentielles de Louma. Fitina, qui n’était pas destinée à être Présidente de son pays, est déterminée à gagner les élections présidentielles par tous les moyens en son pouvoir. Avec l’aide de son frère qui la présente à un puissant et surnaturel tradi-thérapeute, elle remporte mystérieusement les élections et est investie Présidente. Elle devient, étrange, dictatrice et insupportable. Le pouvoir mystique affiché dans le roman est une réplique du mysticisme moderne dans la politique et la quête du pouvoir. Les descriptions et la narration sont vivantes et pleines de suspense.

Un parfum de Kourouma…

 Le style et l’exploration linguistique rappelant à certains moments Ahmadou Kourouma ou Djibril Tamsir Niane, sont simples et colorés avec des africanismes. L’auteur utilise la féminisation de la Présidence pour caricaturer les tendances dictatoriales modernes des leaders africains. Fitina a déçu la plupart des femmes qui attendent une vraie femme Présidente africaine. Le népotisme est à l’ordre du jour avec ses amis et ses relations qu’elle place aux postes-clés de son gouvernement. Comme dans la plupart des pays en voie de développement, la Constitution est changée pour satisfaire le mandat de la Présidente en exercice dans le but de lui permettre de perpétuer son pouvoir. Le roman est captivant, vivant et cela semble si réel !

Jamais 2 sans 3 ?

Rappelons qu’avant cette troisième distinction, la trilogie ascendante de Fatou Fanny-Cissé débute en février dernier, au Salon du livre de Bamako au Mali, pour s’achever, pour l’instant, aux Usa, en passant par Abidjan.

Retour sur le film de ces derniers mois. Le mercredi 5 avril, Fatou Fanny-Cissé a reçu le Prix Aeci (Association des écrivains de Côte d’Ivoire) du meilleur livre féminin 2017 pour son roman… « Madame la Présidente ». Ce même roman qui était en lice au Mali pour le Prix Ahmed Baba. Pour ravir, au finish, le 2e prix, en février dernier.

L’engagement d’une auteure qui monte

Fatou Fanny-Cissé, il faut le noter, s'affirme, avec cette dernière livraison livresque comme l'une des valeurs montantes des Belles-lettres ivoiriennes. Après avoir signé trois titres (« Philtre d'amour », « Destination tendresse » et « Amour vif ») dans la collection à l'eau de rose Adoras (Nei), et s'être essayée à la littérature de jeunesse en publiant « La blessure », sur le thème de l'excision, dans la collection « Lire au Présent » (Editions Ceda en 2002), cette universitaire avait déjà franchi le Rubicon avec « Une femme, deux maris », son premier roman toujours chez Nei/Ceda, paru en 2013. Et comme l'histoire des mutilations génitales féminines fort corsée agrémentée à celle de la polyandrie (avouée ou sublimée) servie dans ce coup d'essai, du reste magistral, celle de « Madame la Présidente », ne manque pas, tout aussi, de piment. Car, Fitina, femme à l'ambition démesurée et assoiffée de pouvoir, est prête à tout, vraiment tout, pour être investie du pouvoir... suprême. Un personnage aux antipodes de son auteure qui, la patience chevillée au corps, mène sa barque d’écrivaine, lentement mais sûrement.

REMI COULIBALY